Chapitre 4

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De la sueur perlait sur mon front, la chaleur était intenable. Depuis que nous étions sur le chemin d’Hinsra, la capitale, je n’étais pas tranquille. Okho, assis en face de moi, me jetait régulièrement des regards noirs. Hier soir, Wahcka l’avait mis au courant de notre plan, et cela avait déclenché chez lui une animosité plus que pénible. Il désapprouvait nos actions et me le faisait vivement comprendre. Je baissai les yeux, ne souhaitant pas le mettre de plus mauvaise humeur qu’il ne l’était déjà : s’il décidait de me dénoncer, cela me coûterait très cher. La charrette sur laquelle nous étions installés bringuebalait sur la route de terre parsemée de trous et de bosses. Wahcka conduisait, lançant parfois quelques jurons sur les cabals qui n’avançaient au trot que lorsque bon leur semblait. Leurs crinières flottaient au vent comme une bannière.

- Wil, change de position, enjoignit mon professeur, celle-ci est trop féminine. Regarde Okho et tente de l’imiter.

Je mis quelques secondes avant de réaliser que c’était à moi que parlait Wahcka. Je hochai la tête en guise d’assentiment. De toutes manières, je n’avais pas le choix. Il fallait absolument que tout le monde me prenne pour un garçon. Désormais, mon nom était Wil, et j’étais un garçon de 14 ans qui, étrangement, ne portait que des vêtements amples. Cette identité m’était indispensable pour entrer à l’école de Shün. Une femme n’aurait jamais eu le droit d’y entrer. Une furieuse envie de me gratter me prit soudain : la bande de tissu qui enserrait ma poitrine pour la rendre plate était très rugueuse, et me coupait la respiration. J’avais ramené mes cheveux en chignon. Heureusement, beaucoup de garçons avaient les cheveux longs, ce qui, à ma grande joie, m’avait permis de ne pas me couper les cheveux.

- Quand arrivons, nous, Wahcka ? souffla Okho.

- Il reste dix minutes de voyage. Vous pouvez voir la grande Tour Sacrée au loin.

Je levai la tête. Effectivement, sur la ligne d’horizon se dessinaient les contours flous d’une énorme ville, surplombée par ce qu’il semblait être une tour de verre. Emerveillée, je ne détachai pas mes yeux de cette apparition. C’était la première fois que je voyais une tour en vrai, et la taille de la cité était semblable à celle de cent villages réunis ! Lui aussi impressionné, Okho se retourna pour mieux voir. Bientôt, la route devint pavée et les contours des premières maisons apparurent. Les plus modestes possédaient un toit de chaume, tandis que les plus riches étaient construites en pierres taillées et surmontées d’un toit d’ardoise. Nous arrivâmes aux premières rues, agréables grâce à l’ombre que lui offraient les bâtiments qui la bordaient. Quelques enfants qui jouaient au ballon s’écartèrent pour nous laisser passer. Wahcka fit bifurquer l’attelage sur un rue plus étroite, et bientôt des exclamations se firent entendre : nous arrivions sur la grande place, où le brouhaha régnait en maître incontesté. Des vendeurs vantaient les mérites de leurs produits. Il y avait là des épiciers, des bouchers, des tanneurs... Chacun tentait d’hurler aussi fort qu’il le pouvait pour appâter les clients. Je n’avais jamais vu autant de gens que sur cette place, aussi fus-je impressionnée par la densité de la foule qui se pressait devant nous pour nous laisser passer. Mon professeur fit ralentir les cabals et interpella un passant pour lui demander le chemin :

- Le conservatoire du temple, s’il vous plaît.

- Vous tournez à droite, puis vous montez la colline en direction de la Tour. C’est un bâtiment de pierre sculptée, vous ne pouvez pas le rater. répondit l’homme avant de vaquer à ses occupations.

Wahcka acquiesça et suivit ses indications. Bientôt, nous dûmes monter une côte. Tout en haut, sur le plateau auquel elle aboutissait, se dressait la tour sacrée. « Le palais des rois. » pensais-je avant de tourner la tête vers Okho. Il me regardait, toujours avec hargne. Tentant d’oublier son regard désapprobateur, je reportai mon regard sur la majestueuse et gigantesque Tour Sacrée. Imposante, elle était entourée d’une jolie barrière ornée de motif floraux, gardée par des soldats. Un groupe de bâtiment grand comme notre village la côtoyait, lui aussi gardé. A partir de la Tour, c’était Shün, le périmètre sacré qui entourait l’Arbre. Je remarquai sur un côté le fameux bâtiment que nous avait décrit l’homme. Notre charrette fut arrêtée par une barrière surmontée de barbelés, qui entourait entièrement le plateau. Un garde nous interpella et nous demanda nos noms ainsi que le motif de notre présence.

- Ces jeunes gens doivent passer l’examen d’entrée, expliqua Wahcka, je suis leur professeur.

Le garde se tourna vers Okho et moi et nous demanda de nous identifier.

- Okho Vin Del, apprenti de maître Wahcka.

- Wil Vin Dorr, me présentai-je timidement, apprenti de maître Wahcka.

En m’entendant parler, le soldat eut un mouvement de surprise. Il me regarda avec étonnement. Je priai pour qu’il ne me pose pas une question à laquelle je ne saurais répondre.

- Tu n’as pas mué ? me demanda-t-il.

- Je...J’ai mangé des baies de Kong étant petit. mentis-je, comme convenu avec Wahcka.

- Bien, vous pouvez passer. Les épreuves sont en salle Ayron, précisa-t-il avant de s’écarter.

Soulagée, je me détendis. Les baies de Kong étaient des baies de couleur noire, connues pour leur capacité à empêcher la mue des jeunes hommes. Wahcka avait eu l’idée d’utiliser cela comme prétexte pour expliquer ma voix de femme. Les rayons du soleil brûlant se réfléchissaient dans les vitres de la Tour, projetant des rais de lumière sur toute la ville. La charrette se remit en marche et nous arrivâmes bientôt au conservatoire du temple. D’après les explications de Wahcka, c’était là que les apprentis mages de l’école du temple de Shün prenaient leurs cours. « J’aimerais tellement en faire de même, un jour... » Mon camarade, lui, n’avait pas l’air de penser à la même chose que moi. Il stressait : ses mains tremblaient, et son visage trahissait son anxiété.

- Nous voilà arrivés, annonça mon professeur avant de descendre du véhicule, venez avec moi.

Nous le suivîmes, sans poser de questions. C’était ici. C’était dans cet endroit que j’allais devoir me battre pour prouver ma valeur, contre une centaine d’apprentis. Et seuls les vingt premiers seraient admis. Tout en montant des escaliers à la suite de mon professeur, je commençais à mesurer l’ampleur de la situation. Mes mains se firent moites. Mais je n’eus pas le temps de m’inquiéter plus que ça : une jeune femme nous guida jusqu’à la salle d’attente de la salle Ayron, comme il l’était indiqué sur la porte. Plusieurs candidats attendaient leur tour. Notre guide nous fit signe de nous asseoir et s’en alla.

- Ecoute moi, Ewila, me murmura Wahcka quand Okho se fut éloigné pour se concentrer, tu dois absolument réussir. Okho ne doit pas être pris, sinon il sèmera la discorde lorsqu’il sera devenu mage. Tu dois absolument l’en empêcher.

- Mais s’il est pris quand même ? demandai-je, sceptique.

- Si tu es prise, tu tenteras de le freiner. J’espère que tu comprends l’importance de la situation. »

A vrai dire, je ne comprenais pas grand-chose, et pour l’instant, je ne voulais pas comprendre. A ce moment-là, une seule chose comptait. Comme venait de le dire Wahcka : Si j’étais prise. Je devais l’être. Pour me concentrer, je passais et je repassais sans cesse des comptines pour enfants que me chantait ma mère. Mon regard glissa sur la salle, notant chaque détail et chaque recoin. Je ne savais pas pourquoi je faisais cela, c’était un réflexe, dans lequel je trouvais quelque chose de rassurant. Tous les candidats conversaient avec leur professeur. Je croisai le regard de l’un d’eux : il avait l’air effrayé. Néanmoins, certains apprentis, sûrs d’eux, n’accordaient aucune attention aux conseils que leur donnaient leurs maîtres, certains de leur réussite. « Le concours sera rude » constatai-je avec appréhension.

- Tu as trop peur ? Tu veux rentrer chez toi ? me provoqua Okho d’un ton moqueur.

- Vu ta tête, tu devrais aller aux toilettes, au cas où. Tu sais, tu n’as pas l’air très bien ! Quand tu iras mieux, on reparlera de qui de nous deux se sent le plus mal. répondis-je, irritée.

Etonné de ma réaction, Okho se tut et s’éloigna vers une fenêtre, par laquelle on pouvait apercevoir la gigantesque ville d’Hinsra. J’en avais assez de son attitude de gamin ! Il me tapait sur les nerfs, avec ses caprices : « les filles ceci, les filles cela... » « De toutes façons, tu n’es qu’une fille ! » ! La vérité, c’est qu’il avait peur que je devienne plus douée que lui ! Je décidai de ne plus jamais me laisser marcher sur les pieds. J’étais une femme, et fière de l’être.

Quelques minutes plus tard, la porte de la salle Ayron s’ouvrit. Une secrétaire vêtue d’une impeccable tunique immaculée apparut et appela un nom auquel je ne fis pas attention. L’un des apprentis se leva, suivi de son professeur. Il entra dans la pièce. Je ne parvins pas à en voir l’intérieur, la secrétaire ayant prestement fermé la porte de bois artificiel. Intriguée, je tendis l’oreille pour tenter de me faire un aperçu de l’examen que j’allais passer, mais les pièces étaient beaucoup mieux isolées que dans mon petit village, aussi n’entendis-je rien. Wahcka s’approcha de moi et me souffla :

- Les épreuves viennent de commencer. Surtout, garde ton calme et prépare-toi à effectuer le dernier exercice que nous avons travaillé.

Sur ces mots, il s’éloigna pour parler à Okho, me laissant seule avec mon appréhension. Les yeux rivés sur la porte, je m’abandonnai à mes réflexions. Parviendrais-je à passer ? Et si Okho était sélectionné mais pas moi ? Que Wahcka penserait-il de moi après un tel échec ? A force de questions, je finis par me sentir mal. Un énorme poids sembla peser soudain sur mes frêles épaules. A défaut de me calmer, j’avais fini par produire l’effet inverse : ma tête tournait. Une boule de peur se noua dans mon ventre. Ou plutôt... une boule d’angoisse. La porte s’ouvrit de nouveau pour laisser sortir l’apprenti et son maître. Tous deux n’avaient pas l’air emballés par le déroulement de l’épreuve. La secrétaire appela :

- Maître Wahcka...

« Ça y est, ça va être mon tour... » pensai-je, la gorge nouée. Plus stressée que jamais, je me tendis, attendant que mon faux nom soit inévitablement prononcé.

- ... Et son apprenti Okho Vin Del.

Mon camarade se leva, tandis que je poussais un soupir de soulagement. Ses mains tremblaient, et je ne pus m’empêcher de lui glisser un « Bon courage », bien qu’il soit plus pour me rassurer que pour lui. Pour toute réponse, il ne m’accorda qu’un bref regard et suivit Wahcka, qui se dirigeait déjà vers la porte. Quand tous deux furent entrés, l’écran de bois se referma et je me retrouvai seule, au milieu des apprentis qui attendaient leur tour. J’en comptai une cinquantaine avec moi. Et seuls quelques-uns d’entre nous réussiraient le passage à l’école du temple de Shün. L’air était lourd, rempli de stress. Commença alors une attente angoissante : Okho réussirait-il l’examen ? Si c’était le cas, je devrais placer la barre très haut. Tout cela ne m’enchantait guère. En silence, Okho et Wahcka sortirent et vinrent se rasseoir à mes côtés.

- Alors ? demandai-je, impatiente de connaître le déroulement de l’épreuve.

- Stressant. me répondit mon camarade d’une voix monocorde.

Je fus moi aussi appelée quelques minutes plus tard. Mon professeur m’accompagna et entra avec moi. Naturellement, Okho ne m’encouragea pas, et malgré moi cela me déçut un peu. Je ne me souvenais plus de rien, trop stressée pour être capable de réfléchir aux enchaînements que j’allais devoir exécuter. La vaste pièce, tapissée de blanc, comportait deux tables derrière lesquelles étaient assis quatre hommes que je supposai être les jurys. Ils étaient tous habillés de la même cape brune grossièrement coupée. L’un d’eux me fit ce qui ressemblait vaguement à un accueil.

- Apprenti Wil, veuillez prendre place.

Prendre place ? Où ça ? je ne voyais dans la pièce aucune chaise ni aucune table derrière laquelle je pourrais m’installer. Indécise, je décidai de poser la question :

- Veuillez m’excuser, mais je ne vois aucun endroit où je pourrais « prendre place ».

- Alors, restez debout, m’enjoignit un membre du jury.

Comment ça, « alors » ? Il ne venait tout de même pas de découvrir qu’il n’y avait pas d’autres chaises que celles sur lesquelles ses acolytes et lui étaient assis ?! J’étais totalement désorientée par la situation. Je n’étais plus du tout apte à effectuer l’enchaînement : avec une seule phrase, le jury avait réussi à me déstabiliser. Remarquant mon malaise, Wahcka me tapota l’épaule pour me rassurer. L’un des membres du jury m’expliqua l’exercice :

- Vous allez devoir retirer l’énergie de cette pierre que vous voyez devant vous.

Je mis du temps à assimiler le sens de la consigne. Ne devais-je pas exécuter l’exercice que je répétais depuis des semaines ? Je n’avais jamais appris qu’une pierre pouvait contenir de l’énergie, je n’avais donc aucune idée de la technique à utiliser pour réaliser l’exercice ! je commençais sérieusement à stresser. « Je n’y arriverai jamais ! » me dis-je, complètement paniquée. Je jetai un regard désespéré à mon professeur, mais celui-ci se contenta de m’encourager d’un geste de la main. Que cela signifiait-il ? Etais-je censée être capable d’une pareille chose ? Ma vision se troubla, ce que je percevais n’était plus qu’approximatif.

- Eh bien, apprenti Wil ? Commencez !

Je déglutis et avisai l’étrange pierre concernée. Posée sur une table, je ne l’avais pas remarquée. Elle était parcourue de reflets orangés et dégageait une sorte de lourd mystère qui au premier abord m’inquiéta. Quelques veinures sur sa surface rappelaient les captivants mouvements du feu. Elle semblait...vivante. Je ne pus retenir les tremblements de mes mains, prouvant ma détresse et ma panique grandissante. Je tentai de me calmer, mais j’étais dans un état trop important pour que cela fasse quoi que ce soit.

Lentement, je tendis mes mains vers la pierre et inspirai profondément. Mon esprit visualisa bientôt l’habituelle boule d’énergie bleue. Mais je me rendis vite compte qu’elle ne se comportait pas comme celles que je manipulais lors de mes leçons : celle-ci était beaucoup trop agitée et ma main invisible peinait à la maintenir en place. Quelques secondes plus tard, j’étais déjà exténuée, et malgré tous mes efforts l’énergie ne daignait sortir de sa niche de pierre. Mais quel était donc cet exercice beaucoup trop difficile pour moi ? Les autres l’avaient-ils réussi ? « Est-ce moi qui suis nulle ? » me demandais-je contrariée. Si je continuais avec cette technique, je n’y arriverais jamais. Il fallait que je tente autre chose. Comme l’exercice de la plante. Oui, c’était ça, j’en étais sûre. Avec la dernière portion d’énergie qu’il me restait, je propulsai tout ma force dans ma main invisible, qui la transmit immédiatement à la sphère d’énergie. Soudain, un éclair la coupa en deux, puis en quatre, puis en six ! Que se passait-il ? Qu’avais-je fait ? Tout-à-coup, la boule alors découpée en des milliers de petits morceaux lumineux, explosa avec un étonnant bruit sourd, presque doux. Mais cela ne m’empêcha pas de paniquer : j’avais tout raté. Je n’avais pas extrait l’énergie, je l’avais détruite. Les jurys, les yeux ronds, me regardaient avec étonnement. « Même eux, me dis-je, n’ont jamais vu un apprenti faire une telle gaffe. C’est fini, j’ai tout foiré. »

Avec accablement, je me tournai vers Wahcka. Celui-ci me regardait lui aussi avec un étonnement mêlé d’une certaine crainte : celle de me voir recalée. L’un des jurys à la barbe grisonnante annonça :

- L’épreuve est terminée. L’annonce des résultats aura lieu lorsque tout le monde sera passé.

Wahcka acquiesça et posa une main sur mon épaule. La secrétaire, terrée dans un coin de la salle pendant toute l’épreuve, nous reconduisit à la salle d’attente, où nous revînmes nous asseoir aux côtés d’Okho.

L’attente dura. Tout était devenu monotone : les uns après les autres, les apprentis entraient, puis sortaient. Certains avaient l’air confiant, d’autres étaient inquiets, ou encore complètements perdus. Enfin, les quatre membres du jury invitèrent tous les candidats à entrer et tous les apprentis, suivis de leurs maîtres, se pressèrent vers la porte. Lorsque tout le monde fut arrivé à l’intérieur de la vaste pièce d’examen, l’un des jurys prit la parole. Il tenait un parchemin roulé dans sa main droite, qu’il déploya devant ses yeux pour en annoncer le contenu :

- Les apprentis admis en première année à l’école du temple de Shün sont : Avvan Vin Lok, Lorw Vin Keen...

Inquiète, je guettais mon nom dans la liste tandis que l’homme énumérait les noms des apprentis. Il ne venait pas. Celui d’Okho non plus, ce qui me consola un peu. Stressé lui aussi, Wahcka tendait l’oreille. Je levai un regard désespéré vers celui qui énonçait la liste, en espérant encore qu’un miracle se produise. Dix-huit noms étaient passés ; il en restait deux.

- ... Erwan Vin Faït et Wil Vin Dorr.

Je n’en revenais pas. Était-ce bien mon nom qui venait d’être prononcé ? Enfin, mon faux nom, mais c’était tout de même moi ! Et en plus, mon camarade n’était pas pris ! Je faillis crier de joie en plein milieu de la salle, et c’est d’ailleurs ce que firent quelques apprentis. Je vis le visage de Wahcka se détendre et s’illuminer d’un immense sourire. Il me félicita et me sourit de toutes ses dents, consola Okho et lui assura qu’il pourrait retenter de passer l’année prochaine. Quant à moi, j’étais beaucoup trop heureuse pour lui accorder ne serait-ce qu’un peu de mon attention. J’avais réussi. J’avais désobéi à mes parents, travaillé d’arrache-pied jusqu’à en tomber de sommeil, mais ça avait fini par payer. Dans quelques semaines, j’allais réaliser mon rêve, et à cet instant, c’était tout ce qui comptait

************

La charrette ralentit puis s’arrêta devant la demeure de Wahcka. Okho ne décolérait pas, et m’avait envoyé d’injustes brimades tout au long du trajet. Je n’étais pas mécontente d’arriver. Mon professeur accrocha les rênes des cabals, dont les naseaux frémissaient de fatigue, à un anneau ancré dans le muret de pierre et descendit. Okho et moi le suivîmes, le dos en compote et les jambes ankylosées.

- Okho, voilà ta famille.

Effectivement, au bout de la rue s’avançaient un homme et une femme, le dos voûté par la fatigue d’une longue journée de travail. Ils étaient accompagnés d’une petite fille blonde qui, dès qu’elle aperçut Okho, se précipita vers lui.

- T’as ‘éussi Okho, t’as ‘éussi ?

Demanda-t-elle, le regard plein d’espoir. Son frère ne répondit pas et rejoignit ses parents pour leur apprendre le déroulement du concours. Je reportai mon regard sur sa petite sœur, plantée en plein milieu de la rue, les yeux larmoyants. Elle me faisait de la peine : j’étais fâchée contre Okho, mais sa sœur n’y était pour rien.

- Il a ‘éussi ?

C’était à moi qu’elle parlait. Elle posait sur moi un regard plein de confiance, d’attente.

- Okho n’est pas admis, répondis-je, mais il repassera l’année prochaine. Tu sais, ton frère a beaucoup travaillé pour cet examen. Il est courageux.

Ajoutai-je car elle allait pleurer. Mais je n’eus pas le temps de la consoler, car sa mère lui attrapa le bras et la tira en arrière avant de s’éloigner avec son mari et son fils.

Une chauve souris passa juste devant mes yeux. Je remarquai alors que la Lune n'allait pas tarder à se lever. Les oiseaux commençaient à se rassembler en groupes, cherchant un endoit où passer la nuit.

Je reportai mon regard sur la famille qui s'éloignait au loin.

Et voilà. C’était fini, mon rival s’en allait, déçu. J’avais travaillé, j’avais réussi. Mais étrangement, je n’étais pas si emballée que ça... Wahcka me tira de mes pensées.

- Allez, viens ! Nous avons mérité un bon repas.

Je jetai un dernier regard au ciel, rosissant, qui m’avait porté chance aujourd’hui, avant de suivre mon maître à l’intérieur de sa maison.

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