Octobre

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Pour le mois d'octobre, je vous propose d’écrire une histoire d’horreur ancrée dans la réalité historique.

Les Bubons de Saint-Lazare

Octobre 1348, Cévennes

Le navire génois accosta à Sète avec une cargaison de soie et de mort. Les marins étaient des cadavres noircis, collés les uns aux autres comme des fruits pourris. Seul un rat, gras et luisant, sautait sur le quai. Trois jours plus tard, la vieille Marie, qui avait touché le linge souillé des marins, se mit à cracher du sang. Ses aisselles gonflèrent, ses doigts noircirent. Le père Anselme, prêtre du village, ordonna qu’on l’enferme dans la léproserie de Saint-Lazare avec les autres pestiférés. Personne ne devait approcher.

Jehan, l’apothicaire, était le seul à oser s’aventurer près des malades. Il croyait en la science, pas en la punition divine. Il disséqua le corps d’un enfant mort et découvrit, sous la peau corrompue, des veines qui semblaient bouger. Et au creux de l’estomac, une marque : un sceau brûlé dans la chair, comme une signature.

Les flagellants arrivèrent peu après, une horde d’hommes hagards qui se fouettaient jusqu’à saigner. Leur chef, frère Malachie, prêchait la repentance, mais ses yeux brillaient d’une lueur anormale. « La peste est un ange vengeur ! » hurlait-il. Les villageois, terrifiés, les laissèrent faire. Bientôt, les femmes se mirent à imiter leurs cris, leurs coups de fouet. Leurs plaies, pourtant, guissaient trop vite, laissant une peau lisse et froide.

Jehan remarqua que ceux qui portaient le sceau – une marque noire en forme de spirale – ne mouraient pas. Ils changeaient. Leur peau devenait pâle, leurs doigts s’allongeaient. Ils ne mangeaient plus, ne dormaient plus. Ils attendaient.

La nuit où les rats envahirent le village, tout bascula. Des milliers de rongeurs aux yeux brillants, gras comme s’ils s’étaient repus de chair humaine. Les flagellants, désormais, riaient en chœur. Leurs mâchoires se disloquaient. Leurs dents s’aiguisaient.

« Nous sommes les élus, » murmura sœur Béatrice, une nonne aux yeux entièrement noirs, en montrant à Jehan le sceau qui venait d’apparaître sur son propre bras.

Il courut vers l’église, où le père Anselme tentait de bénir les derniers survivants. « Brûlez tout ! » hurla-t-il. Mais les rats étaient déjà là, grattant aux portes. Les flagellants, mi-hommes mi-bêtes, avançaient en procession, chantant : « Nous sommes légion. »

Jehan sentit la marque brûler sur sa peau.

Le prêtre alluma les tapis. « Que Dieu nous pardonne. »

Les flammes dévorèrent le village. Seule une pierre tombale resta, avec cette inscription :

« Ici git Jehan, dernier homme de ce lieu. Qu’il repose en paix… ou pas. »

Dans la forêt, des yeux brillants observaient les cendres.

Et quelque part, un rire aigu, comme un couinement, résonna.

(Fin.)

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