UNE NUIT CAUCHEMARDESQUE

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Gadriel se tenait debout devant le parc devant lequel il avait l'habitude de passer. Au loin, il aperçut une silhouette familière parmi toutes celles présentes, celle de la jeune fille qu’il appréciait tant, Jessabiel. L’adolescent se dirigea donc vers elle, se disant que c’était désormais à son tour de la surprendre. Cependant, plus il s’approchait d’elle et plus son rythme cardiaque s’accélérait. Il était clair qu’il avait des sentiments pour elle, mais cela était-il réciproque ? Le jeune garçon avait tenté d’en avoir le coeur net la veille, mais il n’était pas parvenu à obtenir une réponse. Serait-il en mesure d’en avoir une en ce jour ?

Lorsqu’il arriva à ses côtés, Gadriel essaya de poser sa main sur l’épaule de Jessabiel comme elle l’avait fait avec lui la veille. Toutefois, au moment où il s’apprêtait à le faire, cette dernière se retourna brusquement d’une façon inhabituelle, ce qui l’étonna et l’effraya par la même occasion.

- Salut, Jessabiel, rétorqua-t-il après s’être remis de sa frayeur.

La jeune fille ne lui répondit pas et se contenta de le regarder en souriant. Il lui demanda ensuite si elle se portait bien, mais une fois de plus, il n’obtint aucune réponse de sa part. D’ailleurs, Gadriel remarqua peu de temps après que toutes les personnes autour de lui se comportaient de la même manière qu’elle, à savoir le fixer du regard tout en souriant. Leur attitude angoissa énormément le jeune garçon qui se demanda bien évidemment ce qui se passait. Soudainement, Jessabiel pointa du doigt quelque chose, ce qui poussa Gadriel à se retourner pour voir de quoi il s’agissait. Il vit alors que le ciel d’Exoduus changeait de couleur, passant de ses couleurs habituelles à quelque chose de beaucoup plus sombre.

Gadriel n’avait jamais vu une telle chose. Exoduus, qui était réputé pour son environnement flamboyant, presque paradisiaque, arborait désormais des teintes lugubres. Et pour ne rien arranger, une brume noire très épaisse fit son apparition à l’horizon, engloutissant progressivement les bâtiments et s’approchant doucement de leur position. Le jeune garçon ne savait pas ce que c’était, mais une chose était certaine, il devait fuir.

- Jessabiel, nous devons tout de suite… ! s’exclama-t-il en attrapant la main de la jeune fille.

- Il vient pour toi. Tu ne peux pas lui échapper, dit-elle en l’interrompant.

- Qu’est-ce que tu racontes ?! Qui arrive pour moi ?!

Face au danger grandissant, Jessabiel gardait toujours son sourire, ce qui n’était pas le cas de son interlocuteur. N’ayant pas vraiment le temps d’attendre ses réponses, Gadriel se mit à courir, entraînant la jeune fille avec lui.

- Ça ne sert à rien de fuir, Gadriel. Tu ne pourras jamais lui échapper, rétorquèrent Jessabiel puis toutes les personnes à côté desquelles les deux passaient. Tu n’as aucun endroit où te cacher. Il finira par t’attraper.

Gadriel ne comprenait absolument pas pourquoi toutes ces personnes lui disaient tout ceci au lieu de trouver un endroit pour se mettre à l’abri. Néanmoins, cela n’était point une priorité pour le jeune garçon. Ce qui importait le plus à cet instant était d’échapper à cette étrange brume noire qui se rapprochait de plus en plus et transformait en cendres tout ce avec quoi elle rentrait en contact.

Le jeune garçon courait, cherchant désespérément à échapper à une mort certaine. Il jeta un coup d’oeil rapide derrière lui uniquement pour se rendre compte que Jessabiel affichait toujours le même sourire, comme si elle n’était absolument pas affectée par la situation dans laquelle les deux se trouvaient, mais aussi que la brume noire s’était dangereusement rapprochée d’eux, une centaine de mètres les séparant désormais. En voyant ça, Gadriel sut qu’il devait impérativement faire quelque chose s’il ne voulait finir comme toutes les personnes qui avaient disparu en rentrant en contact avec cette chose. Mais que pouvait-il bien faire ? Il n’avait aucun moyen pour empêcher ce phénomène et aucun abri ne semblait pouvoir lui résister.

- Je suis sincèrement désolé, dit le jeune garçon en s’arrêtant brusquement.

Gadriel prit ensuite Jessabiel dans ses bras et la serra fortement, attendant que la brume les engloutisse complètement. Cependant, avant que cette dernière arrive à leur niveau, la jeune fille se transforma brusquement en un tas de cendres, le laissant tout seul face à une mort imminente.

La brume finit par engloutir Gadriel et tout ce qui se trouvait autour de lui. Cependant, contrairement aux autres, il ne s’était pas transformé en un tas de cendres. Le jeune garçon était juste dans cette espèce de brouillard noir, incapable de voir à plus de quelques centimètres devant lui. Soudainement, il entendit une sinistre voix prononcer son nom. Gadriel n’était pas seul, quelque chose d’autre se trouvait avec lui. Était-ce ce dont Jessabiel et les autres parlaient avant de disparaître ? La chose qui était à ses trousses ? Le jeune garçon n’en savait absolument rien. Une chose cependant était claire à ses yeux, peu importe la nature de cette entité, elle ne voulait en aucun cas son bien.

La voix prononça une nouvelle fois le nom de Gadriel, ce qui le poussa à demander ce qu’elle voulait. Il n’obtint cependant aucune réponse. À la place, le corps tout entier du jeune garçon devint de plus en plus douloureux. Toutes les veines de son corps, en commençant par celles de ses extrémités, prirent soudainement une teinte rouge comme si le sang à l’intérieur de lui s’illuminait. Plus ce phénomène se répandait et plus Gadriel avait mal, finissant alors par hurler lorsque cela atteignit ses bras et jambes.

Le jeune garçon ne savait pas ce qui lui arrivait, mais il voulait absolument que cela s’arrête. Malheureusement pour lui, cela ne fit qu’empirer à mesurer que les secondes s’écoulaient. Les extrémités de Gadriel devinrent progressivement noires avant de se désintégrer complètement, et plus le phénomène se propageait, plus la douleur s’intensifiait. Gadriel avait si mal qu’il n’arrivait plus à penser correctement.

- Gadriel ! Tu es à moi, s’exclama de nouveau la sinistre voix.

Le corps de Gadriel avait presque totalement disparu. Seule sa tête demeurait encore. La douleur, quant à elle, était à son paroxysme. Il avait l’impression que tout son être était pénétré par des millions d’aiguilles tout en étant constamment brûlé. Finalement, au moment où tout ce qui restait de lui était sur le point de disparaître, le jeune garçon se réveilla brusquement. Comme précédemment, Gadriel regarda tout autour de lui, uniquement pour se rendre compte qu’il était de retour dans sa chambre et que le soleil s’était déjà levé.

- Ce n’était pas le même cauchemar que d’habitude. Celui-ci semblait…si réel, rétorqua le jeune garçon en regardant sa main.

Même s’il était de retour dans sa chambre, Gadriel éprouvait toujours des picotements dans ses extrémités, ce qui le fit quelque peu douter de l’endroit dans lequel il se trouvait. Néanmoins, après quelques minutes, la sensation disparut complètement, le laissant alors penser qu’il se trouvait réellement dans sa chambre.

Gadriel resta assis sur son lit, réfléchissant au cauchemar qu’il venait de faire. Il se demanda notamment pourquoi il avait été autant affecté par ce dernier. Cela faisait de nombreux mois qu’il faisait le même mauvais rêve chaque soir, mais c’était la première fois que cela paraissait aussi réaliste. Il l’avait bien ressenti à son réveil, la douleur avait été bien réelle. Les picotements ne mentaient pas. Est-ce que cela voulait donc dire que son corps risquait de finir dans le même état que dans son rêve ? Il n’osait pas l’imaginer. Cela ne faisait pas partie des problèmes de santé que Eve avait cités le jour précédent. Cependant, il devait en avoir le coeur net.

- Eve, c’étaient encore quoi les symptômes que tu as mentionnés hier à mon réveil ? Tu sais, ceux provoqués par le manque de sommeil ?

Gadriel n’obtint aucune réponse de sa tutrice, ce qu’il trouva très étrange. Ce n’était pas son genre de rester silencieuse face à une question, d’autant plus que cette dernière concernait derrière la santé du jeune garçon.

- Eve, es-tu là ?

Une fois de plus, ce fut le silence que Gadriel eut en guise de réponse. Voulant savoir ce qui se passait avec la jeune femme numérique, il descendit de son lit et se rendit immédiatement après au rez-de-chaussée. Cependant, au moment où il arriva, quelqu’un se mit soudainement à cogner à la porte d’entrée.

- Eve, peux-tu me dire qui cogne s’il te plaît ? demanda-t-il par réflexe.

Se rappelant que la jeune femme ne semblait pas être présente, Gadriel se retrouva dans l’obligation d’aller lui-même vérifier l’identité de la personne qui se trouvait devant sa porte. Quelle ne fut alors pas sa surprise quand il s’aperçût qu’il s’agissait de Jessabiel.

- Jessabiel ? Qu’est-ce que tu fais ici ?

- Tu as oublié ce dont on a parlé hier ? Je suis venue voir si ta mère était finalement revenue, répondit-elle avec le sourire aux lèvres. Alors, est-ce qu’elle est là ?

Gadriel n’eut pas besoin de prononcer le moindre mot, son expression faciale donnant directement la réponse. Jessabiel s’excusa alors, ce à quoi il répondit qu’elle n’avait pas besoin de le faire.

- C’est plutôt moi qui devrais te remercier pour ce que tu as fait pour moi hier.

- Ah bon ! Qu’est-ce que j’ai fait ?

- Tu étais là pour moi quand j’en avais vraiment besoin.

- Ah ! C’est de ça que tu parles. Tu n’as pas à me remercier pour ça. C’est le rôle des amis de s’entraider.

- Le rôle des amis en effet.

À ce moment, Gadriel ne put pas s’empêcher de penser à l’occasion qu’il avait manquée le jour précédemment. Il voulait tellement lui avouer ses sentiments, mais ne savait absolument pas comment s’y prendre. En plus, il avait également peur de le faire, ne sachant pas si Jessabiel allait bien le prendre ou pas.

- Gadriel ! Gadriel, est-ce que tu m’écoutes ?!

- Qu…quoi ?! Qu’est-ce que tu disais ? demanda le jeune garçon, déconcerté.

- Tu ne m’écoutais donc pas ce que je disais. Tu sais que c’est vraiment malpoli de ne pas écouter les gens quand ils te parlent, n’est-ce pas ?

- Je suis désolé, Jessabiel. Je n’ai vraiment pas fait exprès. J’avais les idées ailleurs.

- Hum ! Je te demandais si tu étais prêt pour qu’on se rende à Fjore.

- Qu’est-ce qu’il y a à Fjore ?

- Mais tu le fais exprès ou quoi ? Tu as oublié ce dont on a parlé hier ? Tu as oublié qu’on devait tous les deux se rendre au bureau des forces de l’ordre pour que j’aille dire 2-3 mots à cet agent ?…

À ce moment, Gadriel se souvint de la conversation qu’il avait eue avec elle le jour précédent et se rendit également compte qu’elle était très sérieuse avec cette histoire. Cependant, il ne pouvait pas s’y rendre maintenant. Il venait à peine de se réveiller et n’avait pas encore pris sa douche.

- Alors, on y va ou pas ? poursuivit Jessabiel.

- J’ai quelque chose à faire avant. Ça ne te dérange pas de patienter à l’intérieur un moment, le temps que je finisse avec ce que j’ai à faire.

- Pourquoi pas, mais ne prends pas trop de temps.

- Tu n’as pas à t’en faire.

Au moment où Jessabiel rentra dans le domicile de Gadriel, cette dernière ne put pas s’empêcher de le complimenter sur la décoration intérieure. Elle prit également le temps d’observer les différents cadres-photos qui se trouvaient sur le mur et sur lesquels était retracée la vie du jeune garçon.

- Vous ne vous ressemblez pas vraiment, ta mère et toi, rétorqua la jeune fille.

- C’est normal. Je ne suis pas son fils biologique. Mère m’a trouvé lors d’une de ses expéditions quand je n’étais encore qu’un bébé. Elle m’a recueilli et élevé comme si j’étais son propre fils.

- Et tu n’as jamais été curieux de savoir qui tes vrais parents sont. Ou du moins, savoir à quoi il ressemble.

- Je te mentirais si je te disais que je n’ai jamais pensé à ça. Connaître qui sont mes vrais parents, savoir pourquoi ils m’ont abandonné et s’ils ont fait ça parce qu’ils n’avaient pas le choix, savoir s’ils m’aiment toujours, toutes ces questions me sont passées par la tête. Et j’aimerais un jour pouvoir y répondre, mais pas dans l’immédiat. Ma priorité en ce moment est de retrouver Mère. Bon, je reviens vite. Je ne voudrais pas te faire trop attendre.

Gadriel se précipita dans sa chambre avant de se rendre immédiatement après dans sa salle de bain. Il n’arrivait pas à croire que Jessabiel se trouvait chez lui. D’ailleurs, ils étaient amis depuis de nombreux mois, mais c’était la première fois qu’elle lui rendait visite. Le jeune garçon s’en voulut quelque peu, se disant que s’il n’avait pas oublié le fait qu’elle devait se rendre chez lui, il aurait sans aucun doute demandé à Eve de lui préparer quelque chose. En parlant d’Eve, Gadriel se demanda où elle était passée. Ce n’était vraiment pas dans ses habitudes d’être autant silencieuse. Peut-être était-ce à cause de lui ? Il fallait dire qu’il s’était montré plutôt odieux envers elle le jour précédent. Elle gardait donc peut-être le silence parce qu’elle avait été vexée ou quelque chose du genre.

- Eve ! Je suis sincèrement désolé pour hier matin. Je n’aurais jamais dû te parler de cette façon. Je sais que tout ce que tu voulais était de me remonter le moral et me faire voir les choses comme elles sont vraiment. Mais je ne peux pas les laisser abandonner, Mère n’aurait jamais fait ça si ça avait été moi. Tu sais, hier quand j’étais là-bas, un des agents m’a suggéré de considérer le fait qu’elle m’ait abandonné…qu’elle nous ait abandonnés. Et pendant un temps, j’ai failli vraiment le faire. Mais Jessabiel m’a encouragé à ne pas laisser tomber et elle a raison. Jamais Mère n’aurait baissé les bras si c’était moi qui avais disparu, alors je vais faire de même et continuer de me rendre au service des portés disparus jusqu’à ce qu’on la retrouve.

Malgré ce monologue assez long, Gadriel n’obtint toujours aucune réponse de la part de sa tutrice et se dit alors que cela ne suffisait sans doute pas. Il fallait qu’il trouve un meilleur moyen pour s’excuser auprès d’elle. Cependant, il ne pouvait pas le faire maintenant, Jessabiel l’attendant au rez-de-chaussée. Le jeune garçon s’empressa donc et, une quinzaine de minutes plus tard, était prêt à se rendre à Fjore avec celle qu’il appréciait.

Lorsque Gadriel retourna au rez-de-chaussée, il aperçut Jessabiel debout devant le pilier qui soutenait son domicile. Il trouva ça quelque peu étrange, d’autant plus qu’elle semblait l’observer avec beaucoup d’attention. Le jeune garçon ne put alors pas s’empêcher de lui demander ce qu’elle faisait, ce à quoi elle répondit qu’elle observait juste le pilier.

- Et pourquoi tu l’observes au juste ?

- Juste comme ça, répondit-elle lorsqu’il arriva à ses côtés. Sinon, tu es finalement prêt à partir ?

- Oui, je le suis.

- Génial ! Ne traînons pas alors. Je n’ai pas envie de croiser Reigns en chemin, rétorqua-t-elle en lui prenant soudainement la main.

Pendant que les deux prenaient la direction de la sortie, Gadriel demanda à Jessabiel pourquoi elle n’avait pas envie de croiser son frère. Certes, c’était une bonne chose pour lui, mais il était tout de même curieux de savoir pourquoi elle ne le voulait pas.

- Il a fait quelque chose de très énervant hier. Et non, je n’ai pas envie d’en parler, répondit la jeune fille au moment où les deux franchirent la porte de sortie.

Gadriel fut très étonné par sa réponse. Pour lui, Jessabiel était quelqu’un qui restait pas énervé très longtemps et pour que Reigns parvienne à la mettre dans cet état aussi longtemps, il avait vraiment du faire quelque chose de très grave. Néanmoins, peu importe ce qu’il avait fait, Gadriel était content. Il allait pouvoir passer toute une journée avec elle sans être dérangé. Et pour ça, le jeune garçon le remercia de tout son coeur.

A suivre !!!