Chapitre 41 : accalmie

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 La pluie avait enfin cessé. Nous avalâmes les fruits juteux, puis je me préparai un lit de mousse pour dormir. Orialis aussi s’était lavée et changée. Elle portait à présent une robe couleur vert-foncé, dont la jupe longue et droite mettait en valeur sa jolie ligne. Sa sacoche devait être ensorcelée, tout comme les nôtres, pour pouvoir contenir autant de choses.

 La forêt s’assombrissait davantage, la nuit tombait. Je me rendis compte une nouvelle fois combien la dernière bataille m’avait grandement affaiblie. J’avais perdu tellement de sang.

– J’ai l’impression que nous arrivons dans une partie de la forêt plus paisible. Comme si cet endroit était protégé et moins touché par les ténèbres, nous confia Orialis.

– C’est vrai, confirma Avorian après avoir bu sa gourde à grandes gorgées. L’énergie est bien moins perturbée ici. Et ces arbres fruitiers nous prouvent que la vie parvient à subsister.

– Tu ne bois pas Orialis ? demandai-je intriguée, moi qui mourrais de soif.

– Notre corps est constitué d’une manière différente du vôtre. Les Noyrociens n’ont pas besoin beaucoup d’eau, mais à la place, de certaines molécules créées par les rayons du soleil appelées les astinas. C’est une sorte de nourriture indispensable à notre survie. Ces composantes sont captées automatiquement par nos antennes pour en faire une bonne réserve ; c’est d’ailleurs les astinas qui les rendent dorées. Comme ça, lorsque le soleil se cache, nous restons en bonne santé. Lorsqu’un Noyrocien est malade ou manque de soleil, on le remarque à ses antennes qui changent de couleur pour devenir grises. Et lorsque le ciel reste nuageux, et ce, pendant plusieurs jours, cela nous fatigue car notre réserve s’épuise. C’est comme si tu ne buvais pas d’eau pendant une journée. Nous pouvons tenir bien plus longtemps sans soleil que vous sans eau, mais c’est parfois un véritable problème. C’est pour cela que nous avons créé dans nos localités une technologie permettant de capter ces molécules pour en faire une gigantesque réserve. C’est aussi la raison pour laquelle les Noyrociens vivent dans les vastes plaines et ne sortent pas beaucoup de leurs terres… à cause de leur physionomie.

– Comment as-tu fait pour tenir pendant tout ce temps dans ce sombre cachot, sans lumière solaire ? m’inquiétai-je.

– J’ai utilisé une sorte de médicament que le roi m’avait donné en cas de problème. C’est très efficace.

– Nous passerons la nuit ici, je pense que nous sommes hors de danger, nous interrompit Avorian.

  Après avoir mangé dans un silence qui montrait le degré de notre épuisement, je m’allongeai sur mon lit de mousse fraîchement fabriqué, finalement très douillet. Heureusement que je ne ressentais pas beaucoup le froid par rapport à un être humain, car l’humidité de l’air aurait assurément glacé mes os. Avorian restait assis sur la racine d’un arbre pour contempler la planète Héliaka ; la lueur jaunâtre de l’astre perçait à travers les nuages, et son reflet scintillait sur le ruisseau. La main posée sur son genou, l'Enchanteur semblait songer à d’autres lendemains dans cette position. Malgré son calme apparent, quelque chose me disait qu’il était au fond de lui tourmenté. Peut-être l’observation du ciel éveillait en lui quelques souvenirs, quelques vérités troublantes, celles que l’on préfère garder en soi pour mieux les cacher, ne jamais les révéler, et parfois même les oublier.

Soudain, j’aperçus plusieurs petites lueurs toutes proches de nous.

– Orialis ! Regarde ! Je crois que ce sont des fées ! m’exclamai-je en les pointant du doigt.

– C’est assez miraculeux vu la réputation de cette forêt, et plutôt bon signe, mais oui, j’en compte une dizaine au niveau du point d’eau, confirma Avorian.

– Ça alors ! Cette partie de la forêt a donc bel et bien été épargnée, renchérit Orialis. Quelle chance ! J’espère que l’une d’entre elle acceptera de voyager jusqu’à mon royaume.

 Je l’accompagnai jusqu’aux boules de lumière pendant qu’Avorian s’adonna de nouveau à la contemplation du ciel nuageux. Les fées volèrent jusqu’à nous. Vêtues de pétales de fleurs et de feuilles d’arbres, trois d’entre elles avaient la peau verte, deux autres étaient roses, et les deux dernières, oranges.

– Eh bien mesdemoiselles, vous devriez faire attention. Il est dangereux de circuler dans cette forêt ces temps-ci, surtout la nuit ! Même nous, les fées, n’avons accès qu’à cet endroit, et n’osons en sortir.

– Oui, nous le savons. Mais nous avons malheureusement été capturés par des Métharcasaps et j’ai échappé de peu à la mort. Nous avons réussi à nous enfuir grâce à l’aide d’Arianna, expliquai-je, sachant qu’en évoquant le nom de la reine des fées, nos visiteuses allaient certainement se montrer plus familières.

– Oh ! Arianna était ici ? Et vous connaissez notre reine vénérée ? s’exclama l’une d’elle.

– Oui, confirmai-je, ravie que ma remarque fasse son effet.

– Pardonnez-moi de vous demander cela si abruptement, mais j’ai besoin de votre aide, se lança Orialis.

– Bien que vous soyez des alliés de notre reine, nous ne pouvons pas vous aider dans cette forêt, cela ne dépend pas de nous. Vous devriez vous montrer plus prudentes. Deux jeunes filles, toutes seules, en pleine nuit ! s’indigna une fée à la peau couleur orange.

– Mais Avorian voyage avec nous, les rassurai-je.

–Avorian, le sage Avorian ? demanda une petite fée verte.

– Oui, lui-même, certifia ce dernier qui venait juste d’arriver.

– S’il vous plaît, poursuivit Orialis, j’ai besoin de l’une de vous comme messagère. Cela fait des semaines que je suis prisonnière ici. Or, le roi de mon peuple m’a envoyée pour une mission importante et doit être prévenu. L’une d’entre vous accepterait-elle d’aller au royaume des Noyrociens afin d’y trouver la famille royale ? Je suis Orialis. J’ai aussi deux frères et une petite sœur qui vont se rendre malade s’ils n’ont aucune nouvelle de moi. Et je ne peux pas rentrer chez moi tout de suite, c’est impossible. Je vous en prie, aidez-moi !

– Calmez-vous. Nous irons prévenir le roi et votre famille, rassurez vous, concéda une des fées rosées.

– Je vous remercie ! Merci infiniment !

 Orialis s’inclina devant ses bienfaitrices puis leur indiqua le message à transmettre. Trois d’entres elles partirent sur le champ prévenir les siens. Les quatre autres proposèrent de veiller sur nous cette nuit. Nous les remerciâmes chaleureusement pour leur générosité. Nos adorables gardes du corps se postèrent aux quatre points cardinaux pour prévenir de toute attaque.

 Orialis s’endormit près de moi. Son bras entourant mes épaules, elle enfouit son visage contre ma poitrine. Bien que je ne la connaissais pas encore, je sentais une belle amitié naître entre nous. Et Avorian… je l’admirais, il m’impressionnait. Il m’apprenait tant de choses. Malgré mes colères et mes incompréhensions, il restait toujours calme et patient avec moi. De tous les hommes que j’avais rencontrés, il était le seul à se comporter ainsi, de façon si sage. Mais Arianna notre sauveuse, Kaya, les jumeaux, me manquaient énormément.

 Le monde du sommeil et des rêves m’emporta enfin.

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