3.6 - La fin de l'eau courante.

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Métropole de Lille – 17h02 (15h02 UTC)

Ayant laissé partir leurs amis, Carinne et Bruno se retrouvèrent seuls chez eux. Les alentours de la maison étaient calmes et ils ne se sentaient pas menacés.

Bruno profita du calme relatif pour aller sonner chez le Docteur Van Der Mersch, son voisin chirurgien. La femme de celui-ci lui ouvrit, elle présentait un visage fatigué sur lequel la peur était sensible. Bruno se présenta en mettant en avant son poignet :

  • Bonjour, je suis l’un de vos voisins, excusez-moi de vous déranger, mais j’ai subi une agression ce matin et j’aimerais que le docteur puisse jeter un œil à ma blessure. Est-ce possible ?
  • Certainement, mais pour l’instant mon mari n’est pas encore rentré du CHR, je n’ai pas eu de ses nouvelles depuis qu’il y est retourné hier matin.
  • Oh, j’en suis désolé. Je suppose que vous ne savez pas quand il va rentrer.
  • Malheureusement non, j’espère qu’il ne va pas tarder car je commence à être sérieusement inquiète. Et vous voir dans cet état ne me rassure pas.
  • Je suis désolé de contribuer à augmenter votre inquiétude.
  • Vous n’y êtes, vous-même pour rien, ce sont ces circonstances très particulières qui nous affectent. Mais écoutez, laissez-moi votre adresse et dès qu’il rentrera, il viendra vous voir.
  • A parfait, merci beaucoup. Vous êtes très aimable. J’habite à trois maisons d’ici au 51. Encore merci et bonne fin de journée.
  • Bon courage à vous et soyez prudent, conclut la femme en refermant sa porte.

Trois quarts d’heure plus tard, le docteur Van Der Mersch se présenta chez Carinne et Bruno. Il semblait au bord de la rupture, mais ayant sa vocation de soignant chevillée au corps, il avait tenu à voir Bruno dès que sa femme lui avait relaté sa visite. :

  • Bonjour, je suis le chirurgien, vous devez être Bruno, ma femme m’a dit que vous aviez un gros problème au poignet.
  • Oui effectivement voyez vous-même. Mais entrez, nous serons plus à l’aise.
  • Les deux hommes se dirigèrent vers la cuisine.
  • Je vous remercie beaucoup d’être venu si vite.
  • Il n’y a pas de problème, j’ai fait serment de venir au secours de mes semblables. Donc je suis là.
  • Vous avez dû voir des choses pas très jolies ces dernières heures.
  • Effectivement, cela fait plus de vingt cinq ans que j’exerce et j’ai déjà vu beaucoup de cas difficiles, mais en ce moment on dépasse l’imaginable. Les gens arrivent de partout, qui à pied, qui à vélo, qui en charrette ou en brancard. Les services sont pleins. Nous avons beaucoup de cas de grands brulés, de gens tabassés très sévèrement, de névrotiques qui s’automutilent et j’en passe. On ne sait pas où les mettre et beaucoup succombent rapidement après leur admission. Notre morgue est pleine et nous traitons les cadavres comme nous le pouvons, vu que les services de pompes funèbres ne peuvent pas intervenir. Bref, l’hôpital est dans une très grande détresse et je ne sais pas comment cela va évoluer. Mais je ne suis pas ici pour parler de mes misères, montrez moi votre poignet.
  • Le voici voyez vous-même, dit Bruno en retirant la manche de sa chemise et en faisant apparaître son poignet et son avant-bras qui avaient pris une teinte violacée inquiétante. De plus une plaie purulente courait sur une partie de sa main.
  • Comment vous êtes vous fait cela ?
  • Nous nous sommes faits agresser en rentrant du marché ce matin par une bande qui nous a volé toutes nos provisions. Ils se sont jetés sur nous et nous ont battus à coup de barres de fer.
  • Je vois, vous vous en êtes bien tirés. J’ai vu à l’hôpital des gens salement amochés suite à une rencontre de ce genre.
  • Oui, nous aussi, nous avons même vu des cadavres sur la chaussée.
  • Bon, c’est plus spectaculaire que grave. Mais vous avez bien une double fracture. J’ai ramené ce qu’il faut, je vais vous plâtrer tout de suite.

Le chirurgien demanda de l’eau chaude et du savon et se mit à l’ouvrage.

Il avait presque fini le plâtre de Bruno lorsque Carinne entra affolée dans la pièce:

  • Nous n’avons plus d’eau au robinet. Je me faisais couler un bain pour me détendre lorsque j’ai entendu des bruits bizarres dans les canalisations. Celles-ci firent plusieurs hoquets et le débit de l’eau diminua et tourna au rouge. Peu de temps après, l’eau a complètement cessé de couler.
  • Je ne comprends pas ce qui peut se passer, répondit Bruno.
  • Si, cela me parait logique, mais cela veut dire que la situation est encore plus grave que je le pensais. Si il n’y a pas d’électricité, les pompes des circuits d’eau de ville ne peuvent pas fonctionner. Cela veut dire que les châteaux d’eau ne peuvent se remplir et donc qu’une fois vides, il n’y a plus d’eau dans les canalisations chez les clients. Cela veut surtout dire que tant que l’électricité ne sera pas rétablie, il n’y aura plus d’eau courante.
  • Mais alors cela veut dire que nous ne pourrons pas nous laver, rien nettoyer et plus boire d’eau du robinet.
  • C’est exact, répondit le médecin. Mais cela veut dire aussi que les chasses d’eau ne fonctionnent plus et que les déjections ne seront plus évacuées. Donc rapidement, les maladies et les épidémies vont se propager. La situation est vraiment extrêmement grave. Le seul conseil que je puisse vous donner et de quitter la ville et si vous avez de la famille ou des amis en campagne, de les rejoindre. La vie ne sera pas facile là-bas, mais ce sera surement moins terrible qu’ici.
  • Merci docteur pour ces conseils, dit Carinne. Nous avons des amis qui nous ont proposé de les rejoindre dans une ferme de famille au pied de Cassel, nous allons faire cela. Mais Bruno ne pourra pas y aller en vélo. Nous devrons faire la cinquantaine de kilomètres à pied.
  • Oui, je ne vois pas d’autre solution. Si vous avez un peu l’habitude de marcher, en deux jours vous y êtes.
  • Très bien, mais vous-même docteur qu’allez-vous faire ?
  • Je suis médecin et plus que jamais on va avoir besoin de moi ici. Je vais donc rester. Mais je vais envoyer ma famille en campagne. Nous avons une maison vers la frontière, ils vont s’y réfugier le temps qu’il faudra.
  • Encore merci docteur, dit le couple. Nous nous souviendrons de vous et espérons vous revoir lorsque tout ceci sera terminé.
  • Espérons. Au revoir et bonne chance.

Le docteur parti, le couple prépara des sacs à dos dans lequel ils entassèrent de quoi tenir pendant trois jours et prirent la direction de Cassel par les chemins de traverse.

Comme l’avait deviné le docteur, la situation en ville empira rapidement …

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P.K. 30 mars 2024

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