- … Non mais sérieux, vous avez vu la tête qu’il a fait ? Dit Danielle en éclatant de rire, marchant à reculons devant nous. Ses longs cheveux noirs volèrent dans notre direction et ajoutèrent une touche de beauté à notre hilarité.

 Alors que nous continuions à rire et à discuter, nous dirigeant vers notre bar favoris, je faillis trébucher sur mon lacet défait. Je ris un peu plus fort puis m’accroupis pour le refaire en lançant aux autres :

 - Partez devant, je vous rejoindrais quand j’aurai fini de me battre avec mes chaussures.

 Elles hochèrent de la tête et repartirent en continuant de parler et de rire, me laissant momentanément seule. Je les regardai un peu s’éloigner avant d’observer brièvement le ciel. A cette heure-ci, il se teintait de orange et de rose, embrasant les quelques nuages éparses comme de la barbe à papa coloré. Je descendis mon regard vers la chaussure traîtresse et m’activai à renouer les lacets entre eux. Mes pensées dérivèrent vers la magnifique soirée que j’allais passer avec les filles et mon cœur se gonfla d’un amour sincère envers elles.

 Lorsque je me redressai, je m’aperçus qu’elles étaient déjà loin devant, presque arrivées à l’entrée de notre repaire. Je me mis en mouvement et marchai à grand pas vers elles, pressées de les retrouver. Mais, en passant devant une petite rue, je percutai quelqu’un et reculai de quelques pas sous le choc. Confuse, je me retournai pour m’excuse, la personne me dépassant déjà. C’était un jeune homme plutôt beau garçon, les yeux d’un magnifique verts et ses cheveux couleur sable reflétant avec élégance les derniers rayons du soleil.

 - Merde, désolée ! m’excusai-je en me rapprochant de lui. Je ne vous ai pas fait mal ?

 Comme il me dépassait d’une bonne tête, il baissa les yeux vers moi, me détailla rapidement avant de me sourire, secouant la tête négativement. Son regard glissa furtivement derrière moi. Je me trouvai dos à la petite rue si bien que je ne vis pas arriver un autre homme qui m’attrapa par le bras. Avant que j’ai eu le temps de réagir, il m’entraîna dans la petite ruelle et me plaqua un morceau de tissu humide sur le visage, recouvrant entièrement mon nez et ma bouche de sa grande main. Je fus prise de panique alors que le jeune homme que j’avais bousculé par accident venait lui prêter main forte. Je ruai violemment pour me défaire de ce piège, une voix dans ma tête me hurlant de ne pas respirer et de me battre coûte que coûte. L’odeur âcre se dégageant du tissu m’avait très vite fait comprendre que ce n’était pas de l’eau mais du chloroforme

 Les minutes passaient, je ne parvenais pas à me libérer, la poigne de mes agresseurs ne diminuait pas d’un pouce et je commençai à faiblir de plus en plus. Prenant soudain la pleine mesure de la situation, je redoublai un instant de vigueur avant que mon corps ne se détende de lui même contre le torse de l’homme qui me tenait enfermer dans l’emprise de ses bras. Mes yeux commencèrent à se fermer tout seul, indépendamment de ma volonté. Malgré la terreur que je ressentais, je ne parvenais plus à bouger le moindre muscle de mon corps. Je sentis alors qu’on me soulevait pour me placer sur quelque chose puis, peu à peu, mon esprit s’embrouilla et je sombrais dans l’inconscience. Seuls quelques bribes de pensés atteignirent difficilement mon cerveau maintenant complètement alourdi par la drogue. Mes amies, qui devaient maintenant s’inquiéter et me chercher partout. Ma famille, que je n’étais même plus sûre de revoir un jour. Et le ciel, si beau au dessus de moi alors que les ténèbres se refermaient autour de ma personne, s’ajoutant à l’engourdissement général. Je ne savais pas où j’étais, ni ce qu’on me voulait.

 Je ne savais rien.