UNE JOURNEE, UN TROUBLE.

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l'heure du réveil a sonné.

Je repousse la couette d’un geste tranquille. Mes gestes sont automatiques, habituels, ils me réconfortent.

Dans la salle de bain, je retrouve chaque détail familier, mon refuge du matin. Je l'ai aménagé à mon goût et de façon très fonctionnelle.

Les murs sont blancs, le radiateur couleur taupe. Au-dessus du lavabo, j'ai installé un miroir ovale éclairé de trois spots. Le rideau de douche est orné de galets, un panier en osier recueille le linge à laver. Dans un coin, le fameux pèse-personne sur lequel je ne monte pratiquement jamais. Pour m'apercevoir un beau matin d'une prise de poids d'un ou deux kilos, jamais ! Exit la balance !

Derrière la porte, une table rectangulaire en marbre rose reçoit mes "produits de beauté" : crème Nivea, démaquillant, laque, brosse, trousse de maquillage, lunettes et lentilles de contact etc... Une moquette marron chatouille mes pieds.

Je me passe de l'eau fraîche sur le visage, lève les yeux. Mon regard croise le miroir. En surimpression, je vois le visage de François, ses yeux rieurs, ses sourcils levés.

Je ne me trouve pas trop moche ce matin. Je n'ai pas "le teint cireux" comme aimait me le rappeler ma mère, mes yeux ont l'air symétriques, même si je l'ai toujours entendu dire. « Regarde-toi, ma pauvre fille, tu crois que tu as l'air maligne avec un œil plus bas que l'autre ? Je regarde, mais, ne vois pas de différence. Oh ! Et puis, au diable les réflexions désobligeantes de maman chérie. Je suis belle ! François me l'a dit !

***

Arrivée à l'hôtel, c'est d'un pas aérien que je monte à l'office des gouvernantes afin de récupérer le rapport de la journée ainsi que le bip et les clefs.

Que cette pièce est exiguë ! À quelques mètres, un bureau de taille moyenne dans lequel un placard de rangement réunit classeurs, livres, dossiers suspendus ainsi que des boites d'archives. Y sont également rangés des sets de manucure, des brosses à dents, des peignes, des kits de rasage, des chaussons ainsi que des peluches destinées aux enfants VIP.

Attenant à lui, un autre petit bureau. Tous deux sont équipés d'ordinateurs et d'imprimantes. Sur les murs, des tableaux en liège. Plannings, calendriers et tableaux d'organisations pour des nettoyages spécifiques y sont inscrits.

La photo de François passe devant mes yeux.

Je toque à la porte.

Mais, avant de commencer le travail, j'aime fumer une cigarette, je prends l'escalier, sors par la porte de service et m’installe sur le trottoir.

Dans la poche de ma blouse, je sens la vibration de mon téléphone.

Un message. Je souris.

— Bonjour, comment vas-tu ? J’espère que tout s’est bien passé hier soir avec les enfants.

Son attention me touche. Il ne se contente pas d’un message rapide, il cherche à prendre de mes nouvelles.

Je réponds sans tarder.

— Oui, tout s’est bien déroulé.

— Ça me fait plaisir de le savoir. J’espère que ta journée ne sera pas trop fatigante.

Je suis aux anges, mais je n’ai pas le temps de converser avec lui.

— Merci, à toi aussi !

Je prends une dernière bouffée de ma cigarette avant de l’écraser dans le cendrier et de retourner à l’intérieur.

Ma journée démarre sur les chapeaux de roue. Telle une machine de guerre lancée à pleine vitesse, je traverse les chambres sans réfléchir.

15h00. Première à la pointeuse, je passe ma carte et… hop.

***

Je reprends le bus cent vingt-six, direction les enfants. C'est toujours avec joie que nous nous retrouvons, cartables sur le dos, (car il m'arrive très souvent de les porter) nous rentrons, passons ce magnifique parc. Je ne peux m'empêcher de sourire.

— Dit Kalia on peut prendre un bain ce soir ? Me demande mon petit Pierre.

— Oui, bien sûr si tu te dépêches d’avancer.

Arrivés à la maison, comme tous les soirs, le rituel du goûter prend place . Tout ce petit monde s'assoit . Des chamailleries commencent.

— Kalia…. Dit-s’il te plaît je peux avoir une autre tartine s’il te plaît… La bouche pleine, me demande Éric avec ses grands yeux verts.

— Oui, si tu veux mais une seule d'accord ? Comment résister à des yeux d'enfants ?... Comment résister aux yeux de François

Le temps qu’ils terminent je pars en direction de la salle de bain, le préparer.

Le quatre-heure terminé, je débarrasse leur table et commence à préparer le souper. Le regard de François revient encore devant moi.

Soudain... Un cri terrifiant me sort de mes épluchures de pomme de terre.

KALIAAAAA ...

Je lâche mon couteau sur le plan de travail. Il claque contre la surface froide, je n’ai pas le temps d’y prêter attention.

Je traverse la cuisine en trombe, renversant une chaise sur mon passage. Mes pieds s’emmêlent dans les sangles du sac à dos de Pierre, me projetant vers le sol.

Je chute, me voici à quatre pattes, le souffle coupé un instant.

Sans réfléchir, je me redresse d’un geste sec, reprends ma course.

Le couloir est un champ de bataille : des objets traînent au sol, des obstacles imprévus. D’un coup de pied rageur, j’envoie valser des jouets, des chaussons qui ne sont même pas aux pieds de leurs propriétaires et qui traînent, avant de pester contre ces foutus pantoufles qui semblent s'être liguer contre moi.

Et qui est encore dans mes jambes ?

— Pierre sort de mon chemin !!

Ma respiration s’accélère, mon cœur cogne dans ma poitrine. J’imagine le pire !!!

Ça y est, je suis…

— Oh mon Dieu, le bain ! Je l'avais complètement oublié ! Qu'est-ce qui m'arrive aujourd’hui ? Je ne suis pas sur terre…

Nous arrivons tous les deux dans la salle de bain. Je coupe l'eau.

Mais ça va, Pierre, nous avions encore dix centimètres de marge.

— Oui, eh bien, heureusement que j’étais là ! Mais qu’est-ce que tu as ?

— Je n’ai rien.

— Je vois bien que tu n’es pas comme d’habitude. Tu n’oublies jamais rien, et aujourd’hui...

Je prends une inspiration, puis décide de détourner son attention.

— Bon, allez Pierre, va terminer tes devoirs. Où en es-tu ? Tu as fini ta lecture ?

Je pose mes mains sur ses épaules avec douceur, le guidant lentement vers la sortie en direction de sa chambre.

— Mais tu sais très bien que je t’attends pour lire…

— Ah oui, c’est vrai.

Mon petit Pierre est dyslexique. La lecture est une épreuve pour lui, et chaque fois que l’on aborde ce sujet, cela finit souvent en pleurs ou en crises.

— D’accord, écoute, laisse-moi regarder où en sont ton frère et ta sœur, et je reviens vers toi.

Il attrape la manche de mon pull et insiste.

— Non, Kalia, maintenant !

Il me regarde avec détermination. Puis, après un instant, il lâche ma manche et réfléchit.

— Puisque le bain est prêt, je vais le prendre, et après je lirai avec toi.

— Tu me le promets, Pierre ? Parce que l’autre jour, tu m’avais fait la même promesse et, au final, ta lecture a été une vraie CATASTROPHE...

En disant cela, je me redresse et me tiens face à lui, les mains sur les hanches. Un soupir m’échappe. Je déteste ces moments.

Il attrape mes jambes et me serre un instant avant de filer comme une fusée vers la salle de bain.

— Pierre, as-tu préparé ton pyjama et tes chaussons ?

— Non, j'y vais tout de suite !

Après m’être occupée de Pierre, je pars vers la chambre d'Éric Mon petit bonhomme a la tête plongée dans son livre de mathématiques. Cette année, il apprend les grilles de calculs.

Je m’approche de lui et m’accroupis.

— Alors, Éric , comment ça se passe avec ta leçon ?

Fier comme Artaban, il me tend son cahier.

— On devait apprendre la table de multiplication de deux, et je la connais PAR CŒUR !

Je souris.

— Oh, c’est vrai ? — Oui, regarde : 2 x 1 = 2, 2 x 2 = 4… et ça va jusqu’à 20 !

Je lui frictionne la tête, amusée.

— Bravo, je suis fière de toi !

— Kalia ?

— Oui, Éric ?

— Je peux aller rejoindre Pierre dans le bain ?

Il me regarde avec de grands yeux pleins d’espoir.

Je soupire. Voilà ce que je craignais : un bain à deux, une salle de bain transformée en piscine, et du nettoyage à prévoir ensuite.

— Oui, vas-y… N’oublie pas de préparer ton pyjama, et tes chaussons !!!

Bon, maintenant, c’est au tour de la princesse. Ici, nous montons d’un grade. Je frappe à sa porte, j’attends dix secondes, mais elle ne m’entend pas. J’entre doucement et me dirige vers elle. Elle se retourne vivement et remet rapidement un livre sur un autre. Un sourire se dessine en moi, mais je le contiens.

— Où en es-tu avec tes devoirs ?

— Euh... Eh bien, j’ai un devoir d’histoire…

— Super ! Et quel est le sujet ?

Je me place face à elle et essaie de garder mon sérieux.

— Charlemagne.

— Génial ! Et ce brave Charlemagne, qu’a-t-il inventé ?

J’attrape son livre d’histoire pour l’interroger, mais elle semble hésiter.

— Oh ! Il a inventé l’art de faire des dessins en cachette, apparemment…

Je lève un sourcil.

Elle tente de se défendre.

— Tu sais… Ce n’est pas grave si je ne connais pas tout, Papa nous fait réviser.

— Ah oui ? Et penses-tu vraiment que c’est une raison valable pour ne pas l’apprendre MAINTENANT ? Étudier maintenant ne t’empêchera pas de réviser avec lui plus tard. Alors, on s’y met !

J’adopte un ton légèrement ferme.

Je quitte sa chambre, repars en direction de la cuisine, terminer la préparation du diner.

Je reprends mes épluchures de pomme de terre, faisant tournoyer mon économe autour d’elles. Je souffle cinq minutes.

La soupe est cuite, L’heure du dîner a sonné. Je sonne la petite troupe au rapatriement.

— A table !

C’est dans un désordre total que chacun prend place sur les chaises. je ne dis rien, la fatigue commence à s’installer, ce n’est pas la peine de s'énerver. Je lâche prise, mais veille.

Une clé tourne dans la serrure. Un vacarme digne de tous les diables éclate dans la maison, des cris de joie s'élèvent. PAPAAAAA…

Le papa est rentré, il embrasse ses enfants un à un, puis s’adresse à moi.

— Bonsoir Kalia, tout s’est bien passé aujourd’hui ?

— Oui, monsieur. Je lui fais un court débriefing de l’après-midi.

J’embrasse les enfants, prends mon sac et quitte la maison.

Dans le bus, le trajet me berce doucement. Les lumières de la ville défilent derrière la vitre, mon esprit vagabonde.

Malgré le rythme effréné de la journée, une pensée reste ancrée dans mon esprit : François.

Son message du matin, sa voix dans son écriture. Mon cœur s’emballe légèrement à cette idée.

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