Chapitre 42 : jouer à cache-cache

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 Je me réveillai soudainement, sursautant, en ayant la désagréable impression de n’avoir dormi qu’une demi-heure. Je ne me trompais pas de beaucoup : il faisait encore nuit. L’une des fées se tenait devant mon visage. Je me sentis aussitôt en danger.

– Réveillez-vous tous ! Ils approchent ! prévint-elle.

Ses craintes se confirmèrent : j’entendis des bruits dans les buissons un peu plus loin. Je fus prise d’une panique qui me paralysa, mais non, je ne pouvais pas rester ainsi à ne rien faire ! Les trois autres fées éveillèrent en vitesse Avorian et Orialis.

– Que… qu’est-ce que…, marmonna Orialis d’une voix endormie.

– Silence ! souffla une fée verte. Ne faîtes pas un bruit, ils approchent. Fuyons ! Vite !

– Nous n’avons pas le temps de fuir, ils sont trop proches. Cachez-vous dans les arbres et mettez-vous sur des branches sûres, ordonna Avorian, qui lui, semblait parfaitement conscient et apte à combattre. Il fait encore nuit, ils ne nous verrons pas.

 Les bruits se rapprochaient de notre campement. Je grimpai en vitesse sur l’arbre contre lequel j’avais dormi. Cela ne me posait aucun problème. Finalement, contrairement à ce que pensait mon père sur Terre, le fait de grimper aux arbres et sur le toit de la maison était loin d’être un jeu inutile ou puéril. Cela m’avait permis de m’entraîner à ce genre d’épreuve.

 Je m’allongeai sur une large branche, assez haute pour me camoufler. L’épais feuillage me dissimulait totalement. Je ne voyais plus Avorian ni Orialis : plutôt bon signe pour eux. Les petites fées s’étaient déjà envolées afin de ne pas nous faire repérer. Je ne percevais même plus leur aura colorée.

 J’entendis des pas tout près de moi. Ils nous cherchaient. Je distinguai enfin nos perturbateurs de sommeil : dix Métharcasaps. Les monstres regardaient partout autour d’eux, se courbaient pour étudier nos traces de pas dans la boue, parcouraient la moindre feuille un peu tordue.

Pourvu qu’ils ne me voient pas ! pensai-je, prise d’une frayeur incontrôlable.

 Même s’ils n’étaient que dix, Avorian et moi aurions beaucoup de mal à les neutraliser étant donné leur puissance.

Espérons qu’ils ne les trouvent pas !

 Neuf Métharcasaps cherchaient déjà plus loin, mais le dixième, qui semblait leur donner des ordres par télépathie, restait là. Il regardait autour de lui d’un air méfiant. Il m’avait sans doute repérée. Peut-être par mon odeur ? Haletant de frayeur, je mis une main sur ma bouche afin de masquer un peu mieux ma respiration. Il était là, juste en dessous de moi. Puis, au bout de quelques minutes, il s’en alla rejoindre les autres qui fouillaient et détruisaient les plantes environnantes. Lorsqu’ils furent assez loin, hors de ma vue et que je ne les entendis plus, je descendis doucement de mon perchoir. En mon cœur, je remerciai infiniment l’arbre qui venait de me sauver la vie. Je courus chercher les autres, mais ne les trouvai pas. Où pouvaient-ils bien être ? Pourquoi ne sortaient-ils pas de leur cachette, maintenant que tout danger était écarté ?

 Je regardais au niveau des branches, fouillais derrière les plantes, mortifiée, mais en vain. Ils demeuraient introuvables. Même les fées ne revenaient pas. Et je ne pouvais les appeler : nos ennemis m’entendraient.

Ils n’ont pas pu se faire prendre, sinon, je les aurais entendu ou j’aurais vu la magie d’Avorian, raisonnai-je, tentant de me rassurer. Ils ne doivent pas être bien loin, ils vont arriver… ou peut-être me cherchent-ils aussi. Il vaut mieux que je retourne près de l’arbre, ou chacun risque se perdre de son côté.

 Je m’assis sur une racine en regardant le ruisseau s’écouler, indifférent à mes tourments. J’attendais encore et encore, mais ils ne venaient toujours pas. L’aube pointait à l’horizon. Je me demandais comment je pouvais faire, moi, toute seule, ignorant tout de ce monde ou bien même du chemin d’un retour vers nul part ! Mon visage enfouit dans mes mains, je sanglotais, désespérée. Mais ce fut dans ce moment de lamentation que j’entendis un bruit dans les buissons. Une silhouette d’une jeune femme svelte, merveilleusement belle, à la démarche gracieuse, s’avança vers moi. Une autre ombre plus grande la suivait. Orialis prit mes mains trempées de larmes dans les siennes, puis me serra très fort contre elle. Elle se mit elle aussi à pleurer doucement, me berçant tendrement.

– Kiarah… J’ai eu si peur pour toi ! lâcha-t-elle entre deux sanglots.

– Et moi j’étais tellement angoissée pour vous deux !

Avorian vint nous rejoindre et s’agenouilla à côté de la Noyrocienne, posant sa main sur mon épaule.

– Mais pourquoi avez-vous mis tant de temps ? m’indignai-je, encore sous le choque.

– Il n’y avait pas d’assez bonne cachette aux alentours. Et je suis loin d’avoir ta souplesse pour grimper aussi vite à un arbre ! Nous avons donc couru plus loin pour nous abriter sous des fourrés, mais les gardes sont restés longtemps près de nous. J’ai dû créer un champ de force pour masquer notre présence et notre odeur. Les Métharcasaps sont télépathes, ils peuvent donc repérer nos pensées, expliqua Avorian.

– En tout cas, ils n’ont pas entendus les miennes, dis-je d’un ton narquois.

– Le problème de ces fichus Métharcasaps qui nous traquent perdure, déplora Orialis.

– Ce qui nous confirme qu’ils sont menés par quelqu’un, raisonna Avorian.

– Récapitulons, spéculai-je en souriant de façon ironique. Si je comprends bien, Sèvenoir me poursuit, quelqu’un d’autre nous traque et désire que je sois vivante et intacte. Youpi ! Personne ne veut ma mort finalement ! Peut-on rêver mieux comme situation ?

– J’aime ton côté optimiste à toute épreuve…, me taquina Avorian.

– Mais qui es-tu donc pour que tout le monde te recherche ainsi ? fit Orialis, soudainement méfiante.

 Elle nous regarda intensément, l’air contrarié, les mains posées sur ses hanches. Aucun de nous ne lui apporta une réponse. Orialis recherchait une personne puissante venue d’un autre monde. Avorian pensait qu’il s’agissait de moi, mais il se faisait des idées. J’étais au contraire incapable de me défendre toute seule, perdue, apeurée à la moindre situation tendue. Devant notre silence, Orialis nous regarda d’un air suspicieux. Voyant que rien ne vint, elle reprit :

– Je comprends mieux maintenant... Vous n’êtes pas des Guéliades. Et cette guerrière que je suis venue chercher au Royaume du Cristal, je l’ai déjà trouvée. C’est toi Kiarah. C’est bien toi que tout le monde cherche.

 Un éclat illumina ses yeux gris-jaune.

– Écoute, Kiarah est revenue dans ce monde afin de rétablir l’équilibre et elle va continuer son voyage vers le Royaume du Cristal. Le problème est beaucoup plus général, il concerne tout le monde, tous les peuples, toutes les formes de vies existantes et même au-delà. Il faut donc remonter au cœur du mal même, et non pas en détruire une petite extrémité qui repoussera par la suite.

– Je comprends bien tout ça, dit Orialis. Mais d’où viens-tu Kiarah ? Cette guerrière est censée venir d’un autre monde. Es-tu Orfiannaise ou non ?

– J’ai vécu toute ma vie sur la planète Terre, lui avouai-je.

– Quoi ? s’étrangla Orialis en s’adressant à Avorian plus qu’à moi, comme si j’étais redevenue une étrangère. Tu ne peux pas être humaine, c’est impossible ! Aucun humain ne peut venir ici. Les Terriens n’ont pas le droit de vivre ailleurs que sur leur planète. De plus, la vibration d’Orfianne les tuerait ! Les humains n’ont aucun pouvoir, comment pourraient-ils nous aider ?

– Calme-toi un peu, la réprimanda Avorian. Elle n’est pas humaine mais bel et bien Orfiannaise. Seulement, elle a vécu ses quinze années sur la planète Terre, pour sa protection.

– Pardonnez-moi, je suis lamentable de réagir ainsi. Humaine ou non, cela ne changerait rien en plus… je t’apprécie tellement Kiarah ! Je crois que le manque de sommeil me rend très irritable, et je ne me suis pas nourris correctement depuis près de quatre semaines. Mes antennes commencent à ternir.

– Je te comprends Orialis, nous aussi le manque de sommeil et la faim nous rendent agressifs et fragiles, la rassurai-je.

 Orialis semblait malgré tout perturbée par cette nouvelle. Elle ne comprenait pas pourquoi j’avais vécu tout ce temps sur une planète étrangère, et moi non plus d’ailleurs.

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