Chapitre 82

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[Oyez oyez braves gens, je vous annonce que j'ai officiellement TERMINÉ l'écriture de ce roman, jusqu'à l'épilogue qui attend bien sagement son jour de gloire sur Scribay !

Bon, j'attends d'avoir tout publié avantde faire mon petit pavé de remerciements et tout le bazar... Parce qu'il vous reste toute la relecture des derniers chapitres à faire, ceux qui vont suivre !

(je préviens que comme je n'ai pas eu le temps de les relire à tête reposée avant de les sauvegarder sur Scribay - le manque d'ordi est prévu pour une semaine environ - ils sont bruts de pomme et il est possible que vous trouviez un peu plus de coquilles ou de répétitions que d'habitude. J'en suis désolée, corrigez-moi sans me tuer, svp :'( )




– Il faut que tu manges quelque chose.

– Je n'ai pas faim.

– Quand bien même.

L'homme ne répondit pas et allongea encore ses foulées, déjà bien difficiles à suivre pour la petite licorne qui trottait derrière lui.

– Au nom du Ciel, Alban. Cela fait deux jours que tu ne manges pas, que tu ne dors pas. Je suis contente que tu te décides enfin à sortir de l'auberge, mais… tu ne vas pas pouvoir tenir debout bien longtemps si tu n'avales pas au moins quelques œufs, ou l'un de vos immondes gruaux. Le marché est plein à craquer de victuailles, il te suffit de sortir une pièce et…

– Mais tais-toi donc, à la fin.

Il n'avait pas hurlé. Il s'était retourné vers elle et avait juste murmuré ces quelques mots entre ses dents ; mais ils étaient chargés d'un tel venin qu'Iluth se tut immédiatement. L'homme fit volte-face à nouveau et fendit la foule, droit vers la grande et luxueuse maison du baron.

Depuis la mort d'Abrahel, l'état du chasseur se dégradait de manière de plus en plus manifeste. Il était revenu de sa chasse au dragon plus confiant et heureux que jamais ; mais la trahison du garçonnet, ou plutôt de la fillette qu'il avait accueillie, nourrie, soignée et qu'il avait fini par apprécier, l'avait replongé dans les affres de ses terreurs les plus anciennes.

La pauvre réponse d'Iluth, face à ses suspicions, n'avait rien arrangé.

– Iluth. Pourquoi ce démon t'a-t-il appelé sa sœur ?

Il m'a vue dans tes rêves... je pense qu'il m'a prise pour l'un des siens. Peu nombreuses sont les créatures capables de prendre vie dans les songes des humains… Qui penserait à une licorne ?

Le regard d'Alban s'était immédiatement voilé de soulagement ; mais il était dans un tel état de détresse qu'il aurait gobé n'importe quelle menterie.

– Et pourquoi… Comment a-t-il pu nous tromper à ce point, et si longtemps ? Pourquoi n'a-t-il pas été repoussé par ta présence ?

– J'ai perdu ma corne… Tu sais bien que je n'ai plus aucun pouvoir, à présent.

Il avait hoché la tête et la discussion avait été close. Mais dans les heures qui avaient suivi, lorsque son esprit avait commencé à s'éclaircir, un trouble s'était emparé de lui. Et ce trouble-là, confus et nauséeux, ne quittait plus ses prunelles lorsqu'il les posait sur la licorne – ce qu'il évitait de plus en plus. Iluth était consciente qu'il en avait trop vu, trop entendu, trop refoulé sans doute, depuis cette âme de ténèbres qu'il avait aperçue une nuit derrière son masque de licorne, il y avait si longtemps. Elle savait qu'elle avait seulement colmaté une faille. Au fil des heures et des jours, celle-ci ne cesserait de s'élargir, jusqu'à ce que la vérité éclate enfin aux yeux de l'homme.

Ce n'était plus qu'une question de temps.

Depuis deux jours, leur relation variait en dents de scie ; jamais l'un et l'autre n'avaient été si écartelés entre le rêve et la réalité, entre ses peurs et ses élans d'affection. Iluth se sentait aussi divisée que deux entités différentes au creux d'un même corps. Le jour, elle veillait sur Alban, le sermonnait afin qu'il se décide à se nourrir, qu'il sorte de cette chambre dans laquelle il se cloîtrait, qu'il boive quelques gorgées d'eau ; elle tirait la couverture sur lui lorsqu'il se prostrait dans le lit, vérifiait qu'il n'avait pas de fièvre et se blottissait contre lui afin de lui tenir chaud.

La nuit, puisqu'il ne dormait pas et restait hagard, assis contre l'immense tête de lit en bois sombre, elle se roulait en boule contre lui et tentait de sombrer dans le sommeil, malgré la rage et la frustration qui s'accumulaient au creux de ses tripes.

Le jour, elle voulait le sauver plus que tout et redoutait sa mort. La nuit, face à son propre désir inassouvi et son impuissance à triompher de lui, elle se sentait devenir vipère et le haïssait plus fort que tout au monde.

Quant à Alban, perdu dans son délire, il l'étreignait et la repoussait tour à tour, comme un enfant capricieux effrayé par son propre trésor.

Grâce à l'aura du chasseur, au fait qu'il était invité du baron et tueur de monstres, l'aubergiste avait fermé les yeux sur le cadavre dépouillé de visage qu'il avait trouvé en leur compagnie. Une bourse pleine d'or l'avait dédommagé de ses peines ; sur son ordre, deux palefreniers peu scrupuleux étaient allés jeter le corps dans un quelconque fossé à la sortie de la ville. Alban avait gardé la chambre et s'y était enfermé.

– Je viens voir le baron. Il m'a fait mander. Je suis le chasseur qu'il a employé pour tuer le dragon du canton.

Les gardes, alignés à l'entrée devant les immenses portes de bois sculpté, échangèrent un regard ; puis l'un d'entre eux leva le menton et leur fit signe de le suivre. Iluth emboîta le pas d'Alban, ignorant les regards intrigués des soldats qui n'osèrent piper mot. Le chat trottinait souplement à sa suite ; Alban avait tenté de le laisser à la chambre, mais le petit diable avait voulu les suivre et ils n'étaient pas parvenus à l'enfermer. Ils entrèrent tous les trois ; le bruit des sabots d'Iluth fut étouffés par le long tapis pourpre qui s'étirait jusqu'aux grands escaliers de marbre.

Les gens du coin avaient beau appeler cet endroit la maison du baron, cette immense demeure – chargée d'ors et de riches décors, engoncée dans son manteau de pierres de taille – évoquait plus un petit manoir de ville ou un hôtel particulier.

Ils traversèrent un corridor, suivis des yeux par les domestiques qui vaquaient à leurs tâches et s'agitaient en cuisine ; les délicieux fumets qui s'en échappaient mirent l'eau à la bouche d'Iluth, mais Alban ne tressaillit même pas.

La succube, sur ses gardes, l'échine hérissée à l'approche de la moindre femme, se sentait prise d'une hystérie de plus en plus manifeste. Chaque femelle qui traversait le couloir, passait d'une pièce à l'autre ou emportait de longs plats d'argent vers la grand-salle pouvait être habitée par un succube. Si le porteur de la couronne d'épines avait envoyé Abrahel voler la proie d'Iluth, il n'hésiterait pas à en envoyer d'autres… C'était à elle de défendre Alban contre les tentatives qui allaient suivre. Elle ne pouvait se permettre de le quitter du regard une seule seconde. À moitié folle, aveuglée par sa possessivité, elle se sentait comme un molosse protégeant un troupeau contre les loups.

Ils parvinrent enfin dans une antichambre drapée de tentures et de velours, avant d'être introduits dans le bureau du seigneur.

En réalité, Alban fut introduit.

La licorne et le chaton, sur le point de lui emboîter le pas, reçurent un regard méprisant et on leur claqua la porte au nez.

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