Chapitre 53 : Le combat

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– L’un de mes gardes va te raccompagner à ta chambre.

 Le Métharcasap surgit à cet instant et nous traversâmes de nouveau les corridors pour arriver à ma chambre. J’étais réellement bouleversée par les révélations de l’Ombre. Il me fallait un temps pour les intégrer.

 Je m’affalai sur le lit. Comment était-ce possible ? Les Terriens étaient en réalité une race hybride… le fruit d’un jumelage entre deux planètes. C’était incroyable, mais cela pouvait en effet expliquer bien des choses. L’Ombre les voyait comme des pantins, des rats de laboratoires, comme une expérience scientifique qui aurait échouée. Les Terriens ont le droit d’avoir leur libre-arbitre, pensai-je avec rage.

 De plus, je me trouvais dans une posture plus que délicate. La vie des Terriens ne tenait qu’à un fil. Et le pire dans tout cela était que je pouvais autant devenir leur instrument de destruction que leur seul espoir, en admettant que l’Ombre vienne à partager ma vision des choses. Je portais une fois de plus un poids énorme sur mes épaules. À la moindre erreur, c’était de nouveau une civilisation entière qui allait disparaître.

L’extinction des Enchanteurs n’a-t-elle pas suffit ? Et celle des indiens d’Amérique sur Terre ? Et de tous ces autres peuples décimés, parce que les êtres humains sont incapables de se parler ou de s’écouter ; que l’envie de pouvoir est plus forte que le respect de l’autre et de sa culture ?

 Je me mis à pleurer à chaudes larmes. Pourtant, il fallait bien faire quelque chose… et vite. Mais quoi et comment, étant moi-même retenue prisonnière ici ?

Impossible de se repérer dans un tel labyrinthe ! Comment m’évader d’ici ? réalisai-je, impuissante.

 Je devais me montrer prudente et tenter de me rapprocher de l’Ombre afin de la convaincre de suivre une autre voie que celle de la destruction.

 Un plateau de nourriture avait dû être posé sur la table durant la visite. Je me demandais quelle heure pouvait-il être en temps terrestre. Exténuée, je décidai d’aller me coucher. Je ne pouvais pas faire grand-chose de plus, de toute façon.

 Le lendemain, bien que je fusse incapable de dire s’il faisait jour ou nuit, la porte s’ouvrit alors que je me trouvais encore dans mon lit. Je sursautai. Je n’avais même pas entendu les bruits de pas tellement mon esprit était préoccupé. Un Métharcasaps entra. Il désigna de sa main le plateau repas. J’en déduisis qu’il fallait que je mange maintenant. Puis, comme pour confirmer ma pensée, j’entendis une voix dans ma tête prononcer :

 « Je te conseille de prendre des forces, petite chétive, car le maître a décidé de t’entrainer ». Je me souvins qu’Avorian m’avait dit que les Métharcasaps communiquaient uniquement par télépathie.

 Ce dernier claqua la porte en sortant.

Mauvaise signe.

 Si l’Ombre commençait mon entraînement, elle avait donc fait le mauvais choix. Il était peut-être encore temps de l’en dissuader. Je mangeai sans appétit. À peine habillée d’un pantalon et d’une tunique noirs au tissu souple, quelqu’un entra de nouveau sans frapper. La magie qui maintenant la porte verrouillée devait avoir son intelligence propre, pour laisser passer uniquement l’Ombre et ses sbires.

 Le Métharcasap me fit signe de le suivre. Je marchais derrière lui tête baissée, ne prenant même pas la peine de refermer la porte de l’armoire, laissant ainsi les autres robes sombres à l’air libre. Nous traversâmes le long enchevêtrement de couloir aux murs phosphorescents, puis nous arrivâmes devant une grande porte ovale, son pourtour orné d’or. Le Métharcasap appuya sur la poignée d’argent finement taillée. Je me retrouvais devant une salle immense et circulaire, telle une arène. On ne pouvait se cacher dans les recoins, à ma grande déception. Ce vaste cercle me donnait déjà le tournis. J’imaginais qu’une fois rendu au centre de la piste, on se sentait perdu, et qu’il devenait alors difficile de savoir par où l’on était entré.

 J’avançai sur un sol gris-perle, observant cette grande salle aux murs sombre et entièrement vide. Je vis tout autour de l’arène de sortes de tribunes, mais personne n’y était assis.

 L’Ombre, qui demeurait au centre de l’amphithéâtre, me fit signe d’approcher. Le Métharcasap, cette immense créature à la peau bleu-grise avec ses trois cornes, son air digne et sa fastueuse robe bleue marine, se tenait à ses côté. Tous deux m’observaient d’un air grave et impitoyable. Leur regard me donnait froid dans le dos.

– Tu vas combattre contre ce Métharcasap, m’informa l’Ombre en désignant la créature à côté de lui. J’espère que tu vas m’offrir un beau spectacle…

– Avez-vous réfléchis à notre discussion ? m’enquis-je, ignorant l’ordre de l’Ombre.

– Oui, et c’est pourquoi je commence dès à présent ton entraînement. Quoique je décide, j’ai besoin de ton pouvoir.

 Sur ces paroles, l’Ombre recula au bord de l’arène pour admirer en première ligne le «spectacle » sanglant qui s’annonçait. Quelques Métharcasaps, avides de me voir déchiquetée, se postèrent à l’entrée.

 Mon adversaire se dressa devant moi, me fixant d’un regard impassible. Mon propre regard croisa le sien, mais je ne pus le soutenir, immédiatement intimidée. Je me sentais ridicule face à cette créature d’au moins deux mètres. Ses grands yeux bleu-marine sans fond blanc m’oppressaient. Je reculai d’un pas. La créature était vraiment impressionnante, imposante, et largement plus forte que moi. J’avais déjà essuyé un terrible combat contre une armée de Métharcasaps et subi les conséquences : le rayon qui sortait de leur corne du milieu m’avait perforé le ventre. Et sans l’aide d’Avorian, je ne serais plus là pour en témoigner.

 Mon ennemi ne me laissa pas le temps de réfléchir plus longuement, un fin rayon jaune sortit de sa corne du milieu à une vitesse fulgurante. Je parvins à former mon bouclier sphérique à temps : le mince et rapide trait lumineux percuta ma défense sans pour autant la percer. Je mis alors mes mains en positions de combat (la main gauche devant moi, verticale et face au vide, l’autre, juste au-dessous d’elle, horizontale, face au plafond), une lueur blanche en sortit. Je visai sa poitrine. À ma grande surprise, mon adversaire mit tranquillement son bras devant lui, et le rayon fut dévié de sa trajectoire. Il alla s’écraser contre le mur arrondi. Par un seul et simple geste, la créature venait d’éviter mon attaque de loin la plus puissante ! Son visage ne changea pas pour autant d’expression. Imperturbable, le Métharcasap ne semblait ni amusé, ni satisfait, ni lassé. Ses traits ne bougeaient jamais, ils restaient fixes, telle une statue. Et cela le rendait encore plus effrayant.

 Je lançai alors plusieurs sphères. Il les dévia toutes de la même manière, sans se fatiguer, avec une facilité déconcertante. Quelle injustice ! Je n’étais même pas préparée à ce combat ! Quel pouvait bien être son point faible, si jamais il en avait un ? Je dirigeai alors, grâce à un regain d’espoir et d’énergie, un autre jet de lumière, qui fut lui aussi déporté de sa trajectoire.

 Le Métharcasap restait immobile. Puis, il plaça sa main céruléenne devant lui, fit un léger mouvement des doigts, et je fus projetée en arrière, m’envolant malgré moi vers le mur. Je dus mon salut qu’à un heureux réflexe : je projetai un bouclier en direction de mon point de chute. Mon intuition se révéla bonne : j’atterris en rebondissant doucement dessus, puis glissai tranquillement contre le mur jusqu’au sol. Sans cet automatisme, je me serais sans doute fracassée le crâne. Au moins, je venais d’apprendre une nouvelle chose : les boucliers pouvaient également amortir mes chutes.

 L’impitoyable Métharcasap profita de ce moment d’inattention pour me propulser une nouvelle fois brusquement vers le mur. Je roulai au sol et me cognai brutalement contre la paroi. De petites lueurs, comme des étoiles, défilaient devant mes yeux. Mon crâne me faisait horriblement mal. Presque assommée, il ne fallait surtout pas que je m’endorme maintenant. Je secouai vivement la tête pour reprendre mes esprits et me débarrasser de ces visions, passai une main machinalement sur mon front, et, en la retirant, je découvris avec horreur du sang. Rien de grave, me sembla-t-il.

Je ne dois pas m’évanouir maintenant ! m’intimai-je pour me redonner de l’aplomb.

 Je me relevai avec peine, obéissant à cette conviction. Je devais rester digne et courageuse, ne pas me laisser abattre.

 En usant de toutes mes forces et de ma célérité, je lançai une salve de sphères sur mon adversaire. Une seule le toucha au bras. Enfin ! Profitant de sa perte d’équilibre, j’émis de mes mains mon rayon lumineux qui atteignit cette fois sa cible. La créature fut à son tour projetée dans les airs, mais elle se servit judicieusement de son rayon jaune en le dirigeant vers le sol pour ralentir considérablement sa chute, retombant ainsi à genoux.

Non seulement il est fort, mais en plus très intelligent ! commentai-je, à deux doigts de défaillir, encore sonnée par le choc contre le mur. Soudain, il mit ses doigts contre ses tempes, et j’entendis un bruit insupportable dans ma tête, comme des ultrasons. La douleur me fit courber l’échine et je poussai un cri. Mais quelle était donc cette étrange créature dotée de pouvoirs psychiques ? Je me forçai à me redresser, ce qui me demanda un véritable effort, et jetai deux sphères contre mon adversaire. Celui-ci retira ses doigts des tempes afin de les écarter, le son cessa.

Il faut que j’enchaîne mes attaques si je ne veux pas subir les siennes, c’est le seul moyen... En me disant cela, je vis quelques gouttes de sang perler sur mon bras. La blessure s’aggravait.

 J’enchaînai une combinaison de sphères et de rayons contre la créature qui se défendait à la perfection. Heureusement, mon bouclier tenait bon, et le Métharcasap n’en possédait pas, lui. Mais sous l’effort, les lésions ne pouvaient pas cicatriser ; je perdais ainsi beaucoup d’énergie. Pourtant, je ne pouvais pas me permettre de renoncer, il en allait de ma survie.

 Soudain, un nouveau pouvoir sortit de mes mains : un large rayon couleur turquoise. Mon rival fit jaillir de sa corne un éclair jaune pour contrer mon attaque, mais n’y parvint pas complètement, elle le toucha au ventre, déchirant ses chairs. Mais malgré cela, un autre de ses faisceaux alla percuter mon bouclier. Celui-ci perdait de sa puissance. Et comme je commençais à sérieusement faiblir, il céda. Je ne perdis pas un instant et ripostai d’un jet turquoise, mais fus de nouveau projetée dans les airs au même moment où mon rayon le fit tournoyer dans le vide. Tout allait trop vite… perdue au milieu des airs, je me heurtai violemment contre le mur. Mon sang coulait abondamment. Cette fois, j’étais bel et bien assommée, impuissante.

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