Chapitre 21 : Voyage dans le désert

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 Je me réveillai en sursaut. Avorian me considérait d’un air soucieux.

– Je sais qu’Arianna t’a contactée. Tu perçois maintenant combien ta mission est importante, n’est-ce pas ?

– On ne peut vraiment rien vous cacher, rétorquai-je.

 J’étais réellement en colère. Tourmentée de ne rien pouvoir maîtriser, de devoir répondre « oui » à tout ce que l’on me demandait. D’être conduite vers je-ne-sais-quel endroit sous prétexte qu’apparemment, j’étais la seule à pouvoir faire quelque chose, alors que j’en étais bien incapable ! Avorian et Arianna me surestimaient, ils n’avaient pas conscience de mon incompétence. Au contraire : ils décelaient en moi un potentiel pour le moins inexistant. Ils projetaient sur moi leur désir de rétablir l’harmonie entre les deux mondes, avec cette idée d’avoir enfin trouvé leur héros. C’était complètement faux, absurde. Pour qui me prenaient-ils ? Je n’étais rien de tout cela, et ils allaient vite s’en apercevoir.

– Pardon de te presser, mais il faut reprendre la route. Mange vite. Un long chemin nous attend, annonça Avorian selon son rituel.

 Nous marchâmes en silence, perdus dans nos pensées. Le paysage rocailleux laissa place à un sol de sable. Pas un arbre, pas une plante à l’horizon. Le soleil devenait insupportable ; sa chaleur nous étouffait, si bien que nous devions nous arrêter tous les quarts d’heures pour boire un peu d’eau. Mais il fallait pourtant se restreindre, car dans ce milieu hostile, l’eau allait vite devenir une ressource rare et précieuse.

– Avorian, je ne sais pas quelle température il fait, mais c’est une vraie fournaise ! Je n’en peux plus, soupirai-je. Sur Terre, même les étés de canicule ne rivalisent pas avec cette chaleur.

– C’est normal, nous entrons dans le désert de Gothémia, m’apprit Avorian. Il va faire de plus en plus chaud, courage !

– Je croyais que l’on était censé grimper en altitude pour aller au Royaume du Cristal !

– Oui, mais nous devons d’abord traverser ce désert pour ensuite parvenir à une grande forêt puis aux montagnes. Il existe une autre route, mais je dois absolument récupérer quelque chose de très important…

– Ah oui ? Eh bien moi je crois qu’on ne pourra jamais arriver aux montagnes : on sera calcinés bien avant.

– Alors cesse de te plaindre et préserve ta salive si tu ne veux pas cuire trop rapidement, répliqua Avorian d’un ton cynique.

 Une immense mer de sable se dressait devant nous. Les dunes s’élevaient sous les cuisants rayons du soleil. Je n’osais questionner Avorian sur cette « chose » qu’il devait à tout prix récupérer. Avorian était comme cela : secret, taciturne. Il devinait tout, mais on ne pouvait rien extirper de lui. C’en était frustrant. Il m’en parlerait de lui-même lorsqu’il en jugerait utile. Et si je me risquais d’insister, je savais qu’il s’en offusquerait.

 Je me demandais sans cesse combien de temps durerait la traversée du désert, et une interminable étendue de sable me répondait. L’horizon ne changeait guère. J’observais les nappes de chaleur troubler le panorama, donnant une impression de flou mouvant pour nos yeux.

 Soudain, j’entendis un « crack » sous mes pieds. Mon regard se posa alors sur… un os ! Pas seulement un seul os, mais un squelette tout entier, immense, d’un animal qui m’était inconnu. Il avait l’allure d’un reptilien.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? grimaçai-je.

– Un squelette d’embanore. Une créature très résistante pouvant servir de monture pour ceux qui s’aventurent dans le désert et savent l’apprivoiser.

– Pas très rassurant, confiai-je. Si cette créature tenace a succombé, on n’aura guère plus de chance qu’elle…

– Bien-sûr que si ! Contrairement à nous, cet animal est dépourvu de talents magiques. Peut-être était-il tout simplement très vieux, s’avança-t-il en prenant un ton malicieux, le sourire aux lèvres.

 Comme pour contredire ses paroles, un immense tourbillon de sable au loin se dirigeait droit sur nous. Je tirai Avorian par la manche pour le lui montrer. Incapable de parler ou de bouger, comme pétrifiée, je compris que ce déferlement de puissance allait inévitablement nous emporter. La toge grise d’Avorian semblait s’envoler sous les bourrasques violentes, lui donnant l’air d’un épouvantail sans défense. Les rafales m’obligeaient à plier les genoux, comme pour me défier, et faisaient trembler le tissu léger de mon pantalon bouffant.

 Voyant qu’Avorian ne réagissait pas, je lui pressai le bras en lui criant :

– Courons !

– Non ! Ça ne sert à rien, il nous rattrapera. Il faut créer un bouclier très puissant ; tu vas m’aider. Vite ! Fais comme je t’ai appris !

 Pendant que la tornade se rapprochait à grande vitesse, je m’efforçais de rassembler toute mon énergie pour constituer un bouclier très résistant. Je me concentrais davantage car mes mains refusaient d’obéir, trop crispées pour pouvoir polariser la matière translucide. J’inspirai à fond. Malgré la fatigue due au dessèchement, il en sortit une sphère transparente aux reflets bleus, d’une consistance extrêmement solide. Le bouclier d’Avorian et le mien se fondirent alors en un seul autour de nous.

 Le tourbillon infernal continuait de s’approcher, inéluctablement, de plus en plus vite, nous démontrant sa supériorité. Nous voilà face à une force de la nature dans toute sa splendeur ! me dis-je.

– Accroche-toi et couche-toi au sol ! s’époumona Avorian. (Le son de sa voix était atténué par le bruit du blizzard). Même fusionnés, nos boucliers ne supporteront la vitesse de cet ouragan. Je vais tenter de le ralentir.

– Laissez-moi vous aider, vous ne pouvez pas faire ça tout seul !

– Non ! C’est trop dangereux ! Préserve tes forces pour maintenir nos deux boucliers. Maintenant, laisse-moi me concentrer et couche-toi au sol !

 Avorian positionna ses mains face au danger. Un puissant jet de lumière blanche en jaillit et le fit ralentir ; il pivotait maintenant un peu moins vite, cependant toujours avec vigueur. Avorian recommença de la même manière et alimenta son rayon de magie au fur et à mesure que le danger progressait. Le cyclone traversa notre bouclier bien moins vite qu’il ne l’aurait dû. Je posai mes mains sur ma tête, en un geste instinctif, essayant désespérément de me protéger comme je le pouvais. Notre bouclier bougea, vibra, mais ne céda pas.

 Enfin, la terreur s’éloignait, entraînant des vagues de sable sur son sillage.

 Je me relevai doucement, le champ de force disparut. Je cherchais Avorian des yeux et le trouvai couché au sol ; il ne bougeait plus, les yeux clos.

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