L'invité du solstice - Partie finale 

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Julien ne parlait plus.

Il se tenait au centre de la pièce, entouré par les chercheurs en blouse blanche, les faux villageois, les faux arbres. Tout autour de lui était décor, mensonge, machinerie mentale.

Mais en lui… quelque chose s’était éveillé.

Pas un souvenir. Pas une émotion. Quelque chose de plus ancien. Plus profond.

Il se souvenait de la toute première fois.

Pas la simulation.

La réalité.

Une salle semblable à celle-ci. Mais sans bois peint, sans mise en scène.

Du béton brut. Des câbles. Une chaise métallique.

Et lui, sanglé dedans.

Des voix :

— Nous devons effacer l’Origine.
— Il a vu trop loin dans le schéma.
— Il faut qu’il croie qu’il est le sujet. Pas l’auteur.

Puis le choc. La douleur. La lumière blanche. Le trou dans sa mémoire.

Et le glissement dans l’oubli.

Mais l’oubli avait des failles.

Quelqu’un entra. Un homme en costume noir, plus sobre que les autres. Visage sec, anguleux. Regard clinique.

- Julien. Ou devrais-je dire… Sujet Zero.
Il sortit une tablette, fit défiler des documents.
- Vous ne deviez jamais dépasser le stade 4 de l’implantation. Mais vous l’avez fait. C’est… fascinant.

Julien ne répondit pas. Il regardait sa propre main. Elle tremblait.

Le nom "Sujet Zero" résonnait étrangement dans son crâne.

Le médecin poursuivit, calme :

- Ce que vous avez vécu, ce village, ces gens… tout cela était votre invention. Nous avons simplement… recyclé vos propres constructions mentales. Vous comprenez ? Vous aviez créé ce rituel, ce cycle. Pour vous-même. Pour ne pas devenir fou.

Il s’approcha.

- Et puis, on vous a volé ça. On vous a transformé en cobaye. Ironique, non ?

Julien releva les yeux.

Un sourire se dessina lentement sur son visage.

Un sourire calme. Froid. Connu.

- Non… dit-il. Ce n’est pas vous qui m’avez volé. C’est moi qui vous ai laissés croire que vous contrôliez.

Le silence tomba sur la pièce.

Julien fit un pas en avant. Puis un autre.

Autour de lui, les écrans grésillèrent. Les lumières vibrèrent. Un à un, les masques tombèrent… vraiment. Même les visages humains semblaient flous, instables. Comme s’il regardait à travers une interface.

- Vous croyez que je suis revenu à moi ? chuchota-t-il.
Il leva lentement les bras.
- Je ne me suis jamais endormi.

Les haut-parleurs hurlèrent. Des alarmes rouges clignotèrent sur les murs. Des techniciens coururent vers les sorties, paniqués.

Mais les portes ne s’ouvraient plus.

Une voix métallique envahit la pièce.

« Cycle 1 réactivé. Niveau de conscience : total. Autorisation racine : Sujet Zero. Contrôle restitué. »

Le médecin en noir recula.

- Ce n’est pas possible… on t’avait désactivé…

Julien s’approcha de lui. Son regard n’était plus celui d’un homme. Il était devenu un puits sans fond.

- Tu n’as jamais compris, dit-il doucement.
Il pencha la tête.
- Ce village, cette forêt, les masques… ce n’étaient pas mes souvenirs.
Pause.
- C’étaient les vôtres.

Un flash. Une détonation sourde.

Et le monde s’éteignit.

Dernière image : une forêt.

Vraie, cette fois.

Au milieu, un cercle de pierres.

Assis au centre, un homme vêtu de blanc, les yeux fermés, souriant.

Julien.

Autour de lui, rien.

Rien que le vent.

Et une voix en off, calme, presque tendre :

“L’esprit ne peut être enfermé éternellement. Il construit ses propres labyrinthes. Et parfois… il devient le Minotaure.”

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