Chapitre 31 : la Pierre de Vie.

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 Le matin, je me réveillai dans les bras de Kaya. Au petit déjeuner, Avorian m’informa que nous allions récupérer la Pierre de Vie aujourd’hui pour repartir le lendemain. De retour à notre chambre, Kaya m’observa, d’abord interdite, puis me demanda :

– Où vous rendez-vous, toi et Avorian ? Directement au Royaume du Cristal pour y amener la Pierre ?

– Certainement j’imagine... Avorian ne me dit pas grand-chose. Je sais juste que le roi Orion souhaite nous rencontrer, répondis-je.

– Sais-tu que le roi vient de notre tribu ? Orion est le frère de mon père. C’est d’ailleurs le tout premier Komac à être devenu souverain d’Orfianne, cela n’était jamais arrivé auparavant. D’habitude, ce sont toujours les Enchanteurs ou les Guéliades qui gouvernent.

– Ça alors ! Le roi Orion est ton oncle ! Quelle coïncidence ! Nous étions décidément destinées à nous rencontrer.

– Plus que tu ne l’imagines ! Le roi Orion demande à ce que toutes les dynasties d’Orfianne se rendent au Royaume du Cristal pour un grand rassemblement. Les familles royales doivent se mettre d’accord et s’unir pour contrer la menace qui sévit notre planète.

– Cela signifie que vous risquez de nous rejoindre là-bas ?

– Ce n’est pas encore sûr, mais peut-être. Nous utiliserons le pouvoir de notre Pierre pour nous téléporter au Royaume.

– Ce serait merveilleux ! On pourrait se revoir ! Je remarque que le roi et ton père portent tous deux des noms de constellations du ciel Terrien. Comme si l’on pouvait observer les mêmes étoiles sur les deux planètes. Comment est-ce possible ?

– Sur la planète Terre ? Comment peux-tu connaître les noms des constellations vues de la Terre ? Mon père m’a raconté que ce sont les Orfiannais qui ont instruits les humains à propos des étoiles. C’était à l’époque où l’on pouvait encore communiquer avec eux. Cela se faisait beaucoup par le biais des rêves. Mais réponds-moi, comment peux-tu connaître ce genre de choses à propos de la Terre ? Seule une princesse peut recevoir une telle éducation.

 Je ne pouvais me résoudre à cacher plus longtemps la vérité à ma nouvelle amie. Je lui racontai tout. Le fait que j’avais grandi sur Terre, que je ne connaissais pas encore toute mon histoire, mais qu’apparemment j’étais la dernière Enchanteresse, et que je représentais une sorte de passerelle entre la Terre et Orfianne.

 Kaya semblait aussi fascinée par mon récit que ravie de rencontrer une légende vivante, bien qu’elle s’en doutait .

 Quant à mes questionnements, je ne voyais que deux possibilités : soit les Orfiannais avaient baptisés les constellations Terriennes du même nom que les leurs, bien qu’elles soient différentes, soit la planète Orfianne se trouvait à l’emplacement exact de la Terre, mais sur un plan différent. Un monde parallèle en quelque sorte. Après tout, qu’Avorian l’avait sous-entendu à mon arrivée sur Orfianne. Ce qui démontrait que nous pouvions observer les mêmes astres. Cela pouvait également justifier les voyages entre la Terre et Orfianne par transgéneur. Ce dernier permettait d’atteindre un autre plan, et non de parcourir des milliards de kilomètres. En y réfléchissant, cela expliquait aussi pourquoi les mauvaises pensées des humains se manifestaient ainsi sur Orfianne : puisque les deux planètes se situaient exactement au même endroit dans l’Univers, mais sur un plan différent, les deux mondes interféraient l’un avec l’autre. Je n’étais pas encore apte à concevoir toutes ces choses lorsqu’Avorian m’en avait parlé la première fois : je venais tout juste d’arriver dans ce monde, j’étais totalement perdue. Maintenant, tout cela me semblait plausible.

– Ton histoire est vraiment fascinante, finit par dire Kaya après un long moment de silence. Je suis tellement heureuse de t’avoir rencontrée, Kiarah !

– Moi aussi Kaya, je te garderai dans mon cœur pour toujours !

Nous nous enlaçâmes longuement.

– Kaya, je risque de poser une question très maladroite mais, où est ta mère ? Je n’ai vu que ton père.

– Ma mère a péri lors de la grande bataille qui anéantit les Enchanteurs. Les Komacs leurs sont venus en aide et beaucoup sont morts au combat.

– Pardonne-moi, je savais que je m’aventurais en terrain hasardeux.

 Je pris les mains de mon amie dans les miennes, touchant doucement ses doigts.

– J’avais seulement deux ans. Je ne me souviens même plus de ma mère. Toi aussi tu as perdu tes parents lors de cette guerre, alors ne te sens pas coupable.

– J’imagine que c’est aussi pour cette raison que ton père a du mal à te voir partir du village.

– Certainement, mais pas seulement. Puisque ma mère est morte, comme l’a dit Ishaam, je suis la seule à pouvoir utiliser la Pierre de Vie. Ce pouvoir se transmet la plupart du temps de génération en génération. Je suis la seule à pouvoir protéger mon peuple en cas d’attaque. Car hormis quelques dons de guérison, nous n’avons pas de pouvoirs magiques comme vous, les Enchanteurs.

– Je comprends. Les jumeaux aussi ont perdu leurs parents ? Je ne les ai pas rencontrés non plus.

– Oui, leurs parents sont morts lors de cette bataille. Ils étaient de grands amis des miens. Ils ont combattu ensemble car ils voulaient à tout prix sauver les Enchanteurs. Mais seul mon père a survécu.

 Je pris Kaya dans mes bras. Je réalisais pour la première fois combien cette tragédie était récente, finalement proche dans le temps : puisque Kaya avait environ dix-sept ans, je supposais que cela s’était produit peu après ma naissance. Je comprenais mieux pourquoi ce sujet était autant douloureux pour Avorian. Il avait perdu tous les membres de son peuple. Étant le seul rescapé, j’imagine qu’il doit ressentir une énorme culpabilité. Être le seul survivant d’un drame pèse lourd sur les épaules, et c’est parfois même pire que la mort.

  Le cœur lourd, je repensai à mes parents sur Terre. M’avaient-ils réellement oubliée à présent ? Je m’en voulu de m’inquiéter ainsi sur mon sort. Oui, je venais d’une autre planète. Mais Avorian aussi supportait le poids son passé, de sa souffrance, et ce, à chaque instant. Je ne l’avais jamais pleinement pris en compte. Par ailleurs, je ne savais toujours pas qui avait déclaré cette guerre contre les Enchanteurs, ni sur quels motifs. À en juger par les quelques larmes que versait Kaya, le moment paraissait mal choisi pour en parler.

 Le grand moment arriva. Avorian vint me chercher. Il tenait à ce que je sois présente pour la restitution de notre Pierre. Et je pouvais aisément le comprendre. Andromède et sa fille nous guidèrent jusqu’au temple. Je respirais cette agréable odeur d’encens, contemplant la statue aux voiles rouges. La petite alcôve avait pour unique source de lumière les rayons azurés de la Pierre de Vie des Komacs. Andromède s’approcha de la statue et souleva un pan du voile au niveau de la poitrine. Ce geste m’interloqua. Mais il appuya au niveau du cœur de la réplique, et soudain un morceau de pierre se détacha de l’ensemble, laissant apparaître une lueur rougeâtre à la place du cœur. Andromède attrapa quelque chose dans cette petite cavité. Devant nos yeux ébahis, il sortit un magnifique joyau écarlate, également de la taille d’une boule de cristal.

– Avorian, Kiarah, voici la Pierre de Vie des Enchanteurs. Nous, peuple du désert, l’avons gardée en sûreté pendant toutes ces années, dans l’espoir de votre venue et de la renaissance de votre noble communauté.

– Prends-la, me somma Avorian.

 Andromède me tendit alors délicatement la Pierre. Je la pris précautionneusement dans mes mains, aussi bouleversée qu’intimidée. Mais soudain, un rayon rougeâtre jaillit de la sphère magique, tournoya autour de mon corps puis vint se loger au niveau de mon nombril, traversant ma chair. Mes mains se crispèrent autour du joyau tant je me sentais ébranlée ; je ne voulais surtout pas le faire tomber. Il émettait une lueur vive au contact de mes mains.

– La Pierre réagit à son porteur…, souffla Kaya.

– Kiarah. Tu tiens entre tes mains le dernier vestige de notre communauté, notre seul et unique héritable, me dit solennellement Avorian.

 Je pus voir quelques larmes perler au coin de ses yeux.

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