L'orifice

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Avril 2025


Est-ce le symptôme de « paralysie du sommeil » qu'a évoqué parfois le professeur ? Quand la porte de la chambre s'ouvre, le moindre geste m'est impossible. Une force invisible me cloue au canapé et m'empêche de voir. Comme dans ces rêves angoissants où malgré tous ses efforts, on ne voit plus rien distinctement. Quelqu'un franchit la porte. Entre dans le silence. Curieusement, je n'ai pas peur. J'ai même la certitude d'avoir déjà rencontré cette présence. J'entends ses vêtements - peut-être un jean ? - qui crissent quand l'intrus s'agenouille tout près de moi.


Est-ce une présence masculine ? Féminine ? Sa main effleure mes pieds. Elle s'aventure sur mes orteils, compose avec chacun une tendresse de satin. Mon attention est toute polarisée sur ses gestes, mon être se loge dans la plante de mes pieds ; je suis la caresse de cette main qui ondule sur la soie de mes bas. Qui en découvre la multitude des mailles tissées. Je suis incapable de parler mais Je voudrais l'appeler. Lui crier que j'ai un désir impérieux de sa bouche.
Ma demande a t-elle été entendue ? Alors que ses mains n'en peuvent plus de caresser mes mollets, je devine maintenanr le sirop de sa bouche qui coule sur mes Dim. Sa salive désaltère ma peau, puis de la salive encore. Elle coule, ruisselle presque, m'humecte, coule encore, surnaturelle. Je m'interroge sur l'étrangeté de cet exploit.

Enfin sa langue. Me voilà avec dans la folle excitation des « jambes de nuit », comme l'écrit Paul Eluard. Quant à son parfum : est-ce Portrait of lady ou Musc ravageur de Frédéric Malle ? Juste là, la langue effleure maintenant mes cuisses, remonte, leche, butine, lappe, suçotte doucement. Son souffle parvient à mes oreilles, fugace à mes narines. Sa bouche joue avec mes sens, la sensibilité de ma peau, mon odorat. Je veux respirer son haleine, la boire, qu'elle s'engouffre, qu'elle me baigne, que je sois comme un animal obsédé qui la renifle. A cette pensée, ma belette devient fiévreuse, s'électrise, vibre, se cambre ou suinte, s'ouvre ou se fait épaisse. Elle est orchidée ou iris, perd la tête sur la voie du plaisir.
J'écarte mes cuisses pour mieux sentir encore. Elles sont une vallée ouverte, des ailes d'ange écartelées. Le contact du torse de l'autre fait fulminer mes fesses, si assoiffées qu'elles deviennent tyrans : elles exigent que ma robe soit otée. Alors que mon corps rugit en un parfait silence, celui de l'autre ondule, se glisse, s'enfuit, revient, puis parcourt, taquine, nargue... Enfin, ce que j'attends arrive. Les mains s'aventurent sur la jarretière de mes bas, salivent comme il faut le haut de mes cuisses, les mouillent, les imbibent. Mes membres tressaillent ; leur tremblement agite le pli fessier, le sillon de mon cul s'ouvre. Maintenant ses mains s'adressent à ma robe.. Je ne suis plus qu'une marionnette, un pantin offert : les mains relèvent le vêtement sur mes fesses, soulèvent mon ventre - une caresse furtive sur mon soutien gorge - puis accompagnent mon torse, comme on le ferait pour déshabiller quelqu'un d'infirme, mes épaules se hissant légèrement, la robe retirée enfin.


La langue et la salive humectent mon slip délicatement. J'attends secrètement qu'elle se dirige plus vers le sillon, le périnée, qu'elles crachent sur ma culotte jusqu'à ce qu'elle en sue sur mon cul. Je voudrais bouger mes mains, moi aussi palper ma Charmel trempée, en faire une éponge pour me mouiller. Cette lingerie que j'ai tellement eu de difficulté à choisir, est à présent évidemment de trop. Malgré le poids intense qui m'accable et me paralyse, j'élève mon ventre pour le suggérer. J'ai maintenant les fesses nues et j'ai envie que les mains m'inspectent le cul, que la bouche le lave si, malgré mon hygiène de maniaque, il reste des traces de fiente. Je veux qu'elle le détende, le sentir s'ouvrir sous sa langue. Qu'elle l'inonde de cette salive si abondante et surhumaine jusqu'à arroser toute mon olive, que son nectar s'épanche dans mon joli petit puits. Je me découvre en manque de tout ces champagnes intimes. Je rêve même de son jet doré, qui me saloperait, qui ferait un lac, puis qui coulerait indolent entre mes fesses. Mon orifice alors inondé et chaud, ivre.


Oh les orifices ! C'est grâce au grand professeur Makvilain que j'en ai compris le merveilleux. Tous les orifices du corps sont divins, mais chacun avec leur astuce. Celui de la pisse, bien sûr. D'ailleurs, quel doux soulagement d'uriner, si l'on en médite avec « pleine conscience ». Quand c'est le moment et en situation confortable, j'aime sentir ce scintillement un peu lourd de la vessie qui donne le signal. Puis m'assoir sur la cuvette blanche, qui saisit en hiver et si fraiche en été. Puis je me concentre sur le doux liquide qui parvient à sa petite porte. Et je la laisse s'ouvrir avec ce dernier plaisir d'admirer mon urine chaude, cascade plus ou moins ombrée, qui s'épanche vers la cuvette. Je tire la chasse d'eau à regret, observant mon fluide, happé par la saleté d'un tuyau d'égout !
Bien sûr la bouche et ses trésors, le serpent trempé de la langue qui, comme au jardin d'Eden, appelle le sexe et la salive, ce formidable lubrifiant capable de digérer toutes les mouilles, tous les spermes et tous les onguents. J'aime aussi – quand elle me convient, c'est à dire d'une personne saine, sans alcool ni tabac - l'haleine que j'adore sentir, renifler, goûter. Parfois une senteur très faible d'humus d'automne, parfois même de musc blanc.
Tous les autres orifices peuvent être délicieux. Par exemple, que ne lèche t-on pas davantage le nez ? Les ailes du nez peuvent être comme un oiseau qui fait s'envoler le désir, aussi puissant qu'un baiser de la bouche. D'ailleurs, certains peuples l'utilisent à des fins érotiques, comme les inuits ou les maoris. De même les oreilles. Les lobes sont les boucles d'oreille de la sensualité, chatouilleuses, joueuses et avides.


Et le cul ! Mon prince des ténèbres, actuellement bien mouillé de salive. Elle se répand non seulement sur le trou et le sillon, mais jusque aux fesses. Mon hôte dont le souffle devient maintenant haletant est une fontaine. Les doigts insistent. Puis la bouche et la langue arrivent, embrassent, caressent, tripotent, explorent tous les interstices, chaque plis et fissure. Je sens que l'organe bucal se retient de détendre complétement les peaux, de folatrer le trou et d'y plonger. Elle se contente d'en exciter la margelle. Avec quel talent !
Mon cœur ne peut plus se tenir. Je l'entends battre contre le cuir du canapé. Il va bientôt s'échapper de ma poitrine, briser mon soutien gorge. Si jamais ces doigts habiles vont plus loin, un océan va naître dans mon olive, il va inonder jusqu'à ma belette, puis tout le bas ventre, va me prendre tout mon être qui sait ? Car je le crois vraiment. Je suis dans une autre réalité.


Mais la langue, la bouche,les doigts, tout soudain s'arrête. La porte de la chambre se referme. Le professeur Malvilan nous enseignait qu'il n'y a rien de plus facétieux que les rêves. Ils viennent de nous, s'en prennent à nous, nous terrorisent ou nous inondent de désir, jouent avec nous... Puis ces vrais diables s'enfuient, nous abandonnant.


Ardent connaisseur des rêves et de Freud, il disait aussi que les songes ne se concluent jamais : l'on rêve qu'on va mourir, mais cela s'interrompt juste au moment fatal. Je rêve de cochonnerie, de saleté, de sexe, de liquide et tout se tarit désespérement. Toutes ces choses nouvelles que me fait désirer la chambre.

Et tout se clôt en frustration muette.

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