Chapitre 20 : La grotte des feux sacrés

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 Le lendemain, je me réveillai sous un ciel bleu, exempt de nuages. Nous partîmes en quête de la fameuse grotte.

 Le chemin s’avéra long et difficile, il fallait de nouveau escalader les rochers géants. Je souffrais de la chaleur. Les rayons du soleil nous brûlaient la peau, laissant leur marque rougeâtre. Nous nous arrêtions régulièrement pour boire, mais cela ne suffisait pas.

 En fin d’après midi, nous découvrîmes une entrée de tunnel construit dans la roche même.

– C’est ici, annonça Avorian. Voici la grotte des feux sacrés. Entrons.

  Il faisait totalement noir à l’intérieur. Je suivis Avorian qui fit apparaître une lumière blanche dans la paume de sa main. Liana n’était pas là pour nous éclairer de son halo turquoise.

 Nous marchions dans le long tunnel humide, sans prononcer un mot. Fort heureusement, il n’y avait qu’un seul chemin, ce qui ôtait tout risque de se tromper de direction ou de se perdre. Je sentais une odeur d’humidité, et j’entendais le son de gouttelettes s’écouler contre la paroi. Marcher sur ce sol rugueux, instable et parsemé de cailloux me donnait mal aux chevilles.

 Le chemin se séparait en deux, Avorian s’arrêta devant l’intersection, se grattant le menton.

– À gauche ou à droite ? le questionnai-je.

– À toi de choisir… c’est ton épreuve.

– Très bien. Comme je suis gauchère, je choisis d’aller à gauche, suggérai-je.

– J’espère que tu sais ce que tu fais, me taquina Avorian pour plaisanter.

– Ah oui ? Je suppose que si je me trompe, une bête féroce va nous dévorer ? Ou mieux encore, des pièges tranchants vont se déclencher sur notre passage, haha ! On n’est pas dans Indiana Jones ! me moquai-je.

– Indiana quoi ? répéta Avorian incrédule.

– Ah oui… vous ne pouvez pas connaître. Du cinéma Terrien.

 Je marchai quelques pas, et, à mon grand soulagement, rien ne se produisit. Même si je me montrais plutôt volubile, je n’étais guère rassurée en réalité.

 Au bout de quelques heures de marche et de plaisanteries – je me demandais d’ailleurs d’où pouvait provenir cette soudaine allégresse en un lieu aussi sinistre –, nous débouchions sur une salle rocailleuse éclairée par des torches.

 Un grand cercle de pierres trônait au milieu. Je sentais une énergie impressionnante, à la fois puissante et rassurante en cet endroit. De chaque côté de la salle se dressaient des statues de lions ailés : les fameux Limosiens dont Avorian m’avait parlé.

– Déshabille-toi et approche-toi du cercle, m’ordonna-t-il.

– Pardon ? Comment ça ?

 Décidément, après Sèvenoir, c’était maintenant au tour d’Avorian de me demander de me dévêtir sans explication.

– Ne pose pas de questions, tu comprendras plus tard. Ôte tes vêtements. Tu dois être entièrement nue pour cette épreuve.

 Je le regardais d’un air méfiant, sans bouger.

– Fais-moi confiance, reprit-il en plongeant son regard gris dans le mien. Il ne t’arrivera rien. C’est juste pour éviter un léger désagrément. Rassure-toi, je ne te regarderai pas.

 Lentement, je commençai à enlever mon pantalon, mais m’arrêtai dans mon geste, aussi gênée qu’intriguée par cette demande.

– Aurais-tu besoin d’aide ? railla Avorian, observant ma mine peu convaincue. Bon, dépêche-toi ! Je ferme les yeux, je me retourne même ! Je ne suis pas là pour me rincer l’œil, j’ai autre chose à faire, crois-moi !

 Sur ces mots, il me tourna le dos. Je l’en remerciai intérieurement ; son geste me mit en confiance. Je m’exécutai et m’avançai, un peu réticente, vers le cercle de pierre quand soudain, un feu de couleur bleu clair tirant sur le mauve jaillit au milieu de celui-ci. Je reculai, surprise et apeurée, lâchant un petit cri de stupeur.

 Avorian, toujours le dos tourné, me rassura :

– Ne t’inquiète pas. Comme tu le vois, ce n’est pas un feu ordinaire. Il ne brûle pas les personnes au cœur pur, tu es donc hors de danger. En revanche, il aurait brûlé tes vêtements, tu comprends maintenant ?

 Le cœur pur ? Je n’en étais pas si sûre, mais je n’avais guère le choix. Lorsque je m’approchai du feu, je perçus une force invisible venir en moi, mes membres y réagirent en frémissant. La salle s’emplit alors d’une lumière argentée et se mit à vibrer, au même rythme que mon corps. Les murs, le sol et les statues tremblèrent subitement. C’était incroyable. Je ne ressentais plus mon corps, j’avais l’impression de flotter. Sans vraiment contrôler mes pas, je me mis instinctivement à l’intérieur du cercle, dans le feu.

 En effet, il ne me brûlait pas. Au contraire, ses flammes me chatouillaient délicatement la peau. Puis, toute la lumière présente dans la salle ainsi que le « feu » lui-même entrèrent en moi, par mon nombril et par ma bouche. La sensation était indescriptible. Comme si un esprit pénétrait le mien, que l’on vidait mon corps de son énergie pour le remplir d’une nouvelle. Je ne parvenais plus à respirer, incapable de me souvenir du mécanisme pour remplir mes poumons. C’était une véritable renaissance. On m’insufflait un nouveau souffle vital.

 Une fois la lumière et le feu à l’intérieur de ma chair, je revins à moi, j’inspirais enfin. Un rayon doré m’entoura et tournoya autour de mon corps, telle une aura. Il m’emporta dans les airs, puis s’étira pour exploser dans toutes les directions. Tout redevint silencieux. Mon corps atterrit lentement sur le sol.

– Ça va ? me souffla doucement Avorian.

 Je ne répondis rien, je me sentais bien, mais l’émotion m’empêchait de parler. Ce qui venait de se produire était tout simplement le moment le plus incroyable et le plus magique de ma vie.

 Avorian me considérait d’un air attendri. Je me trouvais toujours dans la grotte, allongée, silencieuse. Comment mettre des mots sur ce que je venais de vivre ?

 Mais lorsque je me rendis compte que j’étais encore nue, je m’empressai de chercher mes vêtements. Avorian me les lança et m’aida à me relever.

 J’étais si embarrassée que mes joues devinrent rouges pivoine. Recroquevillée sur moi-même, je posai instinctivement mes bras contre ma poitrine et me hâtai de m’habiller. Je lançai un regard noir à Avorian qui se retourna immédiatement.

– Il est temps de partir, chuchota-t-il.

 « Je ne suis pas un voyeur ! », grommelait-il en pressant le pas. Je préférais garder le silence, faisant mine de me dérober.

 Nous reprîmes le chemin en sens inverse dans le sombre tunnel. Mes pensées se brouillaient. J’avais l’impression d’être ballotée d’un endroit à l’autre, sans jamais en comprendre la raison. Toutes ces énigmes sans réponses me donnaient la migraine.

 Plus tard, l’obscurité du tunnel laissa place aux ténèbres de la nuit.

– Enfin un peu d’air ! soupirai-je.

– Oui, il était temps, approuva Avorian.

– Notre prochaine destination est donc le Royaume du Cristal. Vous m’aviez dit que le roi souhaitait me voir. Comment s’appelle-t-il ?

– Orion.

– C’est marrant, sur Terre, c’est un nom de constellation. Le Royaume est-il loin d’ici ?

– Oh oui… il nous faudra quelques mois pour y parvenir. Il se trouve en haute altitude, perché sur les montagnes. De plus, il fait extrêmement froid là-bas. Allons, mangeons un peu, il se fait tard.

– Quelques mois ? répétai hébétée. Oh, mon dieu !

 Je regrettais déjà les transports Terriens. Mais Avorian me l’avais sans cesse répété : « Non, pas de transgéneur, c’est dangereux ; et tu dois t’accoutumer à ta planète ! »

 Héliaka éclairait le chemin. Je m’assis sur un rocher en mangeant quelques provisions, puis m’endormis dans les bras d’Avorian sur ce gros galet inconfortable. Mon sommeil se peuplait de mauvais rêves. Je voyais la planète Orfianne saccagée par des armées de monstres possédant des armes d’une haute technologie. Ils étaient dirigés par un être sombre, immatériel. Avorian mourait au combat. J’accourais vers lui, le prenant dans mes bras. Trop tard. Je hurlais et je pleurais sur son corps inerte. Ravagée par la tristesse, mon âme quittait mes membres, s’élevant gracieusement dans les cieux, abandonnant ainsi un monde anéanti et sans vie. Je voyais les fragments de la planète au beau milieu de l’espace. Tout était détruit, vide, mort. Il ne restait plus rien hormis cette ombre noire qui terrorisait la galaxie entière.

 Le cauchemar se terminait là : à la dévastation du monde. Je me réveillai, complètement désorientée et accablée. Je m’extirpai en douceur des bras d’Avorian pour faire quelques pas. Je priais de tout mon cœur pour que cet horrible rêve ne se réalise jamais. Soudain, une voix résonna dans ma tête : celle d’Arianna, la reine des fées. Elle annonça :

 « C’est ce qui va se produire si tu n’empêches pas ce désastre. Je t’en prie, aides-nous… ou nous périrons. Tous. »

– Comment ça, « si je n’empêche pas ce désastre » ? répétai-je éberluée, seule au beau milieu de la nuit. Que puis-je y faire, moi ?

– Comprendre et ressentir le monde, la Vie, les êtres vivants. Tu en es capable, plus que quiconque, voilà pourquoi nous t’avons choisie. Ton âme vibre en harmonie avec notre planète… mais aussi avec la Terre. C’est pour cela que tu es si précieuse.

 Cette dernière phrase… Sèvenoir me l’avait dite également.

 Je retournai vers Avorian, m’assis contre lui et posai ma tête sur ses genoux. Il dormait toujours.

 Je n’arrivais pas à comprendre cette lourde tâche qui s’imposait à moi, et je ne pouvais me départir de ma réserve. Je devais manifestement accomplir une mission sans en connaître la teneur. Autrefois, sur Terre, je lisais des histoires : ces épopées où les héros combattaient les forces du mal, accomplissaient de grands exploits et sauvaient le monde. Comme tous les enfants, je rêvais d’être une héroïne. À présent, je vivais ma propre aventure. Sauf qu’elle était vraie, réelle, lourde de conséquences. Je ne savais absolument pas comment faire pour aider cette planète. Ma vie entière avait changé d’un seul coup. Je n’étais plus Kiarah, la jeune Terrienne créative et spontanée, mais désormais une Orfiannaise au passé étrange et au futur incertain.

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