Chapitre 4

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 Après avoir entièrement vidé la première bouteille, Mera la reposa brutalement sur la table, un air fier sur le visage.

  • Une bouteille par heure, je te l’avais dit ! s’exclama-t-elle d’une voix un peu trop enjouée.

 Elle s’empara à pleine main d’une grappe de raisin vert, et marmonna comme une enfant :

  • J’ai tellement faim… Je pourrai avaler toutes ces grappes de raisins maintenant si je le voulais.

 Octave ne répondit pas, il avait pris un livre intitulé « l’art du combat rapproché», et le lisait imperturbable. Elle se retourna néanmoins vers lui, et lui proposa un peu de raisin qu’il accepta bien volontiers.

  • Octave ?
  • Mmh ?
  • Ce livre est vraiment intéressant ou alors tu fais tout pour m’éviter ?

Il finit sa phase avant de lui répondre.

  • Ce livre n’est pas tellement intéressant étant donné que je l’ai déjà lu, et qu’en plus j’en suis au chapitre qui parle des poignards, une arme que je déteste manier.

 Cette mention attira l’attention de Mera qui enchaina directement, d’une voix trainante :

  • Oh les poignards ? J’adoooooore m’entrainer avec, c’est l’arme que je manie le plus facilement à vrai dire. Je t’ai déjà dit que mes parents avaient horreur de me voir apprendre à combattre ?
  • Probablement pas, non, répondit-t-il sans lever les yeux de son livre.
  • Et bien, continua-t-elle sans se soucier de savoir s’il l’écoutait. Ils trouvaient ça vulgaire qu’une femme s’entraine au combat, alors je faisais exprès de les embêter. Au début je n’aimais pas vraiment me battre, mais je continuais pour leur montrer que je n’étais pas d’accord avec eux. Puis quand j’ai appris à manier les poignards, j’ai vraiment adoré, et je passais mes journées à m’entrainer avec mon frère…

 Elle laissa son regard trainer dans le vide, se remémorant tous ses entrainements avec son frère, rare moment où il la respectait.

 Ayant soudainement envie de lire elle aussi, elle se tourna vers la bibliothèque. Quand elle tenta de se relever, son équilibre la trahit. Elle tituba et manqua de tomber, mais fort heureusement, Octave la rattrapa par la taille à temps. Alors qu’elle riait en s’excusant de sa maladresse, il lui rappela :

  • Tu as trop bu, ce n’est pas bon pour toi Mera.

 Elle ignora son avertissement et se défit de lui avant de rejoindre la bibliothèque. Aucun ouvrage ne semblait contenir de roman d’amour ou de roman fantastique. Tous ne parlaient que de guerre, de tactiques, de politique, de sport et d’adresse. Après une dizaine de minutes à fouiller l’intégralité des étagères, elle dénicha enfin un petit livre caché derrière un dictionnaire.

  • Le dragon torturé, d’Aelys Amab. J’adore cette écrivaine ! s’exclama-t-elle en le serrant contre son cœur. C’est surprenant d’ailleurs qu’il soit ici, dans une bibliothèque sans récit de fiction. Je me demande qui a pu l’égarer…

 Alors qu’elle retourna s’asseoir sur le tapis, et défit son chignon, elle demanda :

  • Octave, tu veux un deuxième verre ?

 Et contre toute attente, il accepta. Elle posa son livre sur la table et ouvrit, cette fois-ci difficilement, une nouvelle bouteille de vin, sous le regard amusé d’Octave. Alors qu’elle se relevait pour le servir, elle se pencha trop en avant et renversa presque l’intégralité de la bouteille sur sa magnifique robe, finissant sa chute dans les bras qu’Octave tendait pour lui éviter une mauvaise chute.

 Alors qu’il se retenait de rire, Mera ne se cacha pas et éclata de rire, sans tout de même se départir de la bouteille quasi vide. Sa robe avait pris une teinte bordeaux presque noire, tâchant par ailleurs le costume d’Octave. Une de ses bretelles venait de glisser de son épaule et dévoilait encore plus son décolleté, d’où coulaient quelques gouttes de vin qui s’engouffraient sous ses habits.

 Un frisson de froid la parcourut et Octave le remarqua.

  • Tu ferais bien d’enlever ta robe avant de tomber malade.
  • Et bah dis donc, tu ne passes pas par quatre chemin toi ! Gloussa-t-elle en se relevant tant bien que mal.

 Il soupira, rougit un peu et répondit d’une voix plus douce.

  • Mera, un peu de sérieux s’il te plait…

 Mera tenta de reprendre un visage sérieux, mais avec ses joues rouges et ses cheveux ébouriffés, elle n’avait pas l’air de grand-chose.

  • Mon beau mari, aurais-tu l’amabilité de bien vouloir m’aider à me dévêtir ? Les lacets sont trop bien noués, je ne m’en sortirai pas toute seule.

 Elle avait beau avoir utilisé un ton sérieux, elle ne pouvait s’empêcher de rire, à cette appellation « mon beau mari ». Il allait falloir qu’elle s’y habitue rapidement pourtant.

 Octave ne se fit pas prier. Dos à lui, elle releva ses cheveux pour le laisser dénouer son corsage. Il glissa les doigts sur les lacets, s’efforçant de ne pas prêter attention à la chaleur émanant de Mera. Il dénoua lentement les liens, ses doigts frôlant par moment sa nuque, où quelques cheveux rebelles s’étaient échappés.

 Mera, face à la chaleur de la cheminée, soupira doucement en sentant le tissu la desserrer. Elle se cambra légèrement, sans même en avoir conscience, faisant effleurer son dos contre le doigt d’Octave. Il retint son souffle. Elle était si proche de lui… trop proche même. Son regard descendit sur la courbe de son épaule nue, sur la peau claire que la robe dévoilait à mesure qu’il défaisait les liens du corsage. Lorsque le dernier nœud fut défait, la robe glissa dans un bruissement presque silencieux le long de son corps, révélant la fine lingerie de dentelle beige qui ornait son corps.

 Octave détourna immédiatement les yeux, comme par réflexe, mais ne put empêcher son regard de revenir vers son corps presque aussitôt. Son ventre se contracta sous l’effet d’un trouble qu’il n’avait pas anticipé.

 Mera se retourna, affichant un sourire espiègle, les joues rougies par le vin et les yeux brillant d’un éclat malicieux. Elle ne semblait absolument pas gênée de se tenir aussi près, presque nue devant lui. Au contraire, la situation semblait même l’amuser.

  • Tu es tout rouge, Octave, murmura-t-elle en posant un doigt aventureux sur son torse.

 Il serra la mâchoire, cherchant à reprendre son calme.

  • Tu devrais enfiler quelque chose avant d’attraper froid, répondit-il d’une voix plus rauque que d’ordinaire.

 Elle haussa un sourcil, l’air faussement offusqué.

  • Tu n’aimes pas la vue ?

 Il la fixa, son regard glissant involontairement sur la ligne de sa clavicule, puis détourna brusquement les yeux et attrapa un plaid posé sur un fauteuil avant de le lui tendre.

  • Enfile ça, ordonna-t-il avant de se lever.

 Il disposa la robe mouillée devant la cheminée, afin d’essayer de la sécher plus rapidement.

  • La tâche ne partira pas, tu ne pourras malheureusement plus porter cette robe, annonça-t-il sans la regarder.

 Mera éclata de rire et s’enroula dans la couverture douillette, par-dessous ses bras.

 Elle était à présent étendue sur le sofa, un verre dans une main, une grappe dans l’autre. Elle alternait : une gorgée de vin, puis un raisin. Le plaid, dévoilait sa jambe gauche qu’elle avait relevé sur le dossier. Quand Octave affronta enfin son regard, ce n’est pas ses yeux qu’il fixait. Il fixait à présent le crâne de Mera, où ses racines commençaient à se ternir.

  • Mera, je ne sais pas si c’est normal, mais tes cheveux… prennent une autre couleur.

 Elle se releva aussitôt, sans toutefois renverser son vin. En posant son verre et son raisin, elle s’empressa de tâter son cuir chevelu et commença à s’affoler.

  • Oh par Dedit, mes cheveux s’assèchent et nous n’avons pas d’eau pour les hydrater ! Comment…

 Elle s’interrompit immédiatement, son regard posé sur la bouteille presque vide de vin. Octave ne put s’empêcher de laisser échapper un rire, en comprenant ce qu’elle voulait faire.

  • Tu vas vraiment arroser tes cheveux avec du vin ?

 A présent, il retenait ses éclats de rire, et Mera dut bien avouer qu’elle trouvait elle aussi la situation drôle.

  • Aller, assied toi sur le sofa, finti-il par dire. La tête penchée en arrière. Je vais arroser tes cheveux en essayant de ne pas t’en mettre sur le visage, promis.

 Elle opina, et s’installa, plantant son regard dans celui de son époux, qui détourna le sien en rougissant. Il versa doucement avec précaution le vin sur ses racines, en massant à quelques endroits pour bien imprégner le vin.

 Quand enfin ses cheveux furent bien arrosés, elle ferma les yeux de soulagement. Elle se rassit correctement, et secoua la tête doucement. Quand elle reprit son livre qui attendait sagement sur la table, Octave reprit place à côté d’elle en reprenant lui aussi sa lecture.

 Plongée dans l’histoire fabuleuse d’une dompteuse de dragon, Mera ne sentit même pas le sommeil venir la cueillir.

*

 Quand elle se réveilla deux heures plus tard, Octave n’était plus sur le sofa. Mera referma le livre qui avait glissé sur ses jambes, et se redressa. Il était étendu sur le grand lit, sur le dos, les yeux grands ouverts. Une bouteille de vin vide trônait sur la petite table basse. Elle se délesta de son plaid, et le rejoignit.

  • Tu penses à quoi ? lui demanda-t-elle en fixant elle aussi le plafond du baldaquin.
  • Tu vas sûrement me trouver crû et un peu brusque, mais je suis en train de penser à ce que tout le monde attend de nous en ce moment même.

 Elle ne trouva aucune réponse adéquate, mais comprit alors pourquoi il avait vidé une bouteille entière.

  • Octave, est-ce que tu es… pure ?
  • Tu me demande si j’ai déjà couché avec quelqu’un, c’est ça ?

 Elle acquiesça, et il répondit aussitôt.

  • Je n’ai jamais eu de rapports sexuels. Voilà. Donc tu m’excuseras, mais… ça me rend nerveux de savoir que… nous allons le faire ce soir.

 Mera dut déglutir difficilement. Elle avait oublié ce léger détail. Cette nuit elle allait tromper Adraïd, pour offrir son corps à un homme et lui faire un enfant.

  • D’ailleurs Octave, je suis curieuse. Si nous n’avions pas été fiancés depuis notre naissance, si tu avais pu choisir ta femme, tu aurais choisis qui ?

 Il réfléchit longuement avant de répondre.

  • A vrai dire, je ne sais pas trop. Je n’ai jamais été amoureux de personne donc…
  • Et quel est ton type de femme alors ?

 Il ne répondit pas, tournant légèrement la tête vers elle afin de pouvoir la regarder.

  • Et moi, je suis ton type ? Demanda Mera la voix un peu tremblante.
  • Oui.

 Elle hocha la tête et se redressa. Avec précaution, elle s’assit à califourchon sur lui, et dit :

  • Je vais… essayer de te guider, d’accord ? On va faire ça doucement, étape par étape. Tu verras, tu prendras peut-être du plaisir.

 Il ne dit rien, se contentant de rougir. Elle sentit alors que son corps la désirait.

  • Est-ce que… je peux t’embrasser ? demanda-t-il.
  • Non. Désolée, ce n’est pas contre toi, mais j’ai décidé que je n’embrasserai qu’Adraïd. Je… je ne veux pas… enfin déjà qu’on va… concevoir un enfant, je n’ai pas envie de la trahir encore plus.

 Il hocha la tête et se laissa guider. Leurs corps s’assemblaient maladroitement, quelques fois ils durent même s’interrompre. Ce n’était ni passionné ni romantique, simplement une façon de combler le silence qui pesait entre eux, et de répondre aux attentes de leurs familles.

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