Le temps a vite passé depuis notre rencontre. Il a fait ce que jamais auparavant il n’avait osé faire : me poser un ultimatum.

Le fait que Milan soit venu lui aussi me chercher et me sauver de Noélie m’avaient fortement perturbé. Ma facilité à expliquer à mon collègue ma vie, ma maladie, les raisons qui m’ont poussée à partir et la compréhension dont il avait su faire preuve m’avaient troublée. Jamais encore je n’avais réussi à tant ouvrir mon cœur à quelqu’un. Pourquoi donc étais-je aller chercher aussi loin ce que j’avais à mes côtés depuis toujours ?

Je restais interdite face à l’absurdité de mes raisonnements. Il me fallait donc choisir entre l’homme pour qui j’étais prête à déplacer des montagnes et celui qui avait traversé terres et océans pour me sauver. Je jaugeai Milan un instant en me disant que j’avais bien failli passer à côté d’une belle amitié. Pour ne rien gâcher, je m’avouais enfin qu’il était tout à fait mon style d’homme : grand, brun aux yeux noirs perçants mais surtout avec une bonne dose d’humour et une extrême affabilité. Il avait, de surcroît, toujours su se montrer très prévenant avec moi. Même Miraz m’avait un jour fait la réflexion.

Pour illustrer, un jour, alors que je n’avais aucun moyen de locomotion pour venir au travail en raison de fortes chutes de neige, il était venu me chercher avec sa voiture. Il a mis trois quarts d’heures pour venir alors qu’en général il ne fallait pas plus de vingt minutes de l’association à chez moi en vélo et ce, parce que je le cite : « Je ne peux pas travailler sans ma collègue préférée ! ». Il avait ensuite appelé la chef disant que nous étions en incapacité de revenir malheureusement et m’avait emmené en virée à Paris. J’avais adoré l’idée.

Nous nous étions promenés sur les Champs-Elysées, il m’avait invité au restaurant, nous étions allés boire un café en haut de Montmartre et il m’avait raccompagné jusque chez moi me susurrant à la fin de ce périple un « à demain » auquel il attend encore une réponse aujourd’hui… Je lui avais juste esquissé un sourire très timide tout en tentant maladroitement de cacher mes émotions qui irradiaient, tellement mon regard pétillait de joie.

Dans le fond, je sentais que Milan attendait beaucoup de moi et de notre relation. Il s’attendait sans doute à ce que je m’engage totalement dans cette relation… Mais vous finissez par me connaître, c’était chose impossible pour moi.

A l’inverse, Fanantenana me donnait beaucoup sans jamais rien attendre. Il me donnait son amour et me laissait libre choix d’en faire ce que j’en voulais. C’était exactement ce qui me rendait folle de lui. C’était bien la personne qui me comprenait le mieux sur cette Terre. Notre relation allait d’évidence en évidence. Aucune question ne restait sans réponse. Même lorsque je choisissais d’instaurer une nouvelle distance il ramait de nouveau tranquillement pour me rejoindre sur mon ilot de solitude. La seule chose qui pouvait faire naître en moi une angoisse sourde était sa capacité à rêver sa vie avec moi. Ses rêves allaient bien plus haut que tout ce que je peinais à imaginer de réaliste pour moi, que je les lui refusais toujours.

Fanantenana m’avait demandé de choisir entre eux deux. Il m’avoua avoir cru comprendre que mes réticences étaient en grande partie dues à ma relation ambivalente avec mon collègue. Je lui assurai qu’il n’en était rien, que je n’étais juste pas fichue d’être honnête avec moi-même. Ça, il n’a jamais voulu le comprendre. Il avait abandonné avant d’avoir commencé et il avait totalement raison. Il n’y avait rien à comprendre.

Je fis le serment, dès lors, à lui comme à moi, de ne plus chercher à m’éloigner. Il n’en crut rien contrairement à moi. Il voulait que j’abandonne mon passé pour pouvoir construire le futur avec moi.

Il ne me restait plus qu’à faire mes preuves.