Chapitre 01

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Ce n’est pas ma première venue en ces lieux, et pourtant, j’ai l’impression d’être entrée en terre inconnue. Des vêtements de deuil, à perte de vue. Notre ancien professeur s’incline devant tes parents en pleurs. Nos amis du lycée sont là. Tes connaissances de l’université aussi. Je m’avance, incertaine, dans mes habits ébènes. Mon tailleur m’étouffe autant que l’ambiance. Je me sens vide, alors que je m’agenouille sur le coussin qui te fait face. Tu me souris. Cette douceur qui te caractérise m’enveloppe, et je ne peux retenir mes émotions. Une photographie, sur un cercueil noir, entourée de fleurs d’un blanc neigeux. Tu as toujours aimé la pureté des lys. Mes larmes viennent brouiller ma vue. Les sanglots m’emportent. Pourquoi Kizuna ? Pourquoi as-tu fait ça ?

Une main dans mon dos cherche à m’apaiser. Je relève la tête. Le visage aux yeux humides de ta mère me fait face. Elle me sourit avec peine, et j’oublie toute retenue en plongeant dans ses bras.

Nous nous éloignons, pour affronter ensemble notre chagrin commun. Elle me raconte tes premiers mots. Tes pas aventureux lorsque tu sus faire usage de tes pieds. Ton entrée en école élémentaire. Ta réussite au concours du collège. La fin de nos années de lycée. Ton travail à mi-temps au temple. Brasser ces souvenirs me vrille l’esprit, pourtant, un mouvement de ta mère m’empêche de partir. Son corps s’incline légèrement face à moi. Ses mains s’emparent d’un journal à la reliure abîmée et, tremblantes, me le tendent. Il porte la trace du temps, mais surtout d’un usage quotidien. Une couverture rigide blanche où se dessine un cerisier en fleurs. Un style graphique proche des estampes traditionnelles. Le genre de choses qui cultive l’onirisme dont tu raffoles.

«  Ma petite Kizuna souhaitait qu’il te soit remis… Merci d’être restée auprès de ma fille, Kaori. Tu seras toujours la bienvenue chez nous. »

Je ne sais pas quoi répondre. Un simple geste de la tête fait office de remerciement. Les larmes suivent, alors que je maintiens le précieux ouvrage contre moi. Mes pas me guident hors de la maison. Je pose mon regard, une dernière fois, sur ton visage. Solennellement, j’ancre dans ma mémoire ces traits qui t’appartiennent. Tes yeux d’amande, d’un vert surréaliste. Le teint doré de ta peau, aussi douce que la soie. Tes longs cheveux droits, d’un noir de geais. Ton nez, mutin. Tes lèvres, à la couleur pétale de sakura, ne me souriront plus.

Cette veillée se veut un adieu à celle qui fut mon amie, à celle que j’ai aimée… à celle que je n’aurais jamais.

Ce n’est que plusieurs heures plus tard, alors que l’aube approche, que j’éveille le courage nécessaire à l’ouverture de ton journal.

Tremblante, à la lueur de ma lampe de bureau, je découvre le récit que tu m’as légué. L’unique héritage de nos moments passés. J’espère probablement y trouver une réponse à ton geste. Un moyen d’affronter le futur, et d’avancer à nouveau.

Les mains fébriles, le cœur au bord des lèvres et les yeux embués, je plonge au cœur de ta prose. Emportée dans un tourbillon de sensations, je cherche la vérité derrière ton acte.

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