Quatre coups
Un, deux, trois, quatre coups. Les cloches de l’église sonnèrent, marquant la quatrième heure de la nuit. L’écho résonna à travers la ville pendant plusieurs secondes avant de s’estomper, engloutis par la nuit comme si le bruit n’avait jamais existé. C’était ainsi et rien n’aurait pu ébranler le calme et la quiétude de la ville endormie.
Je levai le nez vers ce qu’on appelait ciel, respirant profondément l’air pur. Il avait plu moins d’une heure avant et l’odeur du goudron humide emplissait avec délice mes narines. J’aimais cette odeur plus que tout et, avec la saison des pluies, c’était l’une des principales raisons me poussant à effectuer mes promenades nocturnes. Je commençai à marcher, éprouvant la sensation du trottoir mouillé sur mes pieds nus.
Un, deux, trois, un pas à gauche. J’évitai avec habileté le poteau que je m’étais pris tant de fois avant, que ce soit de jour ou de nuit. Du bout des doigts, j’en effleurai la surface lisse en passant à côté, comme une excuse de l’avoir autant maltraité sans le vouloir. Au loin, j’entendais le boum boum incessant d’une boîte de nuit battant encore son plein. M’immobilisant, je fermai les yeux quelques instants, bien que ça ne me soit d’aucune utilité, et concentrai mon audition sur le monde environnant. Je pris une grande inspiration avant de reprendre mon chemin. J’étais totalement seule, déambulant à travers la ville comme un fantôme. D’ailleurs, de ce qu’on m’en disait, j’en avais presque l’allure. Fine, élancée et avec le teint très blanc, toujours à l’écart des autres.
Je tournai à droite, prenant une ruelle dont j’avais l’habitude. La main sur le mur pour me guider, je m’avançai dans celle-ci avant de buter contre un obstacle, manquant de tomber au sol. Heureusement, une main attrapa mon bras avant que je ne touche le sol et m’aida à me redresser.
- Et, encore une fois, la magnifique Alix se fait sauver par son fidèle chevalier servant ! dit une voix dans mon dos alors qu’un bras s’enroulait autour de mon ventre, m’attirant contre un torse musclé.
Un sourire s’échappa de mes lèvres alors que je renversais la tête en arrière.
- Comme si j’avais réellement besoin de ton aide. lançai-je. Je suis sûre que tu trouves toujours une excuse pour me faire passer pour une faible, n’est-ce pas Ian ?
Je m’écartai et me retournai pour être à peu près face à lui. Mes sourcils se froncèrent alors que je ne me rappelai pas l’avoir entendu arriver, ce qui m’étonnai beaucoup étant donné mon excellente audition. Néanmoins, je ne lui fis pas la remarque. Lui ne répondit pas à ma question mais j’entendis très clairement son sourire.
- Qu’est-ce que tu fais debout si tôt petit ange ?
Je poussai un bref soupir et tendis le bras devant moi dans l’espoir de l’atteindre avec mon poing, ce que je réussi. Il expulsa l’air de ses poumons au moment du « choc » faisant semblant d’avoir mal.
- Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça ! Et… je n’arrivai pas à dormir.
Je baissai légèrement la tête, ramenant mon bras contre mon corps. Sa main vint alors se caler sur le dessus de ma tête en une caresse compatissante. Je le sentis plus près de moi alors que son odeur éclipsait toutes les autres. En fait, c’était lui que j’étais venue chercher, et trouver par la même occasion. Il n’y avait qu’avec lui que je ne me sentais pas différente des autres. Mais jamais je n’aurai osé le lui dire en face.
- Tu aurais dû m’envoyer un message au lieu de risquer de te perdre.
Je haussai les épaules et balayai sa main de la mienne avant de faire demi-tour pour continuer mon chemin. Je l’entendis pousser un très léger soupir avant de me rattraper en seulement quelques enjambées.
- Je crois que tu ne te rends pas comptes des risques que tu prends juste en sortant dehors, en pleine nuit qui plus est. commença-t-il à me sermonner. Dis-moi que tu as au moins pris ton portable ! ajouta-t-il en s’emparant à nouveau de mon bras, m’arrêtant dans mon mouvement, lorsqu’il comprit que je ne lui répondrais pas.
- Et moi je crois que tu ne te rends pas compte à quel point c’est oppressant d’être couvé par tout le monde, en permanence ! dis-je en me retournant vers lui, manquant de peu de le crier.
Le ras-le-bol que je ressentais depuis un moment ressurgit d’un coup, faisant perler les larmes aux coins de mes yeux. C’est alors que, d’un coup, Ian fut tout autour de moi, m’étreignant sans possibilité d’échappatoire. Je me laissai aller contre lui et la colère retomba aussi vite qu’elle était apparue. L’air se réchauffa sensiblement tandis que je passai moi aussi mes bras autour de lui. Nous ne dîmes rien pendant quelques minutes, nous contentant de rester ainsi, sans bouger. Puis, je rompis le silence et levai mes yeux complètement vitreux vers lui.
- Dis… Tu veux bien me décrire à nouveau le ciel, s’il te plaît ?
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Bonjour à toutes et à tous ! Je profite d'un élan d'inspiration pour vous poster ce texte. J'aime bien me donner des défis d'écriture de temps en temps et, cette fois, j'ai voulu essayer d'écrire une petite scène du point de vue d'une personne complètement aveugle sans le dire ouvertement.
Après quelques retours plutôt positif sur ce texte, je pense que je peux dire que le défis à été relevé avec succès, mais j'ai quand même besoin de votre avis.
L'est-il pour vous ? Quels seraient les points à améliorer d'après vous ? J'attend vos retours avec impatience (et n'hésitez pas à corriger les fautes si vous en voyez !)
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