Chapitre 4bis
Quand Mera ouvrit les yeux, émergeant petit à petit du sommeil, ce fut d’abord le confort de l’immense lit. Elle resta quelques secondes les yeux fermés à savourer la douceur du matelas, puis en tendant le bras contre les plis du drap, ne trouva pas Octave à ses côtés. Elle se redressa, et le trouva par terre, habillé, penché sur le sol.
Qu’est-ce que tu fais ?
Je dessine, répondit-t-il d’une voix douce.
Elle se releva lentement, le corps encore engourdi et la mémoire encore floue à cause du vin. Le feu dans la cheminée était quasiment éteint, et Octave, à même le sol, traçait dans la cendre par terre un magnifique dessin de cheval. Bien qu’elle connaissait Octave depuis leur plus tendre enfance, jamais elle ne l’avait vu dessiner. Elle s’installa sur le sofa, derrière lui, de sorte à pouvoir admirer la tête de cheval qui émergeait de la cendre.
Je ne savais pas que tu dessinais aussi bien, fit-elle remarquer. Ça fait longtemps que tu dessines ?
A peu près quinze minutes, je dirai.
Enveloppée dans le plaid, elle rit doucement.
Mais non idiot, depuis combien d’années tu dessines !
Oh… il s’interrompit dans son œuvre et se retourna face à elle.
Quand il vit qu’elle n’était pas habillée, il détourna les yeux par pudeur.
J’ai commencé à prendre des cours de dessin vers mes treize ans. Au début c’était une idée de ma mère, et j’étais résolument contre. Je pensais que le dessin était une activité ennuyeuse, et pas compatible avec mon avenir. Mais au final, j’ai appris à aimer ça, et maintenant, c’est une de mes occupations favorites, après l’équitation et la luth.
Mera se rendit alors compte qu’elle ne le connaissait pas aussi bien qu’elle pensait. A chaque fois que leurs familles se rendaient visite, c’était la plupart du temps sous la tutelle des parents. Mera avait apprit qu’Octave était intelligent, fort aux sports de combat, habile, très doué en politique, généreux… Quand ils n’étaient que tous les deux, il passait son temps à faire des blagues ou à parler de politique, même si la plupart du temps il l’écoutait juste parler d’elle. Il savait presque tout d’elle, et elle ne savait presque rien de lui.
Ce cheval est vraiment magnifique, tu es vraiment très doué.
Octave ne répondit pas de suite, il s’était remis à dessiner, il ajustait l’œil dudit cheval. Ce n’est qu’après un instant qu’il répondit :
J’essaie de dessiner le cheval de ma mère. Il s’appelait Epi, mais elle l’a vendu il y a quelques mois. Je l’aimais bien.
Mera se pencha doucement, le cœur serré par la tendresse. Elle ne savait pas qu’Octave n’était pas juste un bourgeois idiot. Alors qu’elle s’apprêtait à récupérer son livre sur la table, la porte de la chambre s’ouvrit d’un coup, faisant sursauter les deux jeunes mariés. Un valet apparu, tout sourire.
Bonjour monsieur le Duc et madame la Duchesse. J’espère que vous avez passé du bon temps pendant ces 24 heures.
Disant cela, il sourit encore plus, attendant surement une réponse, mais n’en obtint pas.
A présent, nous allons pouvoir changer vos draps, et ranger la chambre. Pendant ce temps, Monsieur Agrar vous attend propres et habillés dans le petit salon pour parler de l’éducation de vos futurs fils.
Et sans plus de cérémonie, il quitta la pièce, et immédiatement, une femme de chambre et un autre valet entrèrent, équipés de deux tenues assorties. En silence, Mera se laissa conduire dans une salle d’eau, et déshabiller par la jeune femme. Elle reconnut Lily, et fut un bri, soulagée de voir qu’une partie de ses femmes de chambre étaient logées ici. Elle se laissa faire, mais ne dit pas un mot de tout le long, se remémorant ce qu’avait dit le valet. « Pour parler de l’éducation de vos futurs fils ». Alors ça y est, ils avaient couché ensemble et aussitôt on les considérait comme des parents. Ou plutôt, comme les parents d’une lignée de fils, de futurs ducs bien éduqués et élevés comme le voulait Agrar et Edelyne de Rimabelle. Elle ressentit un serrement au cœur et sut que dorénavant, sa vie au château ne serait plus jamais la même qu’avant. Elle était devenue la marionnette de ses beaux-parents, et si elle ne jouait pas son rôle de duchesse et future mère, qui sait ce qui adviendra d’elle.
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