Chapitre 66 : terreur nocturne

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 Je me réveillai soudainement en ayant la désagréable impression de n’avoir que très peu dormi.

 En effet, lorsque j’ouvris mes paupières, il faisait toujours nuit. Le feu presque éteint m’indiqua que seulement une ou deux heures s’étaient écoulées. Je vis à la faible lueur des braises rougeoyantes les visages paisibles de mes amis assoupis. Il devait être environ une heure du matin en temps terrestre. Avorian bougea, puis ouvrit les yeux. Swèèn et Orialis prirent la suite : tout le monde s’éveilla, avec une expression d’incompréhension sur le visage.

– Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je avec une pointe d’inquiétude dans ma voix.

– Je sens quelque chose…, commença Orialis.

– Nous sommes en danger, lâcha Swèèn sans préambule.

– L’Ombre ? fit Orialis d’une toute petite voix ensommeillée.

– C’est malheureusement fort possible. Préparons-nous ! Placez-vous en cercle, nous ordonna Avorian, qui, tout comme Arianna, savait toujours quoi faire en cas de complications.

 Avorian rassurait les gens de manière innée. D’un calme olympien, il donnait des ordres précis et semblait imperturbable, comme continuellement dominé par sa raison et par son sens du devoir.

 Nous exécutâmes l’injonction d’Avorian et nous mîmes dos à dos en cercle. Pendant quelques longues et interminables minutes, rien ne se produisit. Puis, une violente bourrasque surgissant de la forêt vint balayer le paysage, soulevant nos cheveux et nous obligeant à nous tenir les uns aux autres pour ne pas ployer. Les branches des arbres s’entrechoquèrent, produisant des rythmes saccadés se mêlant aux bruissements des feuilles. Au milieu de ce tourbillon apparut un être sombre. Son corps, abritant un monde de ténèbres, aride et sans vie, donnait l’impression d’inviter les voyageurs vers l’obscurité, telle une porte vers l’au-delà.

 L’Ombre s’avança, flottant dans les airs, son aura violette tournoyait autour de son corps immatériel. Ses yeux rubis reflétaient la colère. J’eus l’impression que c’était la mort elle-même qui venait nous chercher, à l’image de la faucheuse, impitoyable et dénuée d’émotions . Mes entrailles se glaçaient, la panique s’emparait de tous mes membres qui demeuraient à présent pétrifiés de peur.

 Mes amis, en cercle autour de moi, ne bougeaient pas non plus. Ils semblaient comme stupéfiés d’angoisse. Orialis gardait sa bouche entrouverte, le regard alarmé. Mon bras frôlant le sien, je sentis qu’elle tremblait.

 Swèèn bondit devant moi, face à la terrible créature, prêt à nous défendre. Il battit de ses longues ailes d’argent pour s’envoler à la hauteur de notre adversaire.

– Va-t-en. Tu n’as rien à faire ici, ce n’est pas ton territoire, exigea le Limosien d’un ton glacial.

– Ne t’interpose pas, répliqua l’Ombre d’un son grave qui semblait directement jaillir du ciel.

 Puis l’être se tourna vers moi.

– Kiarah, petite insolente ! Je pensais pouvoir me servir de toi mais je vois que tu n’as rien compris ! Tu m’as blessé, toi ! Ton pouvoir est bien trop dangereux pour rester en de si petites mains.

 Ces mots finirent de me réveiller.

– Laissez-la tranquille ! rugit Orialis.

– Certainement pas… Sa vie m’appartient, susurra l’Ombre.

– Personne n’a le droit d’affirmer une telle chose ! déclamai-je d’une voix assurée.

– Le crois-tu vraiment ? trancha l’Ombre d’un voix enjôleuse pour semer le doute en mon esprit. .

 Swèèn se mit brusquement sur ses pattes arrière pour se tenir debout. Il ouvrit sa gueule de lion, montra ses crocs. Un large rayon argenté sortit de sa bouche en direction du ténébreux personnage. Ce dernier, à la vitesse de l’éclair, dévia le faisceau en un simple mouvement de son corps impalpable. Mais au lieu de disparaître, le pouvoir du Limosien revint à la charge et percuta finalement notre adversaire. L’Ombre comprima sa masse informe un instant puis se redressa, indemne. Swèèn n’en parut pas le moins du monde décontenancé. Comment vaincre ce corps immatériel ? Nos pouvoirs semblaient passer au travers de lui et ne jamais l’atteindre, tel un fantôme !

– Vous ne pouvez pas me vaincre, continua la présomptueuse créature. Est-ce si difficile à accepter ? Kiarah, je te donne le choix : soit tu me rejoins et je t’apprends à maîtriser ton pouvoir, à l’utiliser pour une noble cause, ou bien je te détruis ! Tu ne peux pas errer ainsi sur Orfianne.

– Je vous remercie de votre proposition, dis-je d’un ton irrévérencieux, mais j’ai la chance d’avoir un maître exceptionnel qui m’apprend déjà toutes ces choses… Avorian !

 Je hurlai ce dernier mot, tel un cri d’encouragement en lançant un puissant rayon blanc. L’Ombre le détourna sans peine.

– À vous entendre, poursuivis-je, j’ai l’impression d’être un monstre aux facultés incontrôlables que certains craignent, d’autres désirent. Un danger potentiel si je reviens aux mains du mal. Une espèce de machine toute puissante qui ne sert qu’à détruire.

– Oh non Kiarah, tu n’es rien de cela…, souffla Avorian, le regard triste.

– Que me voulez-vous tous à la fin ? terminai-je, ignorant la réponse d’Avorian. Je resterai moi ! Personne ne volera mon identité, personne ne me changera ! Et vous n’en avez pas le droit ! J’ai déjà choisi ma voie, alors il est inutile de vouloir s’entêter à me faire changer d’avis. N’avez-vous donc pas encore compris qu’il fallait y renoncer ?

 Soudain, mes mains se mirent à scintiller d’une lumière dorée. Puis, mon corps tout entier s’illumina, s’entourant à présent d’une aura ambrée. Un grand silence régna, tout le monde retint son souffle en s’écartant pour m’observer. Quelques secondes plus tard, un immense rayon doré sortit de ma poitrine pour percuta l’Ombre, à la manière du pouvoir qui l’avait terrassée la veille. Celle-ci n’eut le temps de le faire disparaître ni de se défendre : je déployais là toute ma force… grâce à cette colère emmagasinée en moi, encore une fois. Je ne voulais pas basculer vers le côté sombre. Cette belle lueur émanant de moi ne signifiait-elle pas justement le contraire ?

 La sombre créature se mit à hurler d’un cri démentiel, un son qui résonna depuis les confins de la nuit. L’Ombre se volatilisa. Je venais assurément de l’affaiblir.

 Puis, la lumière regagna mon corps lentement. Peu à peu, je recouvrais mon calme. En regardant mes jambes, je découvris que je lévitai de nouveau. Mes pieds avaient réellement quittés le sol sans que je ne m’en rende compte, pendant mon attaque.

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