Chapitre 3 - Bienvenu à Esperia

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Rien. Elle n'entendait rien. Pourtant les sirènes de la police étaient toutes hurlantes, les agents essayaient de lui parler. En vain. Tout était noir. Elle regardait sa robe rose tachée de sang, celle que ses parents lui avaient offerte pour son anniversaire. Elle avait envie de vomir. Pourquoi avaient-ils fait ça ? Pourquoi l'avaient-ils abandonnée ? Son âme était emplie d'un telle rage, d'une telle fureur. Elle aurait dû avoir froid pourtant. C'était le début de décembre, la plupart des décorations de Noël étaient déjà accrochées dans les rues. Il avait neigé deux jours auparavant. Mais la colère bouillonnante qu'elle ressentait à cet instant aurait pu tout brûler. Elle s'en sentait réellement capable. Elle avait l'impression qu’un seul de ses mouvement ferait exploser la rue.

Et cela lui aurait suffit.

Le tic-tac d'une horloge, les grincements d'un lit.

Ce furent les premiers sons qu'Alice entendit. Quelques instants plus tard, elle ouvrit les yeux pour se rendre compte qu'elle se trouvait dans une pièce inconnue. Elle avait l'impression d'avoir voyagé dans le temps. Elle était allongée sur un lit à baldaquin, les murs de la chambre entièrement tapissés d'un papier peint vert mousse. Il y avait des tableaux, petits et grands, décorant la pièce de différentes natures morte. Une grande armoire en bois reposait dans un coin, comme abandonnée.

Pourquoi se trouvait-elle ici ? Probablement parce qu'elle avait bu le contenu de la fiole. Ce qui voulait dire que cet endroit devait forcement avoir un lien avec sa sœur.

Au moment où elle allait se lever, elle entendit la porte de la chambre grincer.

Un homme entra, il devait avoir la cinquantaine, ses cheveux étaient blancs et bien brossés, il portait une chemise blanche et un pantalon beige. La jeune fille vit une chaîne argentée dépasser de sa poche.

Quand l'homme vit qu'elle était réveillée, son visage s'illumina et il s'avança vers elle à grands pas.

« Je suis heureux de voir que tu vas bien, jeune fille. Permets-moi de me présenter, mon nom est Raymond. Tu dois être confuse n'est-ce pas ? »

« Oui » répondit Alice. « Je voudrais savoir où je suis, si cela ne vous dérange pas », elle conclut sa phrase avec un faible sourire afin de ne pas paraître trop pressante. Elle avait beau ne pas se soucier de son entourage, elle n'avait aucune raison d'être impolie envers un homme qui l'avait probablement aidée. Peut-être l'avait-il fait dans son propre intérêt, mais elle ne pouvait pas se permettre de se montrer ingrate dans cette situation.

Le vieil homme se racla la gorge avant de commencer :

« Je vais partir du principe que tu ne sais absolument rien de ce monde. »

Elle hocha la tête et lui fit signe de continuer.

« Tu te trouves à Esperia, un monde constitué de 4 royaumes : Esmerie, Florilège, Necorica et Lycène. Nous nous trouvons actuellement à Esmerie. Ce royaume possède une particularité par rapport aux autres… Tu vas bien ? »

Alice avait commencé à pâlir. Un autre monde ? Est-ce que c'était une blague? Probablement pas. Tout était trop réel, la chambre, cet homme. Et si elle se trouvait dans une émission de télé-réalité, on aurait demandé l'accord de ses parents. Et sa mère n'aurait jamais accepté. Elle prit donc une grande inspiration et essaya de calmer les battement de son cœur. C'était la réalité, plus tôt elle l'accepterait, plus tôt elle pourrait aller secourir sa sœur. Car c'était là son but premier après tout. Elle pressa alors l'homme de continuer.

« Esmery est un royaume gouverné par des vampire, tu sais ce que c'est j'imagine ? Ils viennent à notre porte tous les mois pour recueillir notre sang. C'est l'équivalent d'un impôt. Ne t'inquiète pas, je ne crois pas qu'ils voudront de ton sang. On ne connaît pas tes origines et de plus, tu es blessée. Cependant, je pense que tu devrais rester sur tes gardes, ces dernières années ils sont devenus ...assez stricts, dirons-nous. La situation s'est détériorée après la mort de leur reine. »

« Leur reine ? »

« Oui. Elle s’appelait Dia. Une superbe reine, dans tous les sens du terme. Mais depuis que son chevalier, Aaron, est arrivé au pouvoir les choses ne sont plus comme avant. Sous l'ancien règne, malgré la dominance des vampires, il y avait une relation de respect avec les humains. Ils profitaient rarement de leur supériorité et si un humain se trouvait en danger, ils utilisaient leurs capacités physiques supérieures pour leur venir en aide. Maintenant, c'est à peine s'ils ne nous pompent pas le sang des veines en nous voyant. Heureusement, nous n'en sommes pas encore à de telles extrémités »

La jeune fille hocha la tête et resta silencieuse. Elle voulait croire que c'était pour digérer ce que Raymond venait de lui dire, mais c'était avant tout pour se protéger. Si elle essayait de dire quelque chose, sa voix se mettrait sûrement à trembler. Cela aurait été impardonnable, elle ne se permettrait pas d'avoir l'air faible, pas avant que sa sœur ne soit hors de danger.

Cette pensée était sans doute risible. Après tout, elle se trouvait dans la maison d'un homme qu'elle ne connaissait pas, et s'il le voulait, il n'aurait aucune difficulté à la garder prisonnière.

Après quelques instants elle demanda :

« Comment suis-je arrivée ici ? Ou plutôt … comment m'avez-vous trouvée ? »

« Je t'ai trouvée inconsciente dans une forêt non loin d'ici, j'ai d'abord cru que tu étais endormie, mais malgré mes tentatives, tu ne donnais aucun signe de te réveiller . Je t'ai donc portée jusqu'ici dans l'espoir de te venir en aide, je suis médecin après tout. »

« Je vois. »

Alice ne voyait rien du tout. Comment avait-elle atterri au milieu d'une forêt dans un autre monde en buvant une potion ? Elle soupira. Peu importe à quel point elle se triturait le cerveau, elle ne trouverait jamais la réponse. La seule personne capable de lui répondre serait cet homme.

« Tu as l'air encore un peu endormie. Voudrais-tu boire un peu de thé dans le salon ? »

« Je veux bien »

L'homme l'aida à se lever, elle avait d'abord insisté pour se débrouiller seule mais dès qu'elle posa le pied sur le sol ciré, ses jambes se dérobèrent sous elle.

Le salon était d'un style assez classique : le sol était en bois, comme celui de la chambre. Le parquet était ciré et sur le moment, Alice pensa que c'était l'endroit idéal pour faire des claquettes. Elle fut soudain frappée par un vague de tristesse : Célia n'aurait pas manqué de plaisanter sur ça.

Raymond lui dit de s’asseoir sur l'un des fauteuils. Celui-ci était vert pomme et très moelleux et la jeune fille ne put s’empêcher de pousser un soupir de satisfaction en s'asseyant. Le vieil homme s'assit en face d'elle sur un plus grand fauteuil et s'exclama :

« Derek, pourrais-tu apporter le thé, s'il te plaît ? »

« J'arrive ! »

Une voix de garçon se fit entendre. La jeune fille tourna la tête, interloquée : elle ne s'attendait pas à ce qu'il y ait quelqu’un d'autre. Elle se gronda elle-même d'avoir pensé un telle chose, Raymond n'avait aucune raison de vivre seul dans une maison, ou plutôt un manoir, de cette taille.

Le garçon entra dans la pièce, tenant dans ses mains un plateau sur lequel reposaient une théière et des tasses.

La première chose qui frappa la jeune fille furent ses yeux. Ils étaient d'un vert si éclatant qu'on les aurait cru taillés dans de l'émeraude. Il la dévisagea un instant avant de reporter son attention sur le plateau qu'il tenait et de le poser sur la table basse. Ses cheveux bruns et ondulés lui tombaient sur le front et cachaient une partie de son œil droit. Il se mit à servir le thé et Alice ne put s'empêcher d'admirer la délicatesse de ses gestes, il donnait l'impression de ne faire aucun mouvement superflu et ses yeux restaient fixés sur sa tâche. Lorsqu'il eut fini, la jeune fille dut cligner des yeux plusieurs fois pour revenir à la réalité et soupira intérieurement : si ça avait été elle, la moitié de la théière aurait sûrement fini par terre. Ses mains, qui ne savaient que détruire, auraient vite fait de réduire les jolies tasses en éclats de porcelaine.

« Tu peux boire, tu sais ? »

Raymond l'avait interpellée. A cet instant, la jeune fille se rendit compte qu'elle avait été perdue dans ses pensées, la tasse à la main, pendant un petit moment. Elle prit aussitôt une gorgée pour cacher son embarras mais se brûla la langue. Elle fit de son mieux pour le cacher mais elle entendit un ricanement. Quand elle leva les yeux pour voir de qui il provenait, elle ne vit que Raymond et l'autre garçon – Derek – en train de déguster leur thé.

« Laisse-moi faire les présentations » reprit Raymond « Voici Derek, mon apprenti, si tu as besoin de quoi que ce soit n'hésite pas à aller le voir, il peut paraître imposant, mais il a un cœur juste et droit, tu peux compter sur lui. »

« C'est bon, pas la peine d'en rajouter ! » l’interrompit Derek. Il avait l'air gêné par les compliments de Raymond et avait légèrement rougi. Puis, soudain, il reprit une expression sérieuse et se racla la gorge avant de reprendre la parole « Je suis Derek, je préfère qu'on me laisse tranquille alors ne m'appelle pas à moins d'avoir un vrai problème, merci bien. »

Il l'avait fixée avec un regard menaçant pendant qu'il parlait et la jeune fille s'attendait presque à entendre un « fin de transmission » à la fin de sa phrase.

« Très bien, si tu y tiens, je ne te dérangerai pas » répondit Alice sur un ton sarcastique « De toute façon je ne vois pas en quoi tu pourrais m'aider. »

« Très bien. » répondit-il.

Il avait l'air vexé. La jeune fille se demandait pourquoi. Il se leva brusquement en direction de la sortie, il se retourna une dernière fois pour la toiser avant de claquer la porte derrière lui.

« Pardonne le, s'il te plaît. C'est juste qu'il n'aime pas qu'on perturbe sa routine habituelle...» puis la jeune fille l'entendit murmurer « même si je doute que ce soit la seule raison ... »

Il posa sa tasse sur la table et commença à parler.

« Tu ne viens pas de ce monde n'est-ce pas ? J'ai bien vu ton expression quand je t'ai parlé de notre monde : tu avais l'air complètement perdue »

« Non, effectivement. Vous avez vu juste. »

La jeune fille se mordit les lèvres, elle avait l'intention de le cacher pour éviter d'attirer l'attention, mais s'il lui avait posé la question, c'est qu'il devait être persuadé d'avoir raison, cela ne servirait donc à rien de nier.

« Je suis venue ici car je cherche ma sœur. »

« De ton plein gré donc ? Je dois bien admettre que c'est curieux. » dit Raymond « Qu'est-ce qui te fait croire qu'elle se trouve ici ? »

« Hé bien ... »

La jeune fille raconta tout ce qui était arrivé dans sa chambre d’hôpital pendant que le vieil homme hochait la tête en l'écoutant.

« Je vois, je vois » murmura-t-il « Tout cela est bien étrange, je n'ai jamais entendu parler d'une potion qui puisse transporter quelqu'un d'un monde à un autre, le seul être capable de faire cela serait notre dieu Razenka, cependant plus personne ne croit en son existence, donc cela m'étonnerait qu'il y ait un quelconque lien. »

« Je me moque bien de savoir comment je suis arrivée ici. Je veux seulement retrouver ma sœur, et si je suis ici, c'est qu'elle s'y trouve aussi, c'est un raisonnement logique non ? »

« Oui, mais qu'entends-tu au juste par « ici », ce royaume est immense, tu sais ? Et rien ne prouve qu'elle s'y trouve, elle a peut-être été catapultée à Florilège, Nekorica ou Lycène. Ce n'est pas en fonçant tête la première que tu arriveras à quoi que ce soit, je vais aller parler à un ami qui pourra me renseigner, je me mettrai en route dès que Derek rentrera. Te voilà rassurée ? »

Non, la jeune fille n'était pas du tout rassurée, elle voulait crier à cet homme qu'elle n'avait pas de temps à perdre, que sa sœur était peut-être enfermée quelque part en train de souffrir et qu'elle devait aller la libérer. Cependant pour une raison qui lui échappait, elle n'y arrivait pas. Elle resta enfoncée dans son fauteuil à fixer le vide jusqu'au retour de Derek.

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