Éloïse

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Surprenant !

Les bras calés sous ma tête, un sourire apparaît sur mes lèvres lorsque je repense au rêve étrange que je viens de faire. Mon réveil, resté allumé depuis qu'il a sonné, présente les informations de sept heures pétantes.

— Les titres du jour : la guerre en Ukraine s'éternise et s'enlise, les tensions montent encore d'un cran entre les États-Unis et la Russie, des inondations dans le Sud de la France : le Président de la République en déplacement pour évaluer les dégâts et manifester son soutien à la population, scandale écologique en Inde où une multinationale a été prise en flagrant délit de déversement de produits chimiques dans un fleuve près de la capitale.

Mon sourire s'efface aussi sec.

J'éteins cet oiseau de mauvais augure.

Je me roule en boule sur le côté, l'oreiller plaqué sur la tête pour tenter de conserver ma douce rêverie nocturne. Une rémanence bienheureuse flotte encore dans mon esprit mais s'estompe peu à peu pour afficher en grand ce qui m'attend à peine sortie de la chambre : aérer la pièce dans le smog parisien, écouter les redites d'actualités à travers les écouteurs de smartphones impersonnels des usagers du métro, tenter de convaincre des entreprises de renforcer leur isolation afin de réduire leur impact énergétique...

Le souvenir des murs qui s'illuminent au contact de mes doigts pour éclairer mon passage me ravit à nouveau. Si seulement...

Je jette un coup d'œil à mon smartphone : sept heures trente. Je dois me dépêcher ! Avec l'heure de transport, il ne me reste que vingt minutes pour être dans les temps.

Les clients et mon manager n'attendront pas.

En même temps cela a-t-il un sens ? Vouloir l'écologie en consommant davantage... Là où notre planète a besoin de décroissance, on prône la consommation pour se sortir de cette impasse. L'évidence de cette absurdité me frappe de plein fouet.

Mon corps s'immobilise, une fraction de seconde.

Puis l'urgence du quotidien m'attrape de nouveau dans sa toile. Aucune envie de finir mon stage sur une mauvaise impression ! Mon cerveau se met en off et je reprends ce que certains appelleraient les sécurisantes et débilitantes routines.

Je prends les premiers habits qui me tombent sous la main et les enfile à la hâte, puis je cours dans la salle de bain pour me débarbouiller, me maquiller et me brosser les dents. Pas de petit-déjeuner, pas le temps. Je prendrai mon café une fois arrivée.

Le quotidien a définitivement pris le dessus, mon rêve s'est envolé !

Pas le temps de m'attarder, je quitte ma chambre avec huit minutes de retard, fière de moi, j'ai bien géré. Arrivée dans le métro, le rappel des actualités toutes aussi déprimantes les unes que les autres se répète comme prévu, dans le volume trop fort des écouteurs ou en murmure sur le haut-parleur des écrans lumineux de ceux qui attendent sur le quai puis qui s'entassent dans les rames de métro. Je mets mes écouteurs pour me mettre dans ma bulle.

Retour à la rêverie.

Je revois ces voitures qui transforment l'énergie du soleil en carburant, telle une plante en pleine photosynthèse. Et le plus extraordinaire, les habits qui se forment et se transforment à même la peau comme les écailles d'un caméléon. Deux ou trois tenues pour toute l'année : plus besoin de grandes armoires ni de séances shopping d'un ennui mortel !

Finalement, ce rêve rend ma réalité encore plus démoralisante. Comme si j'avais besoin de trouver des défauts à ce monde qui marche sur la tête...

J'arrive enfin au travail, l'amertume en bouche. Je passe le sas d'identification puis rejoins mes collègues au café. Marine, l'autre stagiaire avec qui j'ai sympathisé, s'approche de moi faisant éclater les fragments de mon rêve :

— Salut Éloïse, ça a été le métro ?

— Ouais, plus de monde que d'habitude mais on se fait une raison.

— Normal, nouveau pic de pollution, ils ne laissent circuler que les plaques impaires alors les autres viennent surcharger le trafic des transports en commun. J'ai eu de la chance pour aujourd'hui. Espérons que ce soit passé demain sinon je suis bonne pour le métro bondé.

— Je croise les doigts pour toi.

— Merci. Surtout que la dernière fois y'avait des mecs bizarres qui me reluquaient, j'étais hyper mal à l'aise. Quelque part, heureusement qu'on était serrés comme des sardines, ils ont pas pu monter. Allez, assez parler de ces couloirs puants et déprimants. Hop, au boulot avant d'avoir Jérémy sur le dos.

— T'as raison, il est flippant quand il pique une gueulante. Je te suis.

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