10 - Tension en famille

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Le dîner de famille laissait émaner une atmosphère tendue, voire hostile. Ça dépendrait du point de vue. On ne pouvait qu’entendre le bruit de cuillères qui claquait et raclait contre les assiettes en porcelaines, pendant qu’un croissant de lune se dessinait dans le ciel.

Andréa et Logan, assis à l’opposé chacun de la table, essayaient tant bien que mal de digérer cette nouvelle situation tandis que Harry mangeait sans appétit son plat. L’anxiété le tiraillait, l’empêchant de penser à la juteuse viande qui se tenait devant lui, à côté d’un riz mariné à la sauce arachide. Non. Il pouvait détecter la tension s’alourdir entre ses parents : Sa mère ne levait pas la tête de tout le repas, ramenant sans cesse des mèches rebelles vers l’arrière, signe d’angoisse. Au contraire, Logan dévorait son plat sans la lâcher des yeux, la fusillant du regard avec une envie de meurtre.

Harry n’avait pas besoin de voir à travers la rousse chevelure de sa mère pour comprendre qu’elle devait se tenir à carreau.

Tout ça, c’est sa faute. On n’a rien demandé, nous.

En ce moment, ce qu’il voulait maintenant, c’était se lever de la table, aller dans la chambre où ce bâtard dormait et l’asperger d’eau chaude. Mais s’il faisait cela, qu’adviendrait-il de sa mère en entendant ? Non. C’était trop risqué. Il devait patienter. Attendre que chacun termine son plat, ainsi maman se lèverait et prendrait toutes les assiettes pour les laver.

Il lança un coup d’œil discret au repas de son père et constata avec frayeur qu’il n’avait quasi rien touché de son plat. Son cœur se mit à battre à l’heure. Ça ne voulait dire qu’une chose : il n’était pas de bonne humeur.

La lumière de dehors zébra la pièce pendant un court instant. Instant durant lequel Harry crut entendre les battements de son propre cœur. Non. C’étaient ses tympans ? Non. Pourquoi tout était silencieux ?

Il épia le repas de sa mère. C’était à moitié terminé. Elle s’appuyait à l’aide de son front sur sa main gauche, faisant tout pour ne pas croiser son regard lorsque tout à coup, Logan frappa avec violence la table. Les assiettes sautèrent, provoquant un bruit de verre, tenant en compagnie à celui de la table vibrante.

À ce geste, Andréa sursauta de frayeur et poussa un cri étonné, frôlant presque la culbute de sa chaise. Harry remarqua avec un mélange de peur et de fureur son regard croiser enfin celui de son père. Elle était terrifiée et tremblait de partout. Il essaya d’approcher sa main vers elle, mais il sentit des vibrations incontrôlées de sa part.

— Calme-toi, chérie, lui dit Logan en souriant. Je ne vois pas ce qui te fait peur. N’est-ce pas ? Harry ?

— Oui, papa, acquiesça ce dernier.

— Il est où notre invité ? C’est maintenant un membre de la famille, non ? Pas vrai ?

Aucune réponse.

— PAS VRAI ? tonna-t-il en frappant avec plus de force la table.

Cette fois, le pot de fleurs sur la table tomba sur le sol et se fracassa en plusieurs morceaux.

— Chéri, sanglota Andréa. Tu as accepté, tu t’en rappelles ?

Elle bougeait ses mains dans tous les sens comme une gosse de cinq ans cherchant à se justifier de tout et de rien.

Maman, arrête. Ce type ne mérite pas que tu ne réagisses pas.

Harry ressentit de la colère envers sa mère, mais cette dernière était trop occupée à supplier son mari du regard.

— Je sais, répondit Logan en posant son assiette contre le bord de la table.

La seconde d’après, elle se fracassa à son tour contre le sol, le repas entier s’éparpilla.

— Elle était trop à point, ta viande, fit-il remarquer en se levant.

Il prit ensuite la direction des escaliers. La chambre.

— Tu as une heure, pas plus.

Ma mère partit à la cuisine. Elle en revint avec un balai et une pelle en plastique.

— Je vais t’aider, lui proposa Harry en s’agenouillant devant le plat tombé au sol.

— Ça va, Harry. Tu n’as pas à faire semblant de t’inquiéter pour moi.

— Maman... lui chuchota-t-il, pourquoi tu acceptes ça ?

En réponse, elle passa le balai sur le reste de pots de fleurs et le ramassa avec la pelle. Elle en fit de même avec le reste de l’assiette en porcelaine qui avait servi de réceptacle à la nourriture de son mari.

Harry partit à son tour dans la cuisine et en sortit avec de la serpillière pour nettoyer les résidus.

— Tu es un ange, lui dit-elle après avoir fini. Je t’aime, tu sais ça ?

Après cela, Harry s’en alla ranger le ballet, la serpillière et la pelle dans la cuisine. Il attendit qu’elle monte dans sa chambre avant de se décider à se rendre dans la chambre d’amis. Fracassant alors la porte avec brutalité, il fit sursauter Bill : ce dernier dormait.

— Tu vois ce que tu as cherché ? chuchota-t-il de telle sorte à lui montrer que s’il pouvait crier, il le ferait.

Bill dormait sur un matelas sans lits. Au-dessus de lui, une fenêtre par delà laquelle il pouvait apercevoir la cour de la parcelle. Ainsi que les buissons du voisinage. La pièce était vide, excepté la présence de sa valise.

Sous la colère, Harry renversa la valise devant lui. Toutefois, à sa grande surprise, ce dernier se redressa et s’adossa contre le mur, le fixant d’un air qui voulait dire : « Si tu finis, tu peux sortir ? J’ai envie de dormir. ». Harry craqua, dans la noirceur de la nuit, Bill put voir ses veines qui dansaient sous son front.

L’adolescent ouvrit avec brutalité la valise et se mit à lui balancer de toutes ses forces les habits. Bill ressentit de plein fouet les habits lourds contre son visage. Il tenta de se protéger à l’aide de ses mains, mais Harry ne lui laissa pas le temps.

— Fiche le camp, bâtard, ragea-t-il.

Harry n’arrivait pas à en croire ses yeux. Aucune larme. Et pourtant, il les lui balançait de toutes ses forces, à tel enseigne qu’il ressentit à son tour un blocage à l’épaule. Grimaçant alors sous la douleur, il sortit et claqua avec force la porte.

Profitant de son départ, Bill éloigna les vêtements de son lit, et se rendormit comme si de rien n’était. Il avait déjà l’habitude d’avoir de traitements similaires avec son père. Bien que ce dernier le fît dans l’optique de le former. Pas celui-ci.

Je veux qu’il meure.

Il tira la couverture.

Bien sûr qu’il mourra, Bill. Il mourra, crois-moi.

Harry remontait les marches de l’escalier. En passant devant la chambre de ses parents, il entendit une série de grincements stridents de leur lit. Il ne tarda pas à comprendre qu’ils étaient en plein acte. Ou plutôt qu’il la baisait. Avec une telle sauvagerie que ce bruit de crissement lui grinçait les oreilles. Il entendait sa mère haleter à peine pendant que son père martelait sans cesse. Une envie le prit sur le coup.

Et si je prenais un couteau et j’en profitais pour le lui enfoncer bien dans le dos ?

Il se ravisa.

Il entra dans sa chambre et essaya de dormir. Cependant, durant les vingt premières minutes, il n’y arriva pas. Le bruit de la chambre voisine était insupportable. Il entendit même les vices craquer ; la seconde d’après le lit perdait ses jambes et s’écrasait. Mais même après ça, il entendait toujours son père continuer de marteler.

Sa mère avait toujours été une femme douce. Ces genres de relations, il ne pouvait imaginer cela que comme une torture.

Au bout de la vingtaine de minutes, cela cessa par le gémissement final de monsieur Kharl.

Il entendit ensuite la portière s’ouvrir. Alors, pris dans une sorte de curiosité morbide, il ouvrit sa chambre. Il avait besoin de voir ça de ses propres yeux. Il aperçut sa mère qui se dirigeait vers les toilettes. Elle boitait avec difficulté. Derrière sa robe de chambre, Harry la vit descendre avec lenteur.

Je finirai par le tuer. Je le jure.

Il referma la porte de sa chambre.

Il mourra de mes mains.

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