Chapitre 4

14 minutes de lecture

Alice
11 juin 2023

J’ouvre les volets, l’esprit ailleurs.
Aujourd’hui marque un rendez-vous particulier avec Sasha. Nous devons discuter d’un projet qui me tient à cœur : illustrer les lieux décrits dans mon roman à l’aide de photographies.

Une fois prête, je m’adonne à mon rituel du matin : caresser Maurice, mon fidèle compagnon à quatre pattes. Il se love contre moi, ronronnant doucement, comme s’il devinait que j’avais besoin de calme.

La télévision, que j’avais laissée en fond sonore pendant ma préparation, attire soudain mon attention. Une image fugace, un reportage sur une scène de crime. Des cadavres.
Je frémis.

La mise en scène me semble étrangement familière. Une façon de tuer que je reconnais. Trop bien.
Le même mode opératoire que dans mon premier roman.
Coïncidence… probablement. Mais une part de moi refuse d’y croire entièrement.

Je coupe rapidement la télévision, non sans jeter un dernier regard à l’écran, le cœur battant un peu plus fort qu’à l’ordinaire.

Le café où j’ai rendez-vous se trouve à quelques rues de là. Je décide d’y aller à pied, espérant que l’air frais dissipera le malaise persistant.
En consultant mon téléphone, je remarque que j’ai une bonne demi-heure d’avance.

Dès mon arrivée, un serveur m’accueille avec le sourire.
— Bonjour, une table pour combien de personnes ?
— Bonjour, une table pour deux, s’il vous plaît.
— Par ici, je vous en prie.

Il m’installe près d’une grande baie vitrée. La lumière douce du matin filtre à travers le verre, réchauffant l’atmosphère. Je m’assieds, sors mon téléphone et envoie un message à Sasha pour lui dire que je suis déjà sur place.

Quelques minutes plus tard, je le vois traverser la rue en trottinant, visiblement essoufflé mais souriant.
— Désolé, je t’ai fait attendre ? dit-il en se grattant l’arrière de la tête, un air gêné au visage.
— Pas du tout. Je suis arrivée en avance, réponds-je en souriant.

Il s’installe en face de moi, juste à temps pour que le serveur revienne prendre notre commande. Une fois nos choix notés, je sors de mon sac un carnet que je pose sur la table.

— J’ai eu une idée pour mon nouveau livre, lui expliquai-je en le poussant vers lui. J’aimerais illustrer les lieux évoqués dans l’histoire avec des photos. Ce carnet contient toutes les adresses, avec des détails précis pour chaque endroit.

Sasha ouvre le carnet et commence à le feuilleter avec attention.
— Tu es écrivaine ? demande-t-il, curieux.
— À mes heures perdues, dis-je avec un petit rire.

Il continue de tourner les pages, son regard allant des notes aux croquis.
— Très bien. Je pense pouvoir faire ça en deux semaines minimum. Ça te va ?
— Parfait. Je ne suis pas pressée, réponds-je avec entrain.

Nous passons l’heure suivante à discuter du projet, détaillant les lieux, l’ambiance, les couleurs que je veux voir ressortir. Sasha semble sincèrement investi, ce qui me rassure.

Alors que notre échange touche à sa fin, il me regarde avec une expression hésitante.
— Alice… Je me demandais… Tu ne te souviens pas de moi ? On était dans la même classe en cinquième et en quatrième.

Je garde le silence un instant, comme si je fouillais dans ma mémoire.
— Je suis désolée… J’ai une très mauvaise mémoire pour les prénoms.

Il secoue doucement la tête, souriant avec indulgence.
— Ce n’est rien. T’en fais pas.

En vérité, je me souviens parfaitement.
Malgré les deux années qui nous séparent, nous avons bel et bien partagé cette classe. J’avais intégré la maternelle plus tôt que les autres enfants, et sauté le CP grâce à mes parents, qui m’avaient appris à lire et à écrire avant l’école.

À l’époque, Sasha était souvent la cible des moqueries et des coups bas. Trop discret, trop différent.
Et moi, je m’étais interposée. Pas toujours de façon judicieuse, mais avec assez de conviction pour qu’on lui fiche un peu la paix.

Je n’ai jamais oublié.
Mais je choisis de garder le silence.
Parfois, certains souvenirs sont plus puissants lorsqu’ils restent enfermés dans le passé.

Alice – 11 ans
03 octobre 2013

Aujourd’hui, les cours se sont arrêtés une heure plus tôt : le professeur principal est absent.
Je sais pertinemment que ma mère me l’interdit formellement, mais l’idée de rentrer à pied, seule, m’attire.
Une envie de liberté, rare et précieuse.
Sans prévenir notre domestique, je prends la tangente à travers les ruelles sinueuses de la ville.

Au détour d’une allée étroite, un bruit étrange me fait m’arrêter. Des gémissements. Étouffés. Brisés.
Je tends l’oreille. Mon cœur accélère.
Guidée par une curiosité inquiète, je m’avance prudemment et me penche contre un vieux mur.

La scène me frappe comme un coup de poing.
Sasha, un camarade de classe que je reconnais vaguement, est recroquevillé au sol. Les bras levés pour protéger son visage. Des larmes ruissellent sur ses joues sales.
Face à lui, trois grands de troisième ricanent, leur cruauté éclatant sans retenue.

Une bouffée de colère me traverse de part en part.
Je redresse la tête et avance vers eux, d’un pas calme mais résolu.
Leur ricanement se fige à ma vue.

— Regardez-moi ça… Voilà que la bourgeoise descend parmi les pauvres, ricane l’un des garçons.

Je l’ignore royalement et me place devant Sasha, faisant barrage de mon petit corps, mais avec une détermination glaciale.
Je les fixe, l’un après l’autre, sans ciller.

— Il serait vraiment dommage que vos parents perdent leur emploi… ou finissent leur vie en prison, dis-je d’une voix parfaitement calme.

Le ton est posé, mais l’impact est immédiat. L’un d’eux blêmit.
— Tu… t’as aucun pouvoir pour faire ça ! réplique-t-il, la voix un peu plus aiguë que prévu.

— Revois ta façon de t’adresser à moi, espèce de gueux.

Je marque une pause, les yeux durs comme l’acier.
— Vous savez très bien qui je suis. Mes parents ne sont pas seulement les plus riches de cette ville. Ils contrôlent l’essentiel : l’argent. Et celui qui contrôle l’argent… contrôle tout.

Le deuxième garçon tente de répliquer, mal assuré :
— Tu… tu ne connais même pas nos noms !

— C’est exact. Mais il ne me serait pas bien difficile d’accéder à vos dossiers scolaires. Vous êtes tous identifiables. Très facilement.

Je croise les bras.
— Maintenant, partez. Et ne vous avisez plus jamais de lui faire du mal.

Un silence pesant s’installe. Puis les trois garçons détalent sans demander leur reste, comme des rats quittant un navire en feu.
Je les regarde disparaître au coin de la rue, puis me tourne vers Sasha. Il s’est redressé, assis au sol, les sanglots encore accrochés à ses épaules frêles.

Je m’accroupis devant lui et sors un mouchoir de ma poche.
— Tiens. Il y a une pharmacie pas loin. Reste ici, je reviens tout de suite.

— M…merci, murmure-t-il, la voix tremblante.

Je me redresse et cours aussi vite que possible.
Quelques minutes plus tard, j’arrive au même endroit, le petit sac de soin à la main. Mais je m’arrête net.

Quelqu’un est avec lui.

Un jeune homme, agenouillé à ses côtés, caresse doucement les cheveux de Sasha pour le calmer. Une canne noire repose à ses pieds. Son manche est sculpté en forme de corbeau doré, élégant et inquiétant à la fois.

Ses cheveux noirs tombent devant son visage, masquant ses traits.
Puis, il relève la tête.

Ses yeux croisent les miens. Une étrange lueur, indéfinissable, me fige sur place. Ce n’est pas de la menace… mais ce n’est pas non plus de la bienveillance pure. C’est autre chose.

Il me sourit, doucement.
— Je vous remercie, gente demoiselle, pour votre précieuse assistance. Je vais prendre soin de lui, désormais.

Sa voix est posée, presque théâtrale. Le contraste entre ses mots et cette aura étrange me trouble.

Je tends lentement le sac de soin.
— Bien… dans ce cas… au revoir.

Je m’éloigne à pas rapides, le cœur battant.

.__.

À peine la porte de la maison franchie, une voix stridente m’accueille.

— ALICE ! hurle ma mère depuis le salon.

Je m’arrête net.

— Non seulement tu oses rentrer à pied comme une vulgaire roturière, mais en plus tu te permets d’aider un… un inconnu ?!
Tu piétines tout ce que nous t’avons inculqué ! L’image que tu renvoies est honteuse ! File dans ta chambre ! J’attendrai que ton père rentre pour décider de ton sort !

Je ne bronche pas.
Rien de tout cela ne me surprend. Mes parents ont des yeux et des oreilles partout, toujours prêts à traquer la moindre entorse à leur sacro-sainte image.

Je redresse le menton et monte les marches.
Sans un mot.
Parce que répondre ne ferait qu’ajouter de l’huile sur un feu que je refuse d’alimenter.

Alice
11 juin 2023

Le rendez-vous avec Sasha terminé, je décide de flâner un peu dans les rues de la ville, à la recherche d’inspiration.
Comme le disait Baudelaire, le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté ou, plus simplement, une promenade au hasard.

Au détour d’une rue, une délicieuse odeur de viennoiseries me chatouille les narines. Mon flair de Française ne me trompe pas : il y a une boulangerie à proximité. Quelques pas plus tard, j’entre et ressors avec un pain au chocolat encore tiède, croustillant à souhait.
Impossible de résister.

Je reprends ma balade, savourant chaque bouchée tandis que mes pensées dérivent personnages, chapitres, structures narratives… Tout se mêle dans un joyeux désordre créatif.

Soudain, un choc brutal me tire de ma rêverie.
Quelqu’un me percute de plein fouet. Je perds l’équilibre, bascule légèrement en arrière… mais une main attrape mon poignet au dernier moment, me retenant fermement.

— Oh, mille excuses. Vous allez bien ?

Je lève les yeux vers l’inconnu.
Ses iris bleu glacier me fixent avec une intensité presque troublante. Son visage est maquillé avec soin : fond de teint lisse, traits nets. Un détail peu commun, mais que je ne m'attarde pas à juger.
Ce qui me dérange, c’est cette façon qu’il a de me regarder.

Je réalise que je le fixe en silence depuis quelques secondes. Il s’en aperçoit et relâche doucement ma main.

— Euh… oui, ça va. J’étais un peu perdue dans mes pensées. Ce n’est pas entièrement votre faute.

— Vous en aviez tout l’air, en effet, répond-il avec un sourire énigmatique.

— Vous m’observiez ? demandai-je, sur la défensive.

— Non, pas du tout. Ce n’est pas ce que je voulais dire. Juste… vous avez mis un moment avant de réagir.

— Vous m’avez surprise, voilà tout.

— Ou intriguée, peut-être ?

— Quoi ? Non. Pas du tout.

— Dommage. Moi, je le suis.

Son ton est calme, presque trop posé. Un frisson me parcourt l’échine. Ce genre de calme… ça ressemble davantage à une mise en scène.

— Je suis désolée, mais… je suis attendue. Je risque d’être en retard.

Je me détourne sans attendre sa réponse et m’éloigne rapidement, sentant encore son regard peser sur ma nuque.
Le reste de ma promenade est moins paisible. La rencontre m’a laissée avec une étrange sensation, un arrière-goût d’inquiétude mêlé de curiosité.

En rentrant chez moi, je vérifie machinalement mon téléphone. Une idée me traverse l’esprit : demander à Axel la date exacte de son rendez-vous pour son tatouage. Plus précisément, l’heure.

Je lui envoie un message. Il ne tarde pas à répondre :
"Salut la vieille, c’est le 17 juin à 14h. T’as le temps"

Je souris malgré moi, puis jette un œil à l’heure. Il est déjà 12h40. Le temps file.

Il est l’heure de me préparer pour le travail.

Je rassemble mes affaires, attrape mes clés et me dirige vers ma voiture. Le trajet jusqu’à la librairie est tranquille, presque apaisant après l’étrange épisode de tout à l’heure.

Une fois sur place, je me gare, sors de la voiture, et avance vers l’entrée. La réceptionniste m’accueille avec son sourire habituel.

— Bonjour Alice, dit-elle d’une voix douce.

— Bonjour, répondis-je avec chaleur.

Je poursuis mon chemin vers les vestiaires, où je me change et range mes affaires, prête à commencer une nouvelle journée entre les livres, mon sanctuaire, mon refuge, mon monde.

Sasha
11 juin 2023

À peine Alice partie, je décide de ne pas perdre une minute et de commencer les photos. L’un des lieux qu’elle a mentionnés se trouve justement à quelques pas.
Je sors du café, prends une grande bouffée d’air, l’air est tiède, la lumière douce, je me dirige vers le parc.

Arrivé sur place, je ressors le carnet pour relire les instructions : photographier la fontaine au centre du parc, avec la forêt en arrière-plan. Malgré la saison chaude, les arbres gardent encore leur feuillage verdoyant.
Je mets en marche mon appareil photo, suspendu à mon cou, et me mets au travail.

Je prends plusieurs clichés, testant différents angles : contre-plongée, face pleine, plans serrés sur les détails sculptés, puis des plans larges pour capturer l’ensemble du décor. La lumière joue à travers les feuillages, créant des éclats mouvants sur la pierre mouillée.
Après une trentaine de minutes, satisfait, je jette un coup d’œil à l’écran : une quinzaine de photos exploitables. Mission accomplie.

Comme je ne travaille pas aujourd’hui, je me dis qu’une petite visite à Mathieu ne serait pas de trop. Son salon est à deux rues de là, et j’ai envie de parler à quelqu’un.

Le tintement du carillon annonce mon arrivée. Mathieu lève les yeux de sa tablette graphique, le sourire aux lèvres.

— Mon cher Sasha ! Quelle noble quête t’amène en ce jour radieux jusque dans mon modeste sanctuaire ?

Je lève un sourcil, mi-amusé, mi-agacé par son excès de théâtralité.

— Tu fais dans la poésie maintenant ? C’est contagieux ou juste ton café qui est trop fort ce matin ?

— Que veux-tu, j’ai mes élans de grandeur, dit-il en se levant. Aujourd’hui, je savoure ces rares instants où le chaos du monde se tient à distance.

— Et moi, je meurs d’ennui, soupirai-je en m’affalant dans un fauteuil.

Sans rien dire, Mathieu fouille dans sa poche et en sort un billet de 100 euros qu’il me tend comme s’il m’accordait une faveur divine.

— Tiens, noble vagabond. Va donc t’acheter un jeu, un livre, ou tout objet capable d’apaiser ton tourment, et laisse-moi œuvrer en paix.

— T’es sérieux ? Merci ! lançai-je, surpris et ravi.

Alors que je tends la main pour récupérer le billet, mon regard tombe sur le dessin en cours sur sa tablette. Je plisse les yeux : les vêtements représentés me rappellent étrangement quelqu’un.
Alice.
Je suis sûr de les avoir déjà vus sur elle.

Avant que je n’aie le temps de dire quoi que ce soit, Mathieu, d’un geste vif, éloigne la tablette.
Je fronce les sourcils. Ce petit mouvement, plus éloquent que des mots, ne fait que confirmer mes soupçons.

Je range le billet dans ma poche et décide de rentrer chez moi pour prendre la voiture. Il est temps d’aller m’offrir ce nouveau jeu dont tout le monde parle.

Une fois au magasin, je fonce dans le rayon jeux vidéo pour récupérer le précieux sésame. Mais au lieu de partir aussitôt, je flâne un peu, profitant du calme et de cette liberté rare.

En passant devant le rayon livres, mon regard se pose sur un titre que je connais bien : Sujet 66.
Le fameux “chef-d’œuvre absolu” dont Mathieu ne cesse de me vanter les mérites depuis des années, son “saint Graal littéraire”.
Par curiosité, je tends la main vers l’un des exemplaires.

— Bonjour monsieur, je peux vous aider ?

Je me retourne, surpris, et tombe nez à nez avec Alice. Elle me sourit chaleureusement, vêtue de l’uniforme de la librairie.

— Alice ? Tu travailles ici ?

Elle m’adresse un regard faussement exaspéré, les bras croisés.

— Non, pas du tout. J’ai trouvé un uniforme dans une benne et je me suis dit : “Tiens, et si je jouais à la libraire aujourd’hui ?”
Bien sûr que je travaille ici.

Je ris, secouant la tête.

— D’accord, d’accord. Mauvaise question. Je cherchais juste… un livre. Enfin, je crois.

La situation est presque absurde. Je m’apprête à demander à une employée des conseils sur un roman… sans savoir qu’elle en est l’auteure.
Heureusement pour elle, son nom n’est pas sur la couverture. Alice écrit sous pseudonyme — et officiellement, je ne suis pas censé être au courant.

Mais maintenant que j’y pense…
Peut-être que je le suis un peu plus que je ne le devrais.

Alice
11 juin 2023

Après une journée somme toute ordinaire, je pousse enfin la porte de mon appartement. À peine le temps de déposer mes affaires que je me laisse tomber sur le canapé, les muscles encore engourdis par les heures de travail. Un soupir d’aise m’échappe. Le silence ambiant me berce quelques instants… jusqu’à ce que mon téléphone vibre, brisant le calme.

Je tends la main machinalement et jette un œil à l’écran. Un message.

“Salut Alice, c’est Iris. J’aimerais beaucoup qu’on se retrouve prochainement autour d’un verre pour discuter.”

Je reste figée quelques secondes, les sourcils légèrement froncés. Iris… Voilà un nom que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Un mélange de surprise et de curiosité me saisit. Finalement, je réponds :

“Avec plaisir ! Es-tu disponible le 18 au soir ?”

Quelques secondes plus tard, une nouvelle vibration.

“Parfait, c’est noté. À bientôt !”

Un mince sourire se dessine sur mes lèvres alors que je repose le téléphone sur la table basse. Une rencontre avec Iris, après tout ce temps... Cela promet d’être, au minimum, intéressant.

Depuis notre rupture l’année dernière, je n’ai jamais pris l’initiative de reprendre contact. Non pas par rancune elle ne m’a rien fait de mal mais parce que je ne suis pas ce genre de personne. Je n’écris pas "juste pour prendre des nouvelles". Si ce n’est ni important ni urgent, je ne vois tout simplement pas l’intérêt. Axel ne cesse de me le reprocher, me traitant de sauvageonne à chaque fois. Il n’a pas tort… mais je ne changerai pas pour autant.

Je rejette la tête en arrière et ferme les yeux, m’étirant longuement. Un petit craquement dans mon dos me fait grimacer, mais c’est le genre de douleur satisfaisante. Mon souffle commence à se ralentir.

Puis, soudain, un contact léger effleure mon front.

Je sursaute, les yeux s’ouvrant brusquement. Mon cœur bat un peu plus vite.

— Ce n’est que toi… soupirai-je en reconnaissant la silhouette familière.

Mon chat me regarde avec son air impassible de seigneur félin, comme s’il venait de me faire une blague volontaire. Je le récupère et le serre contre ma poitrine. Sans se faire prier, il frotte sa tête contre la mienne, ronronnant aussitôt. Je glisse les doigts dans son pelage chaud, le sourire aux lèvres.

C’est alors que j’entends un bruit étouffé dans le couloir.
Un clac, suivi d’un raclement. Puis le silence.

Je tends l’oreille, figée.

Encore un bruit. Plus léger cette fois. Comme si quelqu’un traînait les pieds. Ou… non, peut-être juste un voisin maladroit. Les murs sont fins ici, chaque mouvement semble amplifié. Pourtant, il y a quelque chose d’étrangement lent, presque hésitant, dans ce rythme.

Je fronce les sourcils, le chat toujours contre moi, dont les oreilles viennent de se redresser.

— T’as entendu, toi aussi ? murmurais-je.

Il ne bouge pas, mais ses yeux se fixent sur la porte d’entrée.

Je me redresse lentement. Un autre bruit, plus net cette fois. Un clic, métallique, comme une poignée de porte qu’on manipule.

Mon regard glisse vers la porte, puis vers la chaîne de sécurité, bien en place.

Un silence pesant retombe. Long. Trop long.

Finalement, rien. Juste le vieux bois du plancher qui craque sous son propre poids.

Je prends une grande inspiration, chasse les pensées parasites et secoue la tête. Sans doute un voisin un peu trop curieux ou un bruit porté par les canalisations. Je me force à me détendre, à me concentrer sur la chaleur de mon chat contre moi, sur le ronron continu qui pulse doucement dans mon oreille. Malgré tout, une sensation étrange me reste collée à la peau. Comme une intuition sourde, une ombre qui n’a pas de nom.

Je garde les yeux fixés sur la porte un peu plus longtemps que nécessaire.

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