Chapitre 54 : le pouvoir de la pensée

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 On me secoua brutalement pour me réveiller. Harassée, j’ouvris difficilement mes paupières. Je distinguais le Métharcasap, me tenant encore par le bras qu’il venait de secouer, sa main tachée de mon propre sang. Ma perception se brouillait à cause de l’épuisement. Mon adversaire semblait moins vaillant qu’auparavant, cela me rassura un peu : je ne me surmenais donc pas inutilement au moins. Un sang bleu coulait légèrement de sa tempe, mais de façon dense de son bras et de son ventre.

 Mon opposant me releva sans peine de son bras intact, mais je titubai, perdis l’équilibre et retombai contre lui, me laissant entourée par les plis de sa tunique bleue foncée. Il me soutint avec vigueur alors que mes jambes tremblaient, se dérobaient sous mes pieds. Pourquoi la créature ne profitait-elle pas de ce moment de répit pour m’achever ?

– Le combat n’est pas terminé ! tança l’Ombre visiblement agacée.

 J’étais incapable de continuer, la créature me tenait toujours fermement. Chancelante, les yeux mi-clos de fatigue, alors que j’essayais tant bien que mal de tenir debout, le Métharcasap me lâcha brusquement. Dans un dernier et ultime effort, je décochai deux sphères bleutées. Mon adversaire les dévia aisément. Les quelques gouttes de sangs qui perlaient au niveau de mes yeux gênaient atrocement ma vue. Cependant, je sentais que lui non plus ne voulait pas combattre. Il était souffrant et semblait contrarié par les ordres de l’Ombre. Peut-être était-il son esclave et qu’il n’avait pas vraiment le choix, tout comme moi.

– Cela ne sert à rien ! m’indignai-je, la voix faible et essoufflée. Je n’en peux plus, je n’y arriverai pas.

– Ce n’est pas à toi de décider quand tu dois t’arrêter. Eh bien, puisqu’elle refuse de se battre, adressa l’Ombre à la créature, profites-en ! Attaque-la !

 Soumis, le Métharcasap exécuta les ordres de son maître. Il dirigea son rayon jaune vers ma poitrine. Je constituai rapidement un petit bouclier qui, à mon grand soulagement, me protégea de l’attaque malgré ma lassitude.

– Vous n’êtes pas obligés d’utiliser vos pouvoirs, continua l’Ombre, pleine de morgue. Utilisez vos mains, battez-vous au corps à corps ! Exécution !

 En écoutant ses paroles, j’eus vraiment l’impression que l’Ombre était de nature versatile. Elle pouvait autant se montrer sage que maléfique, et en cet instant, je subissais les méfaits de son côté démoniaque.

 Le Métharcasap avança lentement vers moi, d’un air menaçant. Je le fixai du regard, d’un air affligé, comme si j’étais de toute façon déjà condamnée. Je reculai un peu, complètement effrayée et perdue. Mais il me rattrapa par le bras, et de sa grande main bleue-grise, me frappa. Je me défendis comme je le pouvais, pensant que la mort approchait à grands pas. Je le martelai de coups de poings de manière acharnée, telle une sauvage. Je le mordis et me mis à hurler pour m’encourager ou peut-être tout simplement par peur, mais également pour trouver une nouvelle force en moi.

– Hum… voilà qui est mieux ! approuva notre vil spectateur en admirant la scène avec délectation.

 Le Métharcasap se servit de son imposante taille, et ainsi, prit l’avantage : il me bouscula et en profita pour se jeter sur moi, m’écrasant de tout son poids. Puis, il plaça ses mains autour de mon cou et appuya très fort, comme si je n’étais qu’un objet, une vulgaire poupée. Jamais je n’aurais imaginé mourir de cette façon. Pas comme ça… L’Ombre n’avait-elle pas besoin de moi vivante pour mettre ses plans à exécution ? Pourquoi n’intervenait-elle pas ? Voulait-elle finalement un combat à mort ?

 Je me débattis avec fureur. Grâce à cette volonté de survivre, une énergie nouvelle naquit en moi. J’essayai de retirer ses mains qui me serraient avec frénésie – sans succès. L’air commençait cruellement à me manquer. Des larmes d’impuissance coulèrent sur mes joues. Je le regardai d’un air implorant, le priant de cesser, de me laisser en vie. J’en étais rendue là : à supplier. Mes forces m’abandonnaient pour de bon. Je n’arrivais plus à respirer, ni à bouger. J’étais prisonnière de ses mains, incapable de me défendre. Et, impitoyable, malgré la douceur de mes yeux brillants de chagrin, la créature continuait à m’étrangler de ses puissantes mains, sans remords. Elle me regardait de façon sadique, les yeux plissés par cette envie de faire mal, d’occire la vie qui coulait dans mes veines, et d’en finir avec ce corps qui gigotait trop. Je ne me débattais plus. Mes mains, qui étaient accrochées à celles de mon agresseur, se détendirent pour retomber brusquement par terre… inertes. Mes paupières se fermèrent. J’allais rendre mon dernier souffle.

Non, souffla une petite voix dans ma tête.

 Je rouvris lentement les yeux. Cette fois, je ne suppliais pas. Je devais rester moi-même : cette Kiarah déterminée, qui obtenait ce qu’elle voulait, qui allait vivre encore et encore.

 Mon assaillant desserra un instant ses mains de ma gorge, surpris de me voir encore en vie. Puis, un sourire cruel se dessina sur ses fines lèvres. Toujours assis sur moi, d’une main, il me caressa doucement et presque tendrement la joue, comme pour me faire ressentir un dernier geste, une dernière et ultime sensation, et de l’autre, il continua à m’étouffer, inéluctablement.

Non, je ne mourrai pas de cette façon. Je refuse. Je ne le mérite pas !

  Cette volonté fit apparaître dans mes mains deux sphères jaunes. C’était donc cela, le fameux pouvoir de la pensée des humains, capacité que j’avais acquise en restant si longtemps sur Terre… Je les écrasai sans plus attendre contre le visage du Métharcasap qui se mit à hurler de douleur d’un cri horrible, déchirant les tripes. Ces créatures pouvaient donc émettre un son !

 Il s’écroula de tout son long, pour ne plus bouger.

 Je me mis à tousser, suffoquer, la gorge complètement serrée. Je sentais encore ses mains autour de mon cou. Je respirais si mal que ma vision se troublait. Je rampai vers mon agresseur, le tambourinant de mes poings. Il se réveilla, et je découvris avec horreur son affreux visage défiguré, ruisselant d’un sang bleu. Je me rendis compte que j’étais moi-même barbouillée de sang. À ma grande surprise, il me griffa le bras et se jeta sur moi. Comme par instinct, je lui donnai un coup de pied au ventre, mais il revint vers moi, plus exaspéré que jamais. Il se concentra pour me darder de son rayon mortel. Paniquée, je ne savais plus quoi faire. Je m’apprêtais à former un bouclier lorsqu’un puissant rayon turquoise sortit de mes mains, sans que je ne le commande. Le Métharcasap fut projeté à plusieurs mètres, à l’autre bout de l’arène, transpercé par mon rayon, et retomba au sol… mort.

 Je m’approchai de son corps, horrifiée. Jamais je n’avais voulu tuer cette créature, bien qu’elle venait tout juste de m’étrangler. J’eus envie de vomir. Mon dieu, qu’étais-je devenue malgré moi ? Je ne voulais pas être une arme de destruction massive !

– Excellent combat ! Je te félicite. J’ai bien cru qu’il allait finir par te tuer, mais rassure-toi, je l’aurais arrêté à temps... Tu vois, ce n’est qu’une question de persévérance… Or, cette détermination, tu l’as. Toi, s’adressa-t-il à un autre Métharcasap qui venait d’entrer, emmène-la se reposer.

 Mais je m’effondrai d’abattement avant que celui-ci n’approche. Il me porta jusqu’à la chambre, me déposa sur le lit.

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