Chapitre 18 : Mes origines

9 minutes de lecture

  Les étoiles scintillaient à présent.

– Kiarah ! Enfin, nous….

– Avorian, vous m’avez menti ! criai-je d’emblée. Je connais maintenant votre réelle identité... et la mienne !

 J’essayais de tromper Avorian pour en apprendre un peu plus sur mon histoire.

– Ah oui ? Qu’as-tu appris exactement ?

 Je ne parvins pas à formuler une réponse. Devant mes yeux plein de rage, Avorian reprit :

– Kiarah... je sais que je ne peux pas demander ton pardon. Je n’en ai pas le droit. Je voudrais tellement que ce soit plus simple.

Il tenta de me prendre dans ses bras, mais je le repoussai violemment. Des larmes perlaient sur mes joues.

– Sèvenoir est venu te parler j’imagine, reprit-il, décontenancé devant mon désarroi. Il profite de toutes les occasions qui se présentent pour t’attirer vers lui. Je m’attendais à cela de sa part. Je ne sais pas comment m’y prendre avec toi. Tu es encore si jeune.

Ses derniers mots me firent réagirent, provoquant une vague de rancœur dans mon ventre.

– Haha ! On dirait ma mère ! J’en ai assez ! Alors, qu’allez-vous inventer comme mensonge grotesque, cette fois ? Vous avez beaucoup d’imagination, bravo ! Quel talent d’acteur ! Si vous habitiez sur Terre, vous seriez déjà une grande star du cinéma !

– Non… détrompe-toi. Je comprends parfaitement ta réaction, tu as raison de penser que je suis un traître, de ton point de vue, et pourtant… Comment expliquer ? Je fais ça uniquement pour toi !

– Mais oui, ce n’est jamais de votre faute, bien entendu ! Laissez-moi rire. Je trouve ça répugnant ! grognai-je.

 La petite fée nous regardait tour à tour d’un air incrédule. Elle se sentait impuissante face à notre dispute. Sa lumière verte éclairait mon visage déformé par la colère.

– Tu as raison, répéta Avorian, le regard triste. Je te dissimule des choses parce que je n’ai pas encore affronté mes démons du passé. Je n’arrive pas à me remettre de cette histoire. Je ne parviens pas à trouver les mots, ni le courage...

 En l’écoutant, je me souvins des paroles d’Arianna. Elle m’avait prévenue qu’il était rongé par son passé. Je devais faire preuve de patience.

– Je sais que vous m’avez sauvé la vie, Avorian. Contrairement à Sèvenoir, vous ne m’avez ni blessée, ni attachée. Mais votre attitude envers moi ne joue pas en votre faveur ! Comment vous faire confiance ? Vous avez rayé mon existence de la surface de la Terre, sans mon consentement, dans le but de m’utiliser à votre guise !

– Je suis profondément désolé, souffla-t-il, l’air abattu.

Devant mon regard insistant et mes larmes, il poursuivit :

– C’est à moi de dompter mes vieux dragons. Tu as le droit de savoir.

 J’ouvris grands les yeux malgré ma fatigue, surprise par ce revirement de situation. Avorian prit mes mains dans les siennes, je me laissai faire cette fois, attentive.

– Tu fais partie du peuple des Enchanteurs, tout comme moi. Malheureusement, il semblerait que nous soyons les deux derniers représentants de notre espèce. Tous ont péri lors du massacre dont je t’ai parlé, il y a des années de cela. J’en suis le seul survivant. J’ignore si d’autres ont réussi à fuir ou à se cacher, mais tes parents ont disparu ce jour-là.

 Je restai muette face à cette révélation. Je commençais à percevoir l’enjeu. On ne m’avait pas mise sur Terre pour se débarrasser de moi, mais bel et bien pour me protéger. J’étais vraisemblablement la dernière femme d’un peuple dont j’ignorais tout. La seule capable de perpétuer notre espèce, créant ainsi une nouvelle branche. Voilà pourquoi Sèvenoir et Avorian me répétaient sans cesse que j’étais extrêmement précieuse.

– Et qu’est-ce qui définit un Enchanteur ? Je n’ai jamais rencontré d’autres Orfiannais, à part les fées. Quels sont nos particularités ? J’ai remarqué que vous aviez les ongles nacrés, tout comme moi.

– C’est effectivement l’une de nos caractéristiques. Contrairement à la plupart des Orfiannais, nous ressemblons aux Terriens physiquement parlant. Notre espèce était la plus puissante d’Orfianne. C’est pour cette raison que nous sommes crains, et que l’on nous a exterminés.

– Nous sommes donc les derniers Enchanteurs ? repris-je. C’est pour cela que vous m’avez mise sur Terre, pour me protéger ?

 Je n’osais lui demander la raison ainsi que les circonstances de cette guerre, par peur de raviver en lui d’horribles souvenirs.

– Oui. En tant que derniers représentants du peuple des Enchanteurs, nous devons nous entraider et nous soutenir. Si tu choisis de t’allier avec Sèvenoir, il utilisera ton énergie pour devenir invincible. C’est un brillant séducteur, il use de son talent pour t’amadouer et fera tout pour que tu le suives. Je ne veux pas te perdre, tu es notre seul espoir.

– Je comprends. Mais vous agissez de la même façon que Sèvenoir : vous aussi cherchiez à me contrôler, comme si ma vie vous appartenait. Vous m’avez fait boire une potion pour mieux m’asservir quelque part. Même si ce n’était pas votre intention première, on en arrive au même point au final !

– J’essaie de faire mon possible afin que tu ne sois pas trop déstabilisée. Comment t’accueillir dans ton propre monde sans t’effrayer ? Comment t’expliquer que tu n’es pas humaine, bien que tu aies vécu sur Terre toute ta vie ? Comment te parler de cette horrible guerre que j’ai vécue, d’emblée ? Je voulais t’amener les choses petit à petit. Je te conseille d’écouter ton cœur et de juger par toi-même en qui tu peux faire confiance, suggéra Avorian.

 Je m’en voulus de m’être emportée ainsi, sans prendre la peine de considérer ses sentiments. Avorian se montrait patient avec moi et compréhensif. De nature impulsive, j’avais du mal à contrôler mes émotions en raison de tous ces changements et du danger qui nous menaçait.

 Je m’assis dans la mousse auprès de lui. Liana vint se poser sur mon épaule. Un sentiment de tendresse m’envahit. Je ne pus m’empêcher de sourire. Je sentais ses petites jambes remuer contre ma clavicule, c’était tout simplement adorable.

– Je vous demande pardon, Avorian. Je me sens tellement perdue que je n’ai pensé qu’à moi, à mes propres émotions. Je n’ai pas pris en compte les vôtres.

– Tu n’as pas à t’excuser. Je te comprends parfaitement, ajouta-t-il. Tu fais preuve d’un courage et d’une maturité extraordinaires pour ton âge. Je m’y prends mal pour t’expliquer les choses, et Sèvenoir n’arrange rien !

– C’est complètement fou ! J’arrive sur une planète inconnue, deux hommes tentent de me soudoyer, ils me racontent des choses invraisemblables, sont ennemis et se contredisent. Moi je suis là, au milieu, ballotée entre les deux. J’essaie de faire de mon mieux, de m’accoutumer à cette nouvelle existence, mais à chaque fois mon ignorance me rattrape et me fait prendre conscience que je ne sais rien de moi. Mon cœur penche bien évidemment de votre côté… je sais que vous avez raison. Vous m’avez sauvée. Je vous crois et vous comprends. Je ne peux pas m’empêcher de vous considérer comme un ami et je me méfie de Sèvenoir. Mais essayez d’imaginer la lutte intérieure qui s’opère en moi !

– Viens, marchons un peu.

 Nous nous levâmes, Liana resta sur mon épaule, endossant ainsi le rôle de lampe : la lueur qu’elle produisait éclairait en effet légèrement le chemin.

– Comment pouvez-vous savoir que je fais réellement partie de votre peuple ? Et pourquoi tout le monde semble me connaître ?

– Tous les habitants d’Orfianne ont des pouvoirs et des caractéristiques bien distincts selon leurs origines. J’ignore comment tu as pu survivre à cette bataille alors que tu venais de naître. C’est incroyable. À moins que ta mère ne se soit repliée quelque part pour te mettre au monde ? Pourtant nous sommes les seuls survivants. Cela reste un mystère. Certains te connaissent parce que c’est la première fois qu’une Orfiannaise vit sur Terre. C’est normalement impossible. Et surtout, parce que tu es la dernière représentante féminine de notre peuple. Le dernier espoir pour nous. Les impératrices du Royaume du Cristal ont toujours été des Enchanteresses. Comme je te l’ai expliqué, la dernière est morte lors de cette bataille. L’empereur ne s’en est jamais remis. Je te laisse imaginer combien c’est important pour lui de te rencontrer.

– Je suis vraiment désolée que vous ayez perdu votre nation, et toute votre famille avec. Je comprends mieux maintenant pourquoi vous vouliez à tout prix me protéger. Je ne me rendais pas compte de ma valeur à vos yeux, ni du drame qui s’est produit.

 Nous nous observâmes un long moment, puis je repris :

– Savez-vous pourquoi je n’arrive pas à me rappeler de ces moments que j’ai vécus sur Orfianne quand j’étais petite ? Je n’ai que de vagues souvenirs.

– Je pense que c’est dû aux vibrations de la Terre. Elles sont si différentes de celles d’Orfianne que cela doit en altérer tes souvenirs. Le transgéneur y est aussi pour beaucoup.

– Cela ne m’explique pas pourquoi je suis restée sur Terre pendant si longtemps, alors que vous, non.

– Tu es jeune, donc vulnérable. Il fallait aussi que tu t’adaptes au monde des humains. De cette manière, tu devenais une passerelle entre les deux mondes, et il serait plus facile de les sauver par ton intermédiaire. Pour te simplifier les choses, nous t’avons effectivement emmenée sur Terre pour ta sécurité. Car malgré nos précautions pour cacher ton existence, des créatures de l’ombre ont tout de suite compris que tu représentais une menace pour elles, à cause de tes pouvoirs. Nous sommes pourtant un peuple pacifiste, et utilisons toujours nos pouvoirs à bon escient. Mais notre puissance effraie… Nous contrôler n’était pas suffisant. Le but de ces créatures issues du néant est de tous nous exterminer, jusqu’au dernier. Le monde des humains coïncidait parfaitement avec la planète Orfianne. Les deux planètes se ressemblent, c’était le meilleur endroit pour toi : un monde sans magie et sans danger potentiel. Nous devions ensuite trouver une famille ouverte et éveillée sur le plan spirituel, afin qu’elle puisse croire en notre monde, en nous. Des personnes qui pouvaient te ressembler autant physiquement que dans leur tempérament, afin que tu te sentes chez toi là-bas. Mais surtout, il nous fallait un arbre assez puissant pour supporter la porte entre les deux mondes. Le choix de ta famille s’est donc fait en fonction de ces données. Ainsi, nous avons construit le transgéneur sur le vieux chêne de tes parents adoptifs pour accéder à toi plus facilement. Nous voulions attendre que tu grandisses sur cette planète. Mais Sèvenoir a trouvé le moyen de te prendre avant nous. Le destin, sans doute.

– C’est… c’est incroyable. J’ai l’impression d’être dans un film de science fiction !

 Avorian me considéra intensément, l’air grave.

– Pourtant Sèvenoir doutait de mes origines Orfiannaises, car apparemment je devrais cicatriser plus vite. Je ne comprends pas…

– En effet, notre peuple a cette particularité. Nos entailles se referment rapidement. Mais dans ton cas, tu es restée longtemps sur Terre, tu as mangé Terrien et vécu à leur façon. Ton corps s’est modifié, il s’est adapté à sa planète d’accueil. Tu retrouveras petit à petit tes capacités, tu es chez toi maintenant.

– Chez moi…, répétai-je, pensive.

En guise de réponse, Avorian plaça sa main sur mon épaule, en un geste affectueux.

– Tu restes avec nous Liana ? demandai-je à la petite fée, toujours perchée sur mon épaule.

– Oui ! Le temps de traverser la forêt. J’étais très inquiète lorsque tu es partie. J’espère que tu te sens mieux ! me souffla Liana à l’oreille.

 J’acquiesçai d’un signe de tête, le sourire aux lèvres pour la rassurer.

– Dormons ici, l’endroit est paisible, proposa Avorian.

 Il me fallait intégrer tout ce que je venais d’entendre, une tâche bien ardue ! Cependant, je réalisais un peu mieux mes origines Orfiannaises. Avorian n’était finalement qu’un homme embarrassé par une histoire dont il ne saisissait pas encore tous les aspects, d’où son silence. Je demeurais sa seule famille.

ll faisait nuit noir. Nous nous reposâmes au pied d’un arbre. Liana vint s’installer au creux de ma main, sa douce lumière verte me réchauffait le cœur.

 Je repensais aux paroles de Sèvenoir. Avorian venait de me révéler que j’étais la dernière Enchanteresse, mais en était-il sûr ? Après tout, il m’avait trouvée au milieu de nulle part. Étais-je réellement Orfiannaise ? Sèvenoir, lui, en doutait.

 Avorian dormait déjà. Je n’étais pas dupe. Je savais bien qu’il me disait seulement une partie de la vérité.

Annotations

Vous aimez lire Ayunna ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0