Soélie

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Quelle horreur !

Je halète.

Ma pallina rouge.

L'image s'impose entre deux respirations hachées. Cette plante, une fois séchée, se transforme en un magnifique ballon que je m'étais empressée de gonfler sous le regard joyeux de mon grand-père. J'avais cinq ans. La pallina s'était doucement arrondie pour s'affaisser aussitôt. Intense déception !

Un trou.

Un simple petit trou avait empêché la plante de devenir le jouet convoité. Voilà ce qu'était ma poitrine en cet instant : incapable de conserver le peu d'oxygène inhalé.

Inspir... expir... inspir...

Chaos...

Peu à peu, ce mot s'inscrit dans toutes les fibres de mon être. Quel affreux rêve ! Mon pyjama est trempé et de la sueur me pique les yeux. Je l'essuie d'un revers de manche.

Inspir... expir... inspir...

Un frisson glacé remonte le long de mon dos, provoquant une vague pileuse sur son passage.

Inspir... expir... inspir...

Je frôle ma lampe bioluminescente qui scintille aussitôt de notes orangées virant progressivement sur le jaune éclatant. Ma respiration reste irrégulière mais la panique s'est quelque peu évaporée grâce à l'exercice méditatif. Toujours grelotante, je me redresse. Les visions cauchemardesques me collent à la peau et menacent à tout instant de lâcher une nouvelle déferlante d'effroi. Je m'efforce à sortir du lit avant d'être en retard pour ma journée d'études, direction la douche. Je choisis une température qui permettra à mon corps de se réchauffer et de se délester de ces visions sirupeuses.

Le petit nuage se forme et vient déposer sa pluie fine sur ma peau. L'image du jet d'eau dont l'artère s'enfonce en plein cœur d'une nappe phréatique pour en pomper l'essence vitale me fait soudain frémir. Où mon cerveau est-il allé chercher une idée pareille ? Brusque et violent haut-le-cœur. J'essaie de me concentrer sur la caresse de l'eau mais un autre souvenir de cette nuit vient me hanter : une maison énergivorace dont les connexions avalent goulûment les ressources de la planète. Je n'ai jamais entendu parler d'une chose aussi insensée !

Expir... inspir... expir...

Peu à peu, les souvenirs nocturnes s'espacent puis s'estompent. Je me sens revivre. Enfin !

Cette fin d'été est encore chaude, je m'habille légèrement puis monte vers le toit de la maison. Je sens une odeur de pain et de légumes grillés m'accompagner, maman doit être en train de préparer le petit-déjeuner. Je profite de ces derniers moments familiaux avant de quitter le nid pour démarrer ma vie d'adulte. Dans quelques semaines, j'emménage dans ma maison partagée et commence ma nouvelle vie : travail dans une école le matin, bénévole dans une association de jardins collectifs l'après-midi. J'ai hâte de découvrir cette vie communautaire obligatoire pour les trois prochaines années, avant de choisir si je m'y dévoue ou si je préfère acquérir ma propre maison symbiotique. Mon cousin est entré dans la vie active l'an passé et ce qu'il m'en raconte me donne envie d'accélérer le temps pour y être, déjà. Pouvoir avoir un rôle plus actif au sein de la communauté, être membre officiel d'une association comme tout jeune diplômé et démarrer mon premier emploi. Je me sens pousser des ailes !

Arrivée dehors, je parcours l'allée centrale traversant l'herbe soyeuse du toit et caresse les brins à ma portée. Un frémissement ébroue l'habitation qui s'éveille sous les rayons rosés et démarre lentement sa photosynthèse. J'admire avec toujours autant de plaisir les voisins animer leur cocon avant le petit-déjeuner.

Lorsque j'arrive dans la cuisine, maman sort le pain du four.

— Bonjour ma chérie. J'ai eu papa, il rentre plus tôt. Avant le coucher du soleil, il sera avec nous.

— Super ! On pourra fêter son anniversaire ce soir alors ?

Elle me fait un clin d'œil. Je suis tout excitée. Cette année, nous nous sommes données beaucoup de mal pour trouver le cadeau de ses rêves. J'ai hâte de voir sa tête !

— As-tu bien dormi ? Tu as le teint pâle ce matin.

— Mmmh, j'ai fait un cauchemar horrible.

— Tu veux m'en parler ?

— Non, rien que d'y penser je me sens fiévreuse. Je préfère ne pas m'y attarder. Ça avait l'air si réel !

— C'est un peu le principe du rêve.

— Non, c'était différent, je... je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est comme si j'y étais. Vraiment.

— Tiens, prends un morceau de pain, je te sers des légumes et ensuite dernière semaine de cours avant la préparation des examens de fin de cycle.

— Merci, maman.

Lorsque je sors de chez moi peu de temps après, je manque trébucher sur une excroissance végétale. Je fais demi-tour et crie à travers le salon :

— Maman, y'a une liane devant la maison !

— T'as qu'à l'arracher, répond-elle depuis l'étage.

— C'est une excroissance de la maison !

— Ah ! Je vais appeler Monsieur Sugavet pour qu'il vienne l'exciser. J'ai pas envie de me retrouver à gérer une infection microbienne de notre maison. T'as vu chez les Rintam le temps que ça a pris pour soigner leur foyer ?

— En même temps ils avaient qu'à pas faire ça eux-mêmes ! Tu veux que je remonte l'anomalie ?

— Non, c'est un défaut mineur, ils ne vont pas retoucher le code ADN pour si peu.

— D'acc ! À ce soir !

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