EHPAD "Les sables de Garonne".

Noémie, de son fauteuil, regarde comme tous les jours le mur de sa chambre : le papier peint est bleu pâle, et garni de motifs irisés qui ressemblent à des gouttes d'eau. C'est un papier peint d'averse, un papier peint de pluie qui dessine toutes les larmes que la vieille dame ne verse plus. Elle s'est habituée.

Aujourd'hui, comme il fait beau dehors, les gouttes brillent. Elles regarde briller une à une les 384 gouttes. Celles qui sont les plus proches de la fenêtre brillent davantage.

Près de la fenêtre, il y a aussi la télévision que Noémie n'allume plus. Elle n'avait pas le droit de la mettre trop fort mais comme elle est sourde, elle ne l'entendait pas. Et toutes ses images dépourvues de sens qui se succédaient, ça la fatiguait, à force.

Maintenant, il n'y a plus que son fils, Mathieu, qui l'allume. A chaque fois qu'il vient, il regarde sa série, et elle, elle le regarde, lui. Il est beau, Mathieu. Elle aimerait que la série du samedi dure plus longtemps ; quand l'épisode est fini, il s'en va. Depuis le COVID, il ne l'embrasse plus.

Elle est contente parce qu'aujourd'hui, c'est samedi et qu'elle l'attend à 16 heures.

Bien sûr elle a mal au dos (c'est comme ça depuis qu'elle est en fauteuil), mais elle a un peu moins mal qu'hier.

Elle a aussi des pantoufles presque neuves, qu'elle regarde de temps en temps. Ce sont des charentaises roses à fleurs bleues qui "font jeune". C'est Anne-Laure, l'aide soignante qu'elle préfère, qui les lui a apportées tout à l'heure. Bien sûr Noémie a bien reconnu celles de Rose, dont on a vidé la chambre hier, mais cela lui a tout de même fait plaisir qu'on pense à elle.

Alors oui, aujourd'hui est une bonne journée. D'autant qu'en lui disant "elles sont bien chaudes, vous verrez !" Anne-Laure a posé un instant sa main sur la sienne, et que tout-à-coup, Noémie a eu moins froid.