DOUCEUR SUR ELLE
Des idées sombres viennent illuminer cette journée noire.
Trois heures du matin, je ne dors plus.
J'ai exploré, les quatre coins de mon lit, tenté toutes les positions, contorsionné mon corps dans tous les sens. Mais, en vain. Le sommeil a foutu le camp !
Des interrogations me tarabustent l'esprit. Cette envie d'écriture ne me quitte pas, elle a monopolisé mon cerveau telle une cocotte-minute, il est sous pression.
Non, pas un dimanche matin ! Mais que fait mon charmant voisin du dessus debout à cette heure-ci ? Je vais bosser moi après. Mais lui ? Ne peut-il pas continuer à dormir dans les bras de sa bienheureuse.
Je m'en fous, je me lève.
Et toujours cette même envie obsédante : écrire. Pourquoi ce besoin furieux de laisser une trace ? Peut-être est-ce parce-que j’ai un besoin d’éternité.
Écrire, c’est une façon de défier le temps, d’exister au-delà de son propre corps, face aux années qui filent sans demander l’avis. Une femme disparaît dans le regard des autres bien avant que son corps ne s’efface. Moi, je veux rester.
Nos artistes de la préhistoire l’avait compris avant nous. Ils dessinaient leur vie sur la pierre pour ne pas oublier. Sommes-nous si différents ? Moi aussi, je cherche à figer une partie de moi avant qu’elle ne se dilue dans l’oubli.
L’espoir de laisser une trace, c’est peut-être aussi la peur de disparaître dans l’indifférence.
Et puis, il y a cette peur insidieuse. Pas celle des rides, pas celle du corps qui se transforme lentement, mais une peur plus sourde, plus profonde : celle de devenir invisible. Bien sûr que j’ai peur de vieillir. Non pas tant de voir son corps changer, mais de ne plus être regardée, désirée, écoutée.
Alors, où mène ce chemin ? Qui nous guide vers la connaissance, la sagesse, l’aboutissement de soi ? Est-ce nous ?
Si je marche seule, ce n’est pas parce que je suis marginale. C’est une nécessité. C’est mon chemin, celui où je peux m’entendre penser, celui où je peux me comprendre sans me perdre dans le bruit des autres. La solitude choisie n’a rien de triste, elle est un espace libre, où l’on construit ce qui compte vraiment.
Mais ce chemin, est-il réellement prédestiné ? Ou sommes-nous libres de le dessiner, d’en tracer les contours à la lumière de nos choix ?
Je crois que notre chemin n’est pas entièrement prédestiné, mais plutôt façonné par nos décisions, nos passions et nos circonstances. C’est à nous de donner du sens à notre parcours, malgré cette incertitude.
Mais au fond, qu’importe le chemin tracé, les choix faits, les espoirs nourris ? La destination est la même pour tous. Je suis une personne simple qui, simplement, sera jetée dans un trou. Sans cortège, troubadours, ni, lys blanc.
Alors, je fais ce que tout le monde fait. Je reprends le fil du quotidien en fermant la porte de chez moi, et pars en direction de mon travail.
***
Dans les couloirs de l'hôtel, une "collègue de travail" s'avance vers moi.
— Isabelle, ma chère Isabelle.
Elle avance vers moi avec son sourire faussement bienveillant, celui qui semble chaleureux mais n’est qu’une façade. Elle croit que nous sommes égales.
Comme si, sous prétexte qu’elle a élevé seule sa fille, qu’elle a survécu en quittant sa Bulgarie, qu’elle a accueilli cette mère absente sous son toit, cela lui donnait le droit de juger les autres.
Je sens déjà son regard, ce regard qui classe, trie, hiérarchise, toujours à l’affût d’une faiblesse à exploiter.
— Oh, ma chérie ! Ta coupe te va à ravir !
Ce sourire trop large. Cette gentillesse trop prononcée.
— Merci...
Elle tourne autour de moi, inspecte chaque détail comme un bijoutier évaluant une pierre.
— Tourne-toi, que je regarde un peu.
J’obéis, contre mon gré, déjà sur mes gardes.
— Mais ! C’est tout à fait le style que je voulais pour ma mère. Malheureusement, elle refuse que je m’amuse un peu avec sa tête.
Un léger frisson me traverse. Voilà. Ça commence.
— Je te remercie, Isabelle. Dis-moi clairement que j’ai une coupe de vieille femme !
Elle lève les mains, faussement innocente, son sourire effleurant à peine ses lèvres.
— Non, non, tu es vraiment superbe… mais…
Mais. Ce mot, ce poison qu’elle glisse avec une aisance calculée.
— Quel dommage ! Tes racines...
Son regard s’attarde, insistant, lent. Triomphant.
“Et c’est là que quelque chose explose en moi. Parce qu’Isabelle, avec ses jugements déguisés, avec son sourire condescendant, n’a aucune idée des choix qui s’imposent à moi. Parce qu’elle imagine que tout pousse sur des arbres, même ces billets verts, jaunes, violets dont elle rêve sans savoir ce que c’est que de compter chaque centime.”
Elle s’éloigne, fière d’elle, et moi, je la regarde partir.
A travers sa blouse, un peu trop cintrée, se dessine le contour de son tanguy. "Hummm…. Aurait- elle pris un peu de poids ?" Je n'insiste pas devant sa médisance. "Va cacarder ailleurs."
Je serre les poings. “Pas aujourd’hui, Kalia. Pas aujourd’hui”
***
J'imagine, une forêt.
Une forêt magique où, dès l'aube, quand les premiers rayons du soleil illumineraient les arbres aux mille couleurs, j'irais me balader. Si la pauvreté, un jour, venait frapper à ma porte, j'irais là-bas.
A mon chêne, je lui chuchoterais mon désespoir, c'est avec sa magnificence qu'il me tendrait une branche, alors je lui cueillerais quelques fruits pour subsister à ma pauvre existence.
Arrive vers moi, en costume noir, une petite boule de nerfs.
— Kalia, vous avez encore oublié les serviettes dans la cinquante-six, de plus, vous n'avez pas fait les poussières derrière la télévision ! Veuillez je vous prie, vérifier votre bip, vous êtes injoignable ! J'ai besoin de toute urgence de la chambre vingt-sept, les clients sont à la reception. ILS ATTENDENT...
— Oui, Madame, Comme elle est arrivée, elle repart. Oh non... La voilà qui fait demi-tour.
— Veillez à arriver à l'heure demain. Je vous rappelle, la manifestation des gilets jaunes !
Je ferme la porte de la chambre.
Une colère noire m'envahit. Sans réfléchir, j'assène un coup de poing dans la glace de l'armoire.
De douleur, je m'affaisse sur le sol, les genoux recroquevillés contre ma poitrine, ma main gauche tenant l'autre endolorie.
Je pleure.
— Tu deviens folle ma pauvre fille !
— Oh toi ! ça va. Tu ne vas pas remplacer ma mère ?
— Pourquoi pas ? tu en aurais peut-être besoin !
— Si j'ai pris la décision de ne plus la voir, ce n'est pas pour que tu apparaisses à ton tour !
— Sans vouloir te faire peur. Regarde- toi : tu ne parles à personne, tu restes enfermée dans ta bulle, tes humeurs sont changeantes " Jean qui rit, Jean qui pleure". Tu connais ? et, maintenant, tu nous fais des accès de colère. Fais attention, tu frises la schizophrénie, et, bientôt, ce sera quoi ? Un ami imaginaire !
— Ferme la ! Je me relève calmement, reprends mes esprits, nettoie la glace. Je n'ai plus qu'une seule envie, une seule idée rentrer.
***
La journée finie.
Je prends le métro, arrivait sur mon palier j'entends les miaulements de ma Douchka.
J'ouvre la porte.
Elle vient se trémousser contre mes jambes, elle se fait encore plus chatte qu'elle ne l'est. Je pars me détendre un moment sur le canapé, elle me suit, saute sur ma poitrine Les oreilles en arrière, je lui caresse la tête.
Elle ronronne avec douceur.
J'ai la sensation qu'elle me parle.
Elle me fixe. Son regard orange semble s'assombrir vers le marron, il est d'une telle intensité, je suis transpercée, comme envoûtée, je pars, je secoue la tête comme pour me réveiller de cette transe, j'ai dû m'assoupir quelque instant.
"Allez une douche bien chaude me fera le plus grand bien !" je me dirige dans la salle de bain.
Des millions de gouttelettes chaudes ruissellent sur mon corps.
Pour m'exhaler, encore plus cette perception, je commence lentement par ma nuque, mon dos, mes fesses.
Je me retourne. J'offre mon visage à cette petite pluie chaude.
Furtivement, ma main droite frôle mes seins, tandis que l'autre main se promène doucement, le long de ma cuisse gauche et remonte jusqu'a mes fesses pour, ensuite, repartir de l'intérieur de celle-ci.
Mon têton frémit. De la paume de ma main, je le caresse délicatement. Tandis que mon autre main glisse, dans mon entre-jambe.
De la chaleur d'une douche, une chaleur plus profonde, intense, puissante a fait tressaillir, vibrer en quelques minutes mon corps.
Je sors paisiblement de ma douche, enfile mon pyjama, et part me mettre au chaud sous ma couette.
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