Chapitre 11 : Capacités d’adaptation

4 minutes de lecture

  J’observais la planète beige dans les cieux, la bouche grande ouverte.

– Comment suis-je arrivée là ? C’est impossible ! Et comment saviez-vous que j’étais chez ce type complètement fou de Sèvenoir ?

– Pour te résumer brièvement les choses, Orfianne est un monde de magie. Tous les Orfiannais possèdent des pouvoirs. Grâce à mes capacités, j’ai su que Sèvenoir t’avait emmenée : transporter quelqu’un d’un monde à l’autre nécessite une incroyable puissance. Cette forme de magie laisse des traces. L’arbre, à côté de ta maison, est en réalité une porte entre nos deux mondes. Nous l’avons fabriquée et placée ici pour te récupérer le moment venu. Nous utilisons l’énergie du chêne afin de créer un passage, une sorte de brèche dans l’espace-temps.

– On croit rêver ! Je ne suis pas sûre de tout saisir. Vous employez toujours le pronom « nous », de qui parlez-vous ?

– De moi et d’autres Orfiannais.

– Attendez, si, effectivement, je me trouve maintenant sur une autre planète, comment se fait-il que nous parlions la même langue ? Vous me parlez en Terrien là, en français plus précisément, tout comme mon ravisseur.

– Non. C’est toi qui, instinctivement, t’es mise à parler en Orfiannais.

Il me répondait la même chose que Sèvenoir ! Cela provoqua un déclic en moi : je revisualisai la scène, et me rendis compte qu’effectivement, je n’employais plus le français. Je parlais dans une autre langue sans m’en rendre compte, comme lorsque j’étais enfant. Ma mère m’avait surprise de nombreuses fois en train de soliloquer dans un langage inconnu.

Dans ce cas, mes fameux amis imaginaires étaient peut-être bien réels, eux aussi. Et la gitane-fantôme… venait probablement de ce monde !

– Je te l’ai dit, tu viens de cette planète. Tu connaissais déjà notre langue, elle est restée enfouie au plus profond de toi. Tu es venue quelquefois sur Orfianne, par la porte de l’arbre. Rarement, puisque qu’il est dangereux d’utiliser ce type de transport, mais suffisamment longtemps pour apprendre notre langue – entre autres. Te souviens-tu que tu attendais des amis, auprès du chêne ? Nous venions effectivement te chercher. Tes disparitions ne duraient que quelques minutes, en temps Terrien. En réalité, tu restais ici plusieurs jours.

– Plusieurs jours ! Comment ça ? Je m’en souviens à peine !

– Le temps s’écoule différemment d’un monde à l’autre. Le temps « linéaire », tel qu’il est conçu par les Terriens, n’existe pas. Seule notre conscience observe le temps qui passe. La flexibilité de l’espace-temps offre des rayonnements extratemporels. On peut parler de dilatation temporelle, ou d’épaisseur du temps. Il s’agit d’isoler localement une zone spatio-temporelle, c’est-à-dire de changer de fréquence, de vibration.

Devant mon expression perplexe, il ajouta :

– La Loi de l’espace-temps est complexe, pour simplifier, nous pouvions te ramener « chez toi » quand nous le désirions. Comme si l’on « remontait » le temps. Tu pouvais vivre d’innombrables expériences sur Orfianne, puis revenir parmi les Terriens l’instant d’après…

– C’est… incroyable ! Mes parents m’ont parlé de mes disparitions. Je me souviens d’avoir vécu des aventures extraordinaires. Je croyais que c’était juste un rêve, un jeu ! Ou que mon imagination débordante avait créé tout ça pour me protéger du réel, comme le font d’autres enfants.

Je fis quelques pas, examinant ce nouveau monde, perplexe. J’étais en train de fouler un sol extraterrestre. Sérieusement ? Mon Dieu !

Avorian m’observait du coin de l’œil.

– Donc, récapitulons : je viens de cette planète mais vous m’avez mise sur Terre par « mesure de précaution ». Ensuite, Sèvenoir[1] me récupère en affirmant qu’il me connaît également, comme si je l’avais vu dans mon enfance. J’apprends enfin que ce monde est plein de magie. J’ai du mal à concevoir toutes ces choses en même temps.

– Oui, il y a de quoi être déboussolée face à de telles révélations.

– Je suis donc… une espèce d’extraterrestre ?

– D’un point de vue Terrien, oui. Mais il serait plus juste de parler d’une origine « extradimensionnelle ». Tu es Orfiannaise, conclut-il.

– D’accord. Je crois que je vais devenir folle !

Je m’écroulai sur cette mousse si douce, songeant à tout ce que l’on venait de m’affirmer. Étais-je réellement humaine ? Ma physionomie légèrement différente, le fait que je ne sois jamais tombée malade, ces disparitions inexplicables… toutes ces données portaient à croire que je venais d’un autre monde.

J’avais quitté la Terre ; cette curieuse planète beige le prouvait. Je vivais là quelque chose d’invraisemblable.

Avorian me laissa seule, perdue dans mes pensées.

Il revint un peu plus tard, un verre à la main.

– Bois ça, me dit-il. Ça va te faire du bien. Ne t’inquiète pas, ce n’est pas du poison.

Grâce à sa présence douce et rassurante, l’homme gagnait petit à petit ma confiance. Contrairement à Sèvenoir, il ne m’avait ni enfermée, ni ligotée. Et lui, au moins, répondait à toutes mes questions !

Complètement assoiffée, je bus ce breuvage couleur orange. Délicieux ! Un jus de fruits et légumes, vraisemblablement. Je ressentis une chaleur un peu piquante envahir mon corps, à l’image du gingembre. Mes pensées devinrent alors plus claires.

Je caressais le sol moelleux tout en essayant d’assimiler cette surprenante vérité.

– Pourquoi m’avoir mise sur Terre, alors ? Et pourquoi me récupère-t-on maintenant ?

– Sèvenoir t’a enlevée, ce n’était pas prévu. Cela dit, il était temps que tu reviennes.

– Comment ça ?

– La planète Terre est en train de mourir. Et les Terriens avec elle.

[1] Traduit des termes Orfiannais « Shi », « Mura », respectivement « Sève », « Noire ». Nêryah entend les mots « Shi » « Mura » et les traduits instinctivement par leur signification, et non comme un prénom. Nêryah les prononce correctement en Orfiannais, mais en relatant son histoire, elle note le sens du prénom, en français, au lieu d’écrire « Shimura ».

Annotations

Vous aimez lire Ayunna ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0