Chapitre 24 : les créatures de Gothémia

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 À peine remise sur pieds dans du sable « normal », je me retrouvai nez à nez avec d’horribles créatures : de sortes de loups gigantesques m’arrivant à la poitrine. De longues épines d’au moins cinquante centimètres longeaient leur colonne vertébrale jusqu’à la pointe de leur queue. Ces piquants ressemblaient fortement à ceux des porc-épiques. Leur pelage gris-noir était maculé de boue et de sable. Même dans la pénombre, je pouvais distinguer devant leurs museaux retroussés par l’envie de tuer d’immenses crocs acérés dégoulinant de sang. Mais le plus frappant et le plus effrayant, surtout de nuit, c’étaient leurs affreuses prunelles rouges injectées de haine.

 Devant cet abominable spectacle, je ne pus m’empêcher de pousser un cri.

– Oh mon dieu ! soufflai-je la bouche entrouverte, priant pour échapper à une mort certaine.

 Je reculai prudemment de quelques pas. Avorian se posta devant moi, prêt à me défendre une nouvelle fois.

– C’est quoi ces créatures ? questionnai-je d’une toute petite voix.

– Des Glemsics, les loups du désert, répondit-il. Des prédateurs toujours affamés. Prends garde, leurs morsures sont mortelles. Utilise tes sphères, protège-toi de ton bouclier, vite !

 Avec de si grands crocs, je me doutais qu’ils pouvaient facilement m’arracher un bras. Cette idée m’horrifia davantage. Pourtant, Avorian se montrait d’un calme olympien à toute épreuve.

 Les créatures ne bougeaient pas. Elles se contentaient de nous épier sans répit, observant chacun de nos mouvements, cherchant nos points faibles, le moment propice pour nous dévorer. Je ne voulais pas tuer d’animaux, mais je n’avais pas le choix. Soudain, le troupeau se mit à charger. J’optai pour un déferlement de sphères. Avorian projetait devant lui de puissants rayons lumineux pour les repousser. La plupart reculèrent, aveuglés par l’éclat scintillant dans la nuit. Un Glemsic plus téméraire s’apprêtait à bondir sur moi. Par réflexe, je lançai successivement plusieurs sphères bleutées, mais ne fis que l’effleurer. L’animal couina en clopinant. Décidément, il était temps que j’apprenne à viser si je ne voulais pas y rester. D’autres monstres s’approchèrent la gueule grande ouverte, grognant et claquant des dents. Avorian et moi ripostâmes en cœur avec nos rayons, mais nos ennemis se montrèrent plus rapides, esquivant l’impact, anticipant la moindre de nos tentatives.

 Les Glemsics semblaient se multiplier : il suffisait d’en abatte quelques-uns pour que d’autres viennent en renfort. L’adrénaline mêlée à mon instinct de survie me guidaient dans mes parades. Je propulsais mes orbes sans relâche, qui pouvaient normalement tuer du premier coup, pour un tant soit peu qu’elles atteignent leurs cibles ! Effrayée et incapable de viser correctement, je perdais du temps.

 Les Glemsics se postèrent autour de nous. Nous étions cernés.

 Curieusement, ils se jetèrent tous sur Avorian sans raison apparente. Il ne pouvait s’en sortir indemne. J’utilisai cette fois mes sphères en combat rapproché, les projetant à seulement un mètre de mes ennemis, évitant soigneusement de toucher mon allié. Les Glemsics grognaient, glapissaient, d’autres trépassaient, mais chargeaient toujours Avorian sans me toucher. Ce n’était pas une réaction naturelle. Pourquoi ne s’en prenaient-ils qu’à lui ?

 Je me sentais désemparée. Il fallait à tout prix trouver un moyen plus radical. Je voulais réussir à reproduire la technique d’Avorian : élargir mon rayon lumineux pour qu’il se propage dans toutes les directions. Je plaçai mon bouclier autour de moi, me concentrai du mieux que je pus. Je visualisais l’action, imaginant des flots de lumière sortir de mes mains, et sous l’effet de cette tension interminable, cela fonctionna. Je déployai un immense rayon mortel qui toucha plusieurs Glemsics à la fois. Finalement, j’arrivais à viser lorsque mon instinct prenait le dessus. Quelques-uns s’enfuirent ou moururent sous l’impact, mais d’autres, plus résistants, terriblement acharnés, reprirent leur assaut contre mon instructeur, ignorant mes offensives répétées.

 Ce dernier se défendait vaillamment ; il ne perdait rien de sa bravoure malgré les morsures et les coups qu’il recevait : les énormes piques sur le dos des Glemsics se révélaient aussi dangereux que leurs griffes ou leurs crocs. Nos forces diminuaient, alors que leur nombre augmentait, lui : de nouvelles vagues déferlaient pour remplacer les précédentes.

 Tout à coup, il se passa quelque chose d’anormal : Avorian se courba en se tenant la gorge, perdit son bouclier protecteur, comme si une main invisible essayait de l’étrangler. Un Glemsic profita de ce moment d’inattention pour se jeter sur lui. L’Enchanteur tituba sous son poids et tomba. La créature l’immobilisa avec ses pattes pour le mordre à l’épaule et le secouer dans tous les sens, comme une vulgaire poupée. Avorian hurla de douleur. Sans réfléchir, je déclenchai un jet lumineux très fin pour ne pas risquer de le blesser. Il atteignit sa cible. L’animal fut projeté dans les airs à une vitesse fulgurante et retomba sur le sable, couché pour toujours.

 Gravement blessé, Avorian ne parvenait plus à se relever. Toujours aux aguets, plusieurs Glemsics bondirent alors sur lui. Je me mis à décocher des sphères à toute vitesse, veillant à ne pas toucher mon ami. Je criai de rage, m’élançant moi-même sur ces monstres, évitant leurs épines pour les frapper.

 Bouleversée par la vue du corps d’Avorian ensanglanté, mutilé, se faisant déchiqueter, je mordis sauvagement les créatures. Je les martelais de mes poings avec fureur, les joues ruisselantes de larmes et de sang. Geste inutile, montrant mon désespoir et mon impuissance. Je n’étais plus moi-même. Ce spectacle effroyable m’avait rendue aussi sauvage que ces animaux. J’avais complètement oublié de me remettre un bouclier car je ne pensais plus qu’à deux choses : sauver Avorian ; tuer les Glemsics, jusqu’au dernier.

  Folle de rage, je ne faisais pas attention à leurs griffes ou leurs crocs. Je ne pouvais plus m’arrêter, telle une machine à tuer. Avorian demeurait sans défenses, devenant ainsi une proie facile. J’avais beau les frapper, les Glemsics ne se défendaient pas, ils continuaient de se ruer fatalement sur le corps inanimé de l’Enchanteur. En sommes, je ne risquais rien : je m’étais moi-même blessée en me jetant sur les créatures.

 La colère grandit alors en moi au point de m’envahir. Je voulais les voir disparaître, tous ! Je les détestais, ces animaux pathétiques ! Je me relevai, serrant les poings, le regard empli de rancœur. Je me concentrai pour rassembler mes forces dans l’unique but de détruire cette meute enragée. Une auréole argentée entoura mon corps tout entier, comme si mon énergie se matérialisait en lumière. Les créatures s’immobilisèrent alors, stoppant leur assaut. La lueur les intriguait et semblait les aveugler. Un puissant rayon flamboyant sortit de mes mains pour se répandre sur chacun de nos assaillants, sans exception, ne ratant aucune cible.  Je ne contrôlais rien, le faisceau se dirigeait de lui-même sur nos ennemis. Cela ne dura que quelques minutes. Tous les Glemsics furent touchés, ils s’effondrèrent un à un, morts.

 C’était fini.

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