SUR LA ROUTE DU POSSIBLE.
Un rayon de soleil hivernal frappe à ma fenêtre, me faisant cligner des yeux.
Quel doux renouveau. Pas de réveil bruyant aujourd’hui, pas de chambre à préparer, pas d’enfants à surveiller. Un jour off. Un vrai.
Allez, ma fille, tu n’oublies pas tes bonnes résolutions !
J’étire mon corps engourdi, repousse la couette, puis, d’un geste décidé, enfile mebaskeet prends la direction du parc.
Sept kilomètres. Ton défi du jour.
J'aime cet instant de plaisir.
Ce moment où l'on se retrouve face à soi même. Aucune mauvaise pensée ne parasite mon esprit, je suis moi. Face à mon corps. Je recherche au plus profond de mon être cette force qui m'habite, elle est juste en sommeil, je prends quelques instants.
Je me concentre sur ma respiration, pénétre au plus profond de mon âme, la réveille, nous sommes deux à présent. Deux, à pousser mon corps, par-delà la souffrance.
Oublier. La douleur, les pensées négatives, la fatigue. Mon mental, ma volonté sont mes focus. Se dépasser, se surpasser. Aller de l'avant.
“Je cours. Pour aller plus loin. Pour me prouver que je peux tenir. Mais au fond, courir, c’est aussi fuir. Fuir ces pensées qui me collent à la peau, comme celles d'hier soir.”
J'entame ma course. Je suis libre ! Sept kilomètres, mon challenge.
Par un petit sentier de terre en pente douce, je commence un running, je le terminerai par une douce montée d'environ une borne.
Neuf heures du matin, l'endroit est encore silencieux, seuls les coureurs chevronnés sont présents. J'aime courir à cette heure matinale, il y règne un calme apaisant.
Des marronniers, platanes et quelques conifères y ont élu domicile. L'herbe est haute et d'un vert si pur, lorsque le vent souffle, elle semble danser, même peut- être chanter. De temps à autre, une pie sort d'un bosquet, sautille gaiement, vient chaparder quelques restes ici et là, laissés par les promeneurs. Puis, fièrement prend son envol en jacassant.
Je change mon rythme de course, il est plus rapide, je me permets d'accélérer de temps en temps, mon souffle est plus court, je suis sur du plat.
“L’air frais sur ma peau, le bruit de ma foulée sous mes pas, et le souffle de ma respiration m’ancrent au présent. Ne plus penser. Juste avancer.”
A cet endroit , il y a un petit étang où demeure une famille de colverts et cygnes blancs. Peu sauvages, ils se prêtent volontiers à des séances de photo, en échange de quelques miettes de pain.
Des pêcheurs installent leur équipement de batterie, de carpe j'entends les écureuils, des détecteurs de touches, lorsque la carpe est au bout de la ligne, de leur bruits strident ils réveillent le pêcheur qui dort dans son biwy.
Madame déplie la nappe en vichy rouge, la place sur l'herbe, sort la glacière, ouvre les chaises pliantes en plastique. Une agréable odeur de café chatouille mes narines. Elle a pensé à tout, jusqu'au thermos " Du café chéri ?" Le chien de chasse flaire les environs. Tout est prêt pour un agréable dimanche.
Je finis mon dernier parcours, le plus long, le plus dur, je change à nouveau ma façon de courir, je resserre mes abdominaux, colle mes bras contre le haut de mon corps, réduis ma foulée, je lève un peu mes jambes, j'écoute ma respiration, ne pas accélérer.
J'enlève le casque de mes oreilles, la musique m'énerve, il me faut un maximum de concentration.
Tel un cycliste de haute montagne, la hargne au ventre, je ne lâche rien.
Je m'auto satisfais.
Sur ma gauche, s'étend un parc, de mille hectares, la promenade hebdomadaire des mémés et pépés suivis du cabot de leur âge. Canne à la main ou main dans la main, ils marchent paisiblement, leur vieux chien dévoué derrière eux, de temps en temps, un banc public les attend. Je les regarde, ils sont beaux, l'amour est merveilleux à tout âge.
Je jette un coup d'oeil sur mon temps : sept kilomètres soixante-quatre, pour une vitesse moyenne de neuf kilomètres vingt par heure, durée quarante-neuf minutes et quarante-neuf secondes. Je peux être fière de moi.
Sur la barrière en fer, je vais m'étirer.
Neuf heures cinquante.
Des leggings fluorescents s' affichent, des strings de moindre complaisance, des poitrines trop fortement dessinées apparaissent, je disparais.
En marchant, je remets le casque sur mes oreilles et voulant remettre de la musique, je m'aperçois d’un mail " Bonjour, je m'appelle François, j'ai quarante neuf ans, et je serai ravi de faire plus ample connaissance".
Fébrilement, je réponds, demande une photo, mes jambes tremblent, je ne cours plus, mais continue à transpirer.
Je le découvre, l'homme de mes rêves ! Ça y est je suis amoureuse ! je suis dans un état indescriptible.
Il a des cheveux noir comme l'ébène, très légèrement poivre et sel.
Des yeux.... à faire se damner une sainte ! d'un marron si profond qu'il vous transperce l'âme, un sourire d'une telle douceur... qui ferait fondre le chocolat d'un ourson en guimauve !!
Les yeux rivés sur la photo, j'en oublie les passants, et me cogne contre un lampadaire qui évidement n'avait rien à faire là à ce moment précis.
Non, impossible que cet Apollon ! s'intérresse à moi.
" Tu as raison ma fille, fuis..... il doit y avoir anguille sous roches, et, puis entre nous, tu es loin d'être une Lara Croft ! " me souffle ma petite voix.
je te donne raison pour une fois ! Je ne lui réponds pas.
Et s’il était différent ? Et si, cette fois, ce n’était pas une illusion de plus ? Je devrais me méfier. Je devrais garder mes distances.
Mais pourtant…
Il y a cette part de moi qui refuse de s’éteindre. Cette part qui veut croire, encore un peu. Pas à l’amour rêvé, pas aux promesses éternelles. Juste à Quelque chose qui ne trahit pas. Qui ne ment pas. Parce qu’on ne sait jamais. Parce qu’il suffit parfois d’une seule rencontre, pour réapprendre à espérer.
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