3 - Après l'accident

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Bill ne sentait plus sa jambe droite. Tout était noir autour de lui jusqu’à ce qu’il ne décide d’ouvrir les yeux pour constater l’horreur par lui-même. La voiture avait été tordue en deux. Mais le pire venait de l’odeur de sang qui ruisselait vers lui. Assis à l’arrière du cabriolet tordu, il suivit avec ses yeux les traces de l’origine de la coulée de sang avant de comprendre. La tête de sa mère avait disparu dans un rideau de flammes et son corps s’agitait comme pris de spasme. Le petit garçon, du haut de ses 7 ans, voyait pour la première fois un cadavre s’agiter avec désordre. Il se tétanisa, incapable de bouger tandis que la fumée prenait du terrain.

Il se toucha le front et remarqua qu’il saignait aussi. Seulement, il vit une blessure beaucoup plus grave sur son pied droit. Un trou béant qu’un bout de vitre avait empalé.

— Qu’est-ce que t’attends ? fit une faible voix.

Bill ne pouvait bouger. Ses yeux étant étourdis par toute cette chaleur.

— Fiche le camp... t’es un imbécile ou quoi ?

La voix essayait tant bien que mal de se faire le plus audible possible dans tout ce crépitement de flammes.

Bill lança son regard en direction du siège conducteur et put constater avec épouvante que ce dernier avait été aussi tordu aux alentours de trente ou quarante degrés. Son père, collé à lui, l’avait été aussi. Son corps sectionnés en deux. Mais le plus dur à regarder était son visage enfoncé dans un volant mâchouillé. Une sortie de liquide opaque dégoulina de ce qui restait de sa bouche.

Le visage tourné vers lui, le suppliant du regard :

— Bouge de là, fiston.

Bill ne pouvait pas l’entendre. Ces oreilles étant bouchées par les crépitements des flammes, sa vue étant détériorée par la chaleur environnante.

La tête de son père, qu’un bout de verre épais avait traversé par une joue, gesticulait avec démence. Un spectacle aussi horrible que possible pour lui. Il ne parlait pas. Ce n’était pas une bouche. C’était deux muscles qui pendaient l’un à l’autre à l’aide un tendon fragile.

— Fiche le camp. Si t’as la moindre égratignure, je t’en rajoute.

Soudain quelque chose tomba sur sa tête. C’était le morceau d’une radio. Et elle jouait une chanson dont ses parents raffolaient quand ils faisaient l’amour. Néanmoins là, elle répétait sans cesse : « On va tous en enfer. ». Son écran lui affichait comme deux yeux, pendant que le lecteur ressemblait à un sourire. Puis d’un coup, la chanson s’arrêta avant de relancer une dernière fois : « Les gens mourront si tu ne viens pas à moi. ».

La radio s’écrasa contre la moquette ensanglantée.

En levant son regard à nouveau vers son père, ce dernier avait déjà rendu l’âme dans un hideux sourire. Il pouvait voir la vitre à l’intérieur. Et le corps de sa mère avait cessé de s’agiter.

— Il y a un enfant à l’intérieur ! crut-il entendre.

L’instant d’après, une petite bouffée d’air le surprit par la droite, une de portière venait de souffrir. Mais son regard ne changea pas de direction. Il ne pouvait détacher son regard de deux cadavres.

— Blessure grave ! Pieds droits presque perforés.

— Bilan ?

— Deux morts, un blessé.

Bill sentit deux mains le saisir par les aisselles, mais il ne réagit pas. Dans un état catatonique, son regard ne lâchait pas ses parents de vues. Mais arrivée à quelques mètres de la voiture, cette dernière explosa dans un nuage de flamme et de fumée. Il n’eut même pas le temps de remarquer d’autres épaves qui composaient la collection de ces montagnes.

Des minutes passèrent, et Bill se trouva dans un véhicule d’urgence, en compagnie de deux ambulanciers ainsi que d’Andy. Ce dernier se faisant mesurer la tension.

— Je vous dis que je vais bien, se plaignait-il.

— Oui, mais vos collègues ont insisté pour qu’on vous fasse un examen complet.

— Vous n’avez jamais saigné d’un œil, vous ?

— Papa, fit Bill d’une voix affaiblie. Maman...

Andy Kowen fut le premier à remarquer son réveil.

Ce dernier, de son côté, jeta un coup d’œil à son pied, et y vit du bandage.

— Tu as eu beaucoup de chance, lui fit remarquer l’un des ambulanciers. Ton pied pourra s’en remettre, même si ça demandera beaucoup de temps.

Andy Kowen s’approcha du gamin et croisa ses bras.

— Je me demande ce qu’on va pouvoir faire de toi ? Après tout, tu es le fils d’un des couples le plus célèbre du Kanton.

La première pensée qui lui vint sur le moment fut la quête d’une famille d’accueil ou au pire, d’un orphelinat. Mais il avait connaissance que ce ne serait pas aussi simple. Tout d’abord les lois du pays. Bill n’était pas un enfant ordinaire. Il était le fils d’un ex-couple de criminelles dangereux. De deux : le cas Gor Namm. Il se souvenait encore de ce cas d’il y plus de quinze ans. Tout le Kanton s’en souvenait toujours : l’enfant d’un couple de criminelles décédé - comme Bill - avait été envoyé dans un foyer d’accueil, avec toutes les formalités qui s’y referaient. Encore comme Bill, il avoisinait les huit ans. Cependant, à peine un mois s’était écroulé que le petit garçon, surnommé Gor Namm plus tard, allait massacrer avec sauvagerie toute la famille. Les meurtres n’étaient pas que sanglants, ils étaient affreux. Il avait commencé par taillader le talon du père à l’aide d’un couteau de table, puis l’égorgea après. Pour la mère, il lui broya le crâne avec un marteau de chantier. Et le plus abominable, d’après le rapport de la police médicale, il utilisa un mini-marteau piqueur pour sodomiser son petit frère avant de l’achever avec une scie dans la gorge.

Tout cela s’était déroulé au Kanton. On ne savait comment il avait réussi à s'échapper, mais il avait réussi à s’échapper.

Cinq ans plus tard, des séries de meurtres avaient commencé à faire parler d’elle dans l’ouest du pays, Cruh compris. De jeunes adolescents se faisaient tuer le jour de leur anniversaire. En tout, cette année-là, douze morts en raison d’un mort par mois. Gor Namm avait frappé. Mais il disparut à nouveau pendant cinq ans, avant de revenir encore à nouveau. Puis finalement, il ne laissa plus aucun signe de vie. Au total, on lui compta près de 28 meurtres en tout, même si les résultats n’étaient pas aussi fidèles à cette époque.

Andy se souvenait aussi de l’inspecteur Randalph Brollin, avec qu’il avait dû faire équipe pour traquer ce meurtrier. Mais ce dernier, durant le processus, n’avait pas tenu le rythme.

C’était un démon. Un monstre déguisé en gamin. Comment un gamin de huit ans pouvait-il commettre un meurtre ? Qui plus est, d’une telle brutalité ? Enfin, comment un jeunot de moins de vingt ans réussissait à échapper aux mains de police ? Non. Au fond de lui, il pensait qu’il y avait quelque chose de surnaturel. Randalph Brollin partageait son avis. Ce Gor Namm n’avait jamais été attrapé et jusqu’à maintenant, beaucoup redoutaient son arrivée. De ce fait, Kowen savait que l’idée de trouver une famille d’accueil à Bill serait pleine d’obstacles, voire impossible.

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