Chapitre 7 : Rêve et réalité

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  Je déambulais dans le salon joliment décoré. Le sapin, les guirlandes, la crèche annonçaient les fêtes de Noël. Cette ambiance chaleureuse me réjouit et me donna envie de faire des bonhommes de neige – j’en façonnai des après-midis entiers en compagnie de ma chienne Mina. Ma fidèle compagne se roulait dans l’herbe verglacée, courait tout autour de moi en s’ébrouant. Son pelage blanc parsemé de tâches beiges s’accordait parfaitement à la pureté des flocons. Je lui lançais gentiment des boules de neige qu’elle tentait de rattraper. Quelle surprise pour Mina lorsque mon projectile se mettait à fondre au contact de ses babines !

 Ma mère remarqua que j’avais maigri. Nous y remédiâmes ensemble en préparant de délicieux pains d’épices. J’avais besoin de m’activer, de me concentrer sur quelque chose pour me sentir mieux. Le conservatoire étant fermé pendant les vacances, pas de cours pour me changer les idées. Je pouvais au moins jouer du piano et danser dans le salon, au milieu des guirlandes lumineuses.

 Olivier rentra d’une cession de concerts. Il passa du temps avec moi pour écrire des chansons, les mettre en musique au piano. Sijia chantait avec nous, la guitare à la main, au coin de la cheminée. J’étais très bien entourée ; mes parents faisaient tout pour m’aider.

 Créer de nouvelles compositions devint un passe-temps efficace pour surmonter cet événement. Toute ma colère et ma frustration passaient dans la musique.

Décidément, les arts sont propices à l’acceptation des choses et au dépassement de soi dans les épreuves, réalisai-je intérieurement.

 J’étais retournée plusieurs fois au chêne pour essayer d’entendre à nouveau cette curieuse voix, en vain.

 Ce soir-là, en allant me coucher, je songeai à toutes ces révélations. Elles tournaient en boucle dans ma tête. Je m’endormis enfin grâce au ronronnement d’Haku, mon joli chat roux, roulé en boule à mes pieds. Il partageait mes nuits en hiver, mais découchait au printemps et en été pour chasser les souris – souvent des musaraignes, en fait.

 Je rêvai qu’un oiseau gigantesque provenant du chêne m’attirait vers lui. J’entendais une voix lointaine m’appeler : « Nêryah… Nêryah ! Viens à moi… viens… je t’attends. »

 Et j’avais presque envie de répondre à cet appel.

 Je me réveillai en sursaut, mon front en sueur, le cœur battant.

 Je jetai un coup d’œil à mon réveil. Trois heures du matin. Ne parvenant pas à me rendormir, je décidai de me lever, non sans trembler un peu en m’habillant d’un gros pull. Mon chat s’étira et miaula, l’air de dire : « tu m’as réveillé ! Et où vas-tu, comme ça ? ». Je lui répondis par quelques caresses. Il se mit à ronronner, posant son adorable petite tête sur ses pattes.

 Je descendis les escaliers sur la pointe des pieds, ouvris doucement la porte d’entrée pour ne pas réveiller mes parents. Forcément, ma chienne Mina se leva d’un bond, galopant jusqu’à moi.

– Parfait, on va se promener Mina, lui chuchotai-je.

 Elle dressa les oreilles et battit de la queue, tout enjouée.

 Il fallait que je regarde, c’était plus fort que moi. Comme si on me poussait à venir dehors au beau milieu de la nuit.

 Encore somnolente, je marchai en direction du chêne, prenant garde à ne pas glisser sur le verglas. Je n’entendis pas la voix. Pourtant, tout avait commencé ici, au pied de l’arbre.

 Mina cavalait devant la mare, ravie de cette promenade nocturne. Elle revint vers moi. Ses yeux semblaient me remercier. Je lui adressai un regard tendre.

 Je fis un petit tour près du point d’eau pour me réchauffer : j’avais oublié de prendre mon manteau – encore une fois. Je me fis violence pour réfréner mon envie de patiner. La neige recommençait à tomber. Mina jouait avec les flocons, essayant vainement de les attraper. Je pouffai de rire en l’observant.

 Soudain, je l’entendis : le même cri, mais cette fois, plus puissant. Je me retournai en sursautant, incapable de bouger, la bouche entrouverte. Je me rendis compte que cela provenait bien du chêne, comme si quelque chose se trouvait à l’intérieur. Exactement comme dans mon rêve. J’attendis. Rien de suspect ne se produisit. Quelques minutes passèrent, puis, encore le bruit. Rugissant dans le silence de la nuit, le vent souffla si fort qu’il provoqua des chutes de neige. Mina se plaça instinctivement à mes côtés. Elle retroussa son museau pour montrer ses crocs, grognant devant un ennemi invisible.

Mauvais signe.

 Le son résonnait encore dans ma tête, en un écho sourd. Soudain, tout le paysage se brouilla, je ne voyais plus rien. Le néant m’entourait. Je voulais rentrer ma chienne à la maison, la protéger. Impossible. Une puissante rafale s’abattit sur moi, m’obligeant à me recroqueviller sur mes jambes, les genoux pliés, pour ne pas m’effondrer.

 Redressant mon buste, je recouvrai un instant ma vue et découvris avec horreur une lumière rouge sortir du chêne. Elle se dirigeait droit sur moi. Mina aboyait. J’étais pétrifiée de peur, la respiration haletante, bloquée là, tremblante, à regarder ce rayon qui me faisait atrocement mal aux yeux. Incapable de courir, j’entendis une voix venant de nulle-part prononcer mon nom à plusieurs reprises, comme dans mon rêve.

 J’aperçus une ombre imposante. Elle se déplaçait vers moi. J’étais sur le point de perdre connaissance. Le sentiment de terreur m’envahissait au point de m’empêcher de m’enfuir ou de bouger d’un pouce. Je voulais hurler, mais n’y parvenais pas. Mon cœur cognait incroyablement fort dans ma poitrine. Je sentis mon corps se glacer, basculer en arrière. La neige amortit ma chute. Je me retrouvai allongée sur le dos, figée par ma propre angoisse.

 Arrivée à mon niveau, l’ombre se pencha pour saisir mes bras. Elle me traîna jusqu’au chêne. Impossible de m’échapper. Mes réflexes d’escrimeuse semblaient avoir disparu. J’entendais Mina glapir bruyamment. Au moins, mes parents allaient certainement se réveiller. Je crus un instant que ma chienne avait planté sa mâchoire dans le bas de mon pantalon. Elle essayait vainement de me tirer en arrière pour me sauver de mon agresseur.

 Aucun son ne voulait sortir de ma bouche.

 Tétanisée, je m’évanouis.

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