Nouvelle 48 : L'ANNIVERSAIRE

2 minutes de lecture

Il se cachait. À huit ans, Benjamin avait tout compris et à partir de là, il avait décidé qu'il fuirait à chaque fois. C'est ce que son cerveau d'enfant pensait devoir faire pour échapper à ce qu'il avait entendu dire par les grands. De toute façon, il n'y avait que les tout-petits qui ne savaient rien. À partir d'un certain âge, on commençait à se poser des questions quand-même ! On commençait à avoir peur parce que les grands avaient peur, on devinait des choses, on captait des conversations d'adultes entre eux, puis deux et deux faisaient quatre et on comprenait tout ! Il n'y avait que les idiots ou les grands naïfs qui continuaient à ignorer ce jour, à vivre chaque anniversaire comme une fête. Les sots !

Lui savait maintenant ! Et depuis lors, il se préparait. À 23H55, la veille, il avait quitté la maison pour ne revenir que le lendemain à 00H10. Dans sa petite tête, il se méfiait des heures justes et préférait partir cinq minutes plus tôt pour ne revenir que dix minutes plus tard. Ses cadeaux attendraient bien ce petit délai... Et il prévoyait de procéder ainsi toute sa vie. Quelle idée aussi de leur faire ouvrir leurs cadeaux à minuit ! Autant qu'il s'en souvienne, cela avait toujours été et il tombait de sommeil, forcément.

Julie allait avoir dix ans maintenant et s'organisait, elle aussi. Mais elle ne partirait pas de nuit. Trop dangereux. Elle n'avait pas le courage de Benjamin pour affronter son jardin. Aussi fuguait-elle un à trois jours à l'avance, selon les années. Enfant précoce, elle avait su dès l'âge de sept ans et avait activement cherché un refuge où passer ces quelques jours à l'abri. Elle revenait ensuite, sale, assoiffée et affamée malgré les quelques provisions qu'elle emportait. Personne jusque là n'avait pu la débusquer.

Jérôme quant à lui, faisait partie d'un groupe fuyant aux mêmes dates. Les adolescents avaient appris à se regrouper et à se défendre des prédateurs qui ne manquaient pas de profiter de ces proies faciles et régulièrement sur les routes. Ils squattaient certaines maisons laissées vides en fonction des connaissances des uns et des autres. Leurs communications étaient cryptées. Personne ne devait savoir où ils logeaient ces jours là, c'était vital.

Et puis il y avait les SDF. Eux, avaient abandonné tout espoir. Qu'ils soient cueillis, là, en pleine rue, tant pis ! Ce jour-là ou un autre, qu'importe ! De toute façon, la date du jour, ils ne la connaissaient pas la plupart du temps...

Les autres adultes aussi finalement avaient baissé les bras. Ils vivaient leur jour anniversaire dans la terreur, mais également dans la résignation. Et alors, quoi ? Tout le monde avait peur ce jour-là ? Certains fuyaient ? D'autres buvaient ? Les enfants et adolescents fuguaient pensant échapper à un sort cruel par une fuite ô combien plus dangereuse que l'acceptation ! Mieux aurait valu passer ce jour dans la sérénité et l'espoir, puis à minuit, fêter l'année de sursis...

Qu'importait le jour de sa mort ? Celui-là ou un autre n'avait pas grande d'importance, mieux valait vivre sans y songer car, oui, chacun savait qu'il mourrait le jour de son anniversaire. Mais lequel  ?

Annotations

Vous aimez lire Morgazie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0