Chapitre VII : Marche nocturne

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Voilà trois jours que les deux compagnons de route étaient arrivés. Ils avaient fait escale dans une petite auberge en périphérie de la ville. La devanture faisait délabrer mais l’intérieur était neuf et bien entretenu. De plus, un bordel se trouvait non loin ce qui généré beaucoup de passage. La chambre qu’ils avaient prit n’étaient pas très grande, tout juste assez pour tout les deux. L’argent manquait, Yuki ne voulaient pas le gaspiller en prenant une chambre séparée. L’intérieur de celle-ci faisait très sobre : deux futons posés sur le sol, un feu qu’ils se devaient d’entretenir au moins la nuit et quelques endroits pour pouvoir ranger leurs affaires. L'adolescente se trouvait toute seule dans la chambre, elle regardait par la fenêtre le château d’Asakawa, siège de Sakura du clan Mitsu. En arrivant dans la ville, les deux voyageurs avaient directement fait escale au bastion mais les gardes leur ont refusés l’entrée. Le lendemain, ils ont tenté de regarder s’il n’y avait pas un trou dans la défense du château afin de pouvoir y pénétrer. Mais celui-ci a été justement créé pour résister à de longs sièges. Il se trouvait en haut d’une colline, surplombant toute la cité et l’on pouvait surveiller les alentours sans problème depuis les nombreuses tours de gardes qui ne manquaient pas d’omettre un angle mort. Le deuxième jour, ils avaient visité la ville : elle se trouvait être extrêmement petite pour une capitale. En cherchant des renseignements auprès des habitants locaux, ceux-ci leurs ont appris que c’était tout simplement la guerre et la peur de se faire attaquer qui a fait fuir les gens. De nombreuses maisons ont alors étaient détruites, afin de gagner en espace. Le troisième jour, ils étaient restés dans leur chambre, cherchant un moyen de parvenir jusqu’à Sakura. Yuki réfléchissait à un moyen d’entrer sans se faire repérer lorsque Fubuki entra en force, n’étant pas loin de fracasser la porte, avec deux prostituées à chaque bras :


— Je suis rentré ! s’écria-t-il à moitié saoul.

— Mais… Qu’est-ce que c’est que ça ?! s’énerva Yuki.

— Bin… Ce sont des…

— Je sais qui elles sont, coupa l’adolescente. Mais tu vas les payer avec quoi ? Tu n’as même pas d’argent ! On a d’autres préoccupations !

— Je les ai déjà… Déjà… Déjà payé, bredouilla-t-il.

— Comment ?

— Avec ton argent pardi, rigola l’homme.

— Ah ! Je vais te tuer ! hurla la jeune fille.

— Si vous voulez que l’on s’en aille… demanda l'une des prostituées.

— Non, c’est bon ! C’est moi qui m’en vais ! cria-t-elle en refermant la porte violemment.


Une fois dans la rue, la jeune femme marcha longuement, ne sachant pas où aller. Les rues étaient animées et plusieurs marchands demeuraient ouvert malgré que la nuit soit déjà bien entamée. Plusieurs lanternes accrochées aux bâtiments traversées les rues, l’éclairant de plusieurs couleurs. On pouvait entendre des rires et des cris à plusieurs endroits, sûrement là où se situés les tavernes. Yuki continua, suivant les odeurs de pains et autres bonnes chose, la faim commençant à se faire sentir. Au détour d’une ruelle, elle se trouva dans un lieu qui n’avait plus rien à voir : Plus de lumières ni de chants. Elle continua néanmoins, espérant trouver un boulanger afin d’acheter ne serait-ce qu’un bout de pain de la veille. La rue semblait de plus en plus étroite, et les bruits se faisaient désormais loin. Alors que l’hésitation l’a gagné, un homme encapuchonné arriva devant elle :


— Bonsoir, jeune fille… dit-il en souriant. Que fais-tu ici toute seule ?

— Je… Je crois que je me suis perdue. Je devrais peut-être faire demi-tour, répondit Yuki en se retournant.

Deux autres hommes arrivèrent et l’empêchèrent d’avancer :

— Ne sois pas si pressée, voyons… Nous avons rarement aussi bonne compagnie. Que dirais-tu de te joindre à nous ?

— Pour… Faire quoi ?

— Tu sais… Des trucs d’adultes… Quel âge as-tu ?

— Ça ne m’intéresse vraiment pas et je devrai…

Un des hommes l’empêcha de finir sa phrase et la prit par le bras. Un deuxième commença à la déshabillée mais la jeune fille le frappa au niveau de l’entre-jambe :

— C’est qu’elle ne se laisse pas faire, la petite ! rigola le troisième. Laisse-moi m'en occuper !


Il frappa l’adolescente au visage et arracha ses vêtements. Alors qu’il enlevait son pantalon, Yuki se baissa pour attraper la manche de son kimono et elle en sortit son kaiken. Profitant que l’un d’eux soit à terre et que le deuxième soit occupé à se dévêtir, elle poignarda le troisième qui la tenait au niveau de la jambe. Celui-ci hurla et lâcha la jeune fille qui commença à courir loin d’eux. Un quatrième homme se mit sur son chemin et la frappa, ce qui la fit tomber. L’inconnu attrapa l’arme et alors qui se tournait vers elle, une ombre le frappa en plein cœur. La jeune fille regarda méduser la scène, et, l’ombre continua d’avancer, tuant les trois hommes d’une facilité déconcertante avant de se retourner vers Yuki :


— Vous allez bien, mademoiselle ?

— Je… Euh… bégaya-t-elle.

— Excusez-moi, continua la voix. Je me présente, je m’appelle Arthur.


L’homme enleva son masque et la jeune fille découvrit un homme qui devait avoir la trentaine, de taille moyenne, les cheveux noirs et le visage imberbe. Ses yeux verts ressortaient et réfléchissait le peu de lumière qu’il y avait. Sa corpulence svelte et son visage arrondi à la mine sympathique le rendrait presque inoffensif, si elle n’avait pas vu ce qu’il avait fait juste avant. Il s’avança vers l’adolescente et lui tendit sa main :


— Venez, il faut que l’on vous trouve de quoi vous habiller où vous allez attraper froid. Même si les journées sont chaudes, il ne vaut mieux pas sous-estimer les nuits de ces contrées.

— Qui… Qui êtes-vous ?

— Ne vous l’ai-je pas dit ? Je me nomme Arthur.

— Non… Pas ça. Qui êtes-vous réellement ? Vous avez tué ces hommes si facilement… J’ai cru voir une ombre et l’instant d’après, ils n’étaient plus là.

— Lorsqu’on est attaqué, nous avons tendance à confondre la réalité avec le surnaturel. Tout ceci est normal, vous avez simplement dû avoir du mal à percevoir la réalité. Mais, je peux vous garantir que je ne me suis pas transformé en ombre… Bien que cela puisse me plaire ! rigola Arthur.

Yuki dévisageait son sauveur, totalement déboussolée. Il prit les habits d’un des hommes et les donna à la jeune femme pour qu’elle puisse avoir chaud, au moins le temps de lui trouver quelque chose de plus confortable. Après être revenus dans un quartier animé, ils s’installèrent dans une taverne où plein d’hommes et de femmes buvaient et chantaient. Les serveuses faisaient du charme au voyageur afin qu’ils puissent leur donner de plus gros pourboires et le tavernier engueulait et virait ceux qui refusait de payer ou qui étaient trop saoul. Une odeur de boisson, de vomi et de tarte aux pommes embaumait l’air, donnant un mélange particulier :

— Veux-tu commander quelque chose ? demanda Arthur.

— Non merci… Après ce que je viens de vivre, je n’ai plus vraiment faim.

— Prends au moins un truc à boire, c’est moi qui te l’offre.


Une serveuse arriva, tant bien que mal étant donné que plusieurs hommes tentaient de l’attraper au passage, et prit leur commande. Une fois repartit, le protecteur reprit la parole :


— Que viens-tu faire ici ?

— Je… Je voudrais me venger de quelqu’un. Je sais qu’il est ici mais je ne sais pas vraiment qui s’est, ni comment l’approcher.

— Hum… Voilà qui me semble bien compliqué.

— Oui… Je sais où il se trouve mais je ne sais pas comment infiltrer les lieux.

— C’est un endroit bien défendu ?

— Oui. Et quoique je fasse, si je suis prise…

— Ils vont te tuer ?

— C’est ça, acquiesça la jeune femme.

— Laisse-moi te raconter une histoire, tu veux. Les gens de Miranishi ne croient qu’au Seikatsu, si je me souviens bien, les quatre premiers dieux…

— Arc, Nar, Sun et Luz, c’est ça. Ensemble, ils forment les Seikatsu, la « vie ».

— Eh bien, sur le continent, les gens vénèrent aussi les autres dieux, Farmin, Nanna, Spero, Diémis….

— Je sais. Du moins, j’en ai entendu parler. Mais nous n’y croyons pas car tous ces dieux sont le fruit d’inceste et ont tous couchés ensembles. Ou du moins, nous refusons de les vénérer s’ils existent.

— Eh bien… Figures-toi qu’ils existent. Laisse-moi te parler de Gurín, un nain qui faisait partit des plus perfides et des plus avides d’entre eux. Un jour, il demanda à Corès, le dieu des marchands, de lui octroyer un moyen de devenir très riche. Corès, amusé, lui donna le pouvoir de changer ses excréments en or. Il imposa néanmoins la condition que pour pouvoir le faire, il devait en manger et cela ne pouvait être sa propre merde. Gurín accepta et en avala tellement qu'il finit par ne se nourrir essentiellement de merde. Par la suite, il chiait tellement d’or qu’il devait être le nain, et peut-être même l’être vivant, le plus riche de tout Fallorn !

— Et comment a-t-il fini ?

— Séléphys, dieu de l’éloquence du mensonge et de la ruse, l’a tué. Il a récupéré tout l’argent et s’est amusé à le donner à des gens au hasard dans tout le continent. C’est pour ça que certains sont tellement riche, qu’on dit qu’ils chient de l’or.

— C’est… intéressant. Mais quel est le rapport avec moi ?

— Aucun, mais j’aime bien cette histoire. Elle me rappelle, que les dieux ont un sens de l’humour particulier. J’ai une histoire plus… Passionnante si tu veux.

— Je ne suis pas sûre de vouloir l’entendre.

— Alors laisse-moi te la conter, continua Arthur sans écouter la réponse de Yuki.

— Voilà vos boissons ! coupa la serveuse en souriant.

— Merci, répondit l’homme en souriant. Bon, reprit-il, Connais-tu Sola ?

— De nom… Je ne me suis jamais trop penché sur les seconds dieux… Mon frère, lui, les connaissait tous…

— Sola est la déesse de la médecine. Elle aime tous les êtres vivants, qu’ils soient bons ou mauvais. Une légende veut que les pluies qui précèdent les batailles sont ses larmes…Un jour, après avoir vu une énième bataille, elle décida de créer une maladie rendant immortel tous ceux qui la contracte. Une fois fait, elle demanda à Nanna, aussi appelé Mère des Dieux, de la transformer en vieille femme afin qu’elle puisse parcourir tout Fallorn et répandre la maladie qui fut ensuite connu sous le nom de « maladie du Lyn ». Malheureusement pour elle, Farmin la découverte alors qu’il rentrait d’une chasse au géant et l’a tout de suite arrêté.

— Elle a réussi à transmettre la maladie ?

— À quelques personnes oui.

— Si seulement mon frère avait pu l’avoir…

— Ne dit pas ça. Avoir une telle maladie n’est pas seulement une bénédiction.

— Pourquoi ? Vivre éternellement, c’est le rêve de beaucoup de monde je pense…

— Crois-tu que regarder ta femme ou ton mari mourir, tes enfants et petits enfants ainsi que toute ta descendance mourir les uns après les autres soit une bénédiction ?

— Je n’avais pas vu ça sous cet angle…

— Il y a aussi des avantages, c’est sûr, mais valent-ils le coup ?


Yuki se contenta d’hausser les épaules en regardant sa boisson. Elle regarda autours d’elle le brouha ambiant et tous ces gens qui faisait la fête alors qu’elle, se sentait désormais exclu. Peut-être après avoir tué ceux qui ont pris la vie de son frère… ? Mais est-ce qu’il y aura-t-il un après ? Elle n’y avait jamais vraiment réfléchi. Vivant au jour le jour, sans savoir ce que le lendemain lui réserve. Désormais, elle avait un espoir avec Fubuki mais leur ennemie est bien plus forte qu’eux. Elle leva les yeux vers Arthur, se demandant si elle devait lui en parler. Il remarqua son hésitation et lui fit un sourire, puis prit la parole :


— Tu veux me demander quelque chose peut-être ?

— Je… Euh… Non… Rien, bredouilla-t-elle.

— Bon… Eh bien moi, je vais y aller il se fait tard, dit-il en se levant. Tu sauras retrouver ton chemin vers ton auberge ?

— Oui, je crois que ça va aller…

— Ah, une dernière chose : pour ton histoire d’infiltration… J’ai connu un homme qui voulait tuer un seigneur une fois, mais celui-ci était intouchable. Tu sais ce qu’il a fait ?

— Non ?

— Il s’est déguisé en servant. Il est resté à son service plusieurs mois et lorsque son nouveau « maître » lui faisait entièrement confiance… Il l’a simplement fait boire puis il l’a jeté du haut de son balcon. Personne n’a osé l’accuser, lui qui était si proche de son maître… Il a attendu quelques jours puis il a disparu. Peut-être qu’une approche en force n’est pas toujours la meilleure solution… Je te souhaite bonne nuit jeune fille, peut-être nous reverront nous un jour ?


Sur ces mots, l’homme s’en alla, laissant une pièce d’or en pourboire. Yuki resta là, assise encore pendant plus d’une heure avant de retourner à l’auberge.

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