Un échec majeur… Le mot claque un peu trop fort, mais dans ma mémoire il en reste un, comme une cicatrice que je n’ai pas vraiment à cacher. Je venais d'avoir vingt ans. Je croyais que mon premier grand amour serait une aventure qui me porterait haut, plus haut que mes carnets débordant de poèmes ou mes nuits passées à refuser de dormir parce que la vie me brûlait trop fort. J’avais fait de cette histoire un roman, et de lui, un héros. Et bien sûr, la réalité s’est effondrée sous le poids de mes attentes. L’amour n’a pas tenu, et moi, j’ai chuté très bas.
Sur le moment, j’ai cru que cela venait d'une faillite intime : j’avais échoué à être suffisamment aimable pour que l'on m'aime en retour. Mais avec le temps, j’ai compris que cet échec était autre chose. Qu’il m’apprenait une vérité essentielle : je ne suis pas réductible au regard d’un autre. Qu’il ne fallait pas confondre être aimée et exister.
Depuis, chaque fois que je rouvre un carnet et que l’encre s’acharne à retourner le chaos en quelque chose de lisible, je repense à cette chute. Elle m’a appris à être plus douce avec mes contradictions, et plus lucide envers les illusions que j’attache aux autres. Elle m’a aussi révélé qu’on n’est jamais vraiment seul dans ses échecs : chacun porte ses propres défaites avec plus ou moins de grâce, et l’on tisse les liens les plus solides en osant les partager.
Alors oui, mon plus grand échec m’a brisée un temps, mais il m’a aussi forgée.