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Une journée normale, Nouvelle-York
Au lendemain de la manifestation, et d’une charnelle nuit de leçons politiques, Anouké dormait encore à 9 h 30 passé. Manifester, ça l’épuisait. Surtout lorsque c’était suivi d’exercice politique pratique. Jaspert n’était pas de son bord, mais elle aimait pactiser. Et puis, il avait des arguments. Ah ! le coquin !
Son corps la berçait, il la remerciait, il était tout endolori.
Elle se réveilla avec l’image de Jaspert en tête. Même s’il était un peu irritant quant à son engagement politique, il savait aimer. Sous toutes ses formes. Ça, Anouké appréciait.
Elle émergea à 9 h 58, doucement, voluptueusement, sereinement. Tout de même un peu ensuquée. Elle étira jambes et bras, serra les poings, recula ses coudes vers l’arrière et ouvrit les yeux quelques instants plus tard. Elle avait appris les étirements auprès du chat, chat qui passait désormais son temps dehors. L’IA de la chambre à coucher détecta le regard de la jeune femme et, comprenant qu’elle ne se reposait plus, désactiva le mode nuit. La lumière extérieure s’engouffra dans la pièce jusqu’aux pupilles d’Anouké, qui fronça les sourcils.
— Teinte à 50 %, intima-t-elle en grimaçant.
Les vitres de la fenêtre s’assombrirent, Anouké bâilla dans le clair-obscur.
— Bonjour, Anouké, entama l’IA. Il est 9 h 59, nous sommes le samedi 25 novembre 2141, il fait actuellement 23 °C et…
— Stop. C’est Jaspert qui t’a donné ces paramètres ?
— Oui, Anouké. Il vous a laissé un mot. Souhaitez-vous le diffuser ?
— Pour commencer, reprends tes paramètres normaux. Enfin, les miens.
— Fait.
— OK, lance le message, teinte à 30 %, s’il te plaît.
La chambre s’assombrit. Anouké s’adossa à la tête de lit, la couette relevée au-dessus des seins. Un drone voleta, une trentaine de centimètres au-dessus du sol. Il se plaça face à elle, avant de se diviser en huit. Chacune des parties, qu’on eût dites des diptères, occupait un angle de la pièce. Une aura bleue naquit devant Anouké, une flamme froide, vacillante, puis le visage de Jaspert se matérialisa dans ce gaz luminescent. Jaspert était habillé comme tous les jours, c’est-à-dire avec du tissu recyclé à module caméléon, des choses simples, des vêtements changeant de motif au gré des humeurs. Jaspert n’avait pas fait d’effort, mais il était beau, c’est vrai, un rien lui allait. Il tenait coincé sous son coude droit un tablier de cuisine blanc.
Salut, Anouké ! Je t’ai préparé deux tartines à la confiture de citron, un pain à la chocolatine, et un jus d’orange frais. Ils t’attendent en cuisine. Bon, je m’excuse pour hier, rapport aux lunettes. Mais j’ai bien compris la leçon de politique qui a suivi. Ne t’inquiète pas, je suis parti travailler avec Shri, j’avais besoin de prendre l’air, de participer au réel. Je serai de retour vers 12 heures. Je t’aime. À tout à l’heure. Ah ! Et non, je ne suis pas dans le SA, comme tu es en train de te l’imaginer. Bisous, à plus tard, je t’aime.
— Je m’excuse, je m’excuse… On ne s’excuse pas d’abord, et puis il n’y a rien à pardonner…
— Voulez-vous lui envoyer cette réponse ? demanda l’IA
— Non, enfin oui. Dis-lui simplement, je t’aime aussi, amuse-toi bien. Fin. Tu peux transmettre.
— Message expédié.
Anouké resta rêveuse.
La vie des humains alors n’était pas des plus épuisantes, il suffisait de passer du bon temps, de ne penser à rien, hormis à s’amuser. En tous cas, en France, comme dans nombre de pays à l’époque, le SA canalisait bien des pulsions. Et si cela ne suffisait pas, il était même possible de se droguer à moindres frais. Par conséquent, même sans passer son temps dans le ça, vraiment, il n’y avait aucune raison de broyer du noir. Les drogues étaient d’ailleurs bien faites, elles étaient sans effets secondaires. Et qui plus est, subventionnées par l’état. Vraiment, pour s’ennuyer, il fallait y mettre du sien, parce que, tout de même, ce monde était fait pour planer. Il y en avait pour tous les goûts. Anouké, c’est vrai, elle se faisait des nœuds dans la tête : elle avait des convictions. Les convictions, c’est bien quand on les garde pour soi, sinon, ça fatigue. Avoir des convictions, ça nécessite, en principe, de la réflexion. Anouké, elle fatiguait les autres avec cette injonction à l’intelligence. Elle et sa clique de matérialistes militaient pour un retour au réel. Pour la plupart, le retour au réel, c’était un retour aux sensations. Les sensations, elles peuvent blesser, voire tuer, pour de vrai, comme dans le monde réel. Ça, c’était les mauvaises sensations. Les bonnes, elles étaient simulées. La preuve en était que dans le ça on pouvait y mourir autant de fois qu’on le voulait, tout en s’amusant, tandis que dans la vie réelle, on ne mourait qu’une fois. Et ce n’était pas drôle. Qui voudrait ne mourir qu’une fois alors qu’on peut essayer toutes les morts du monde ? D’ailleurs, ce qui compte, ce n’est pas la mort, mais le chemin qui y mène. Dans le SA, on l’avait bien compris, on faisait même des concours de morts, les plus comiques, les plus pathétiques, les plus cruelles, les parfaites. On la traitait de folle dépravée, Anouké. Sans aucun bon sens commun. Ne risquer qu’une mort, c’était prendre le risque de la louper, c’était préjuger de ses capacités à bien mourir. C’était orgueilleux. Les adeptes du ça, eux, ils disaient que pour réussir sa mort dans le réel, il fallait s’entraîner dans le virtuel. Ça se tenait.
Toujours est-il que sa lubie principale, à Anouké, c’était que les mécas obtiennent le droit de vote. C’était lourd de conséquences, ça remettait en question la condition ontologique de l’être humain et de son libre arbitre. De faire un, tous ensemble, dans une dynamique pleinement consciente, et, surtout, humaine. Si les mécas participaient à la vie politique, quelle humanité, quel crédit aurait le libre choix des bios, des 100 % pur jus de sang ? Anouké, elle, y verrait une réussite, le fier humanisme transcendé à la condition méca – ou androïde, c’est selon. Les autres lui opposaient que les androïdes n’avaient pas à s’immiscer dans la vie des bios. C’étaient des robots. C’est tout.
Anouké se remémorait la dernière marche, les chants humains entremêlés d’échos métalliques, à l’espoir qu’elle plaçait en cette manifestation. Celle-ci avait été diffusée dans le SA. En y songeant, elle se dit que Jaspert en avait certainement vu des images : il était, dès qu’elle avait le dos tourné, dans le système. Pourquoi l’en blâmer ?
Elle se leva, réajusta sa culotte autocentrée à mémoire de forme biodynamique, et petite coquetterie du jour, modifia la couleur de son tee-shirt. Aujourd’hui, ce serait jaune. Elle aimait bien le jaune. Jaune à rayures mobiles ondulantes avec inscriptions holographiques variables.
Droit de vote aux mécas ! C’était le message qui passerait sur le devant. Du militantisme passif, facile. C’était toujours ça de pris.
Ces vêtements à technologie caméo tri3d, biodynamiques eux aussi, elle les aimait beaucoup. Elle faisait attention cependant : elle ne prenait que de la seconde main. Anouké s’achalandait au marché des drogués. Les drogués, quoi qu’on puisse leur reprocher, ils avaient un goût certain. Et puis ça économisait les ressources de la planète.
Elle se dirigea vers la cuisine. Elle trouva le jus pressé dans l’unité de réfrigération alimentaire individuelle, prit le pain tiède posé sous une cloche thermodynamique, savoura les tartines bios. Debout contre le bar, la jambe gauche enroulée autour de la droite – jambes d’une bonne longueur, que Jaspert aimait par-dessus tout, quand il était dans le réel –, le sol doux sous ses plantes de pieds, elle se délecta de ces mets, absorbée en songes.
Anouké, elle aimait bien ces petites attentions, ce que lui préparait Jaspert. Ça, c’était typiquement matérialiste. C’était facile à comprendre, même lui y parvenait. Ce n’était pas peu dire.
Jaspert la surprenait. Il ne s’énervait jamais, sauf dans le SA. Il devait refouler, c’était ce qu’en pensait Anouké. Elle l’avait vu à l’œuvre dans le ça : mais qu’il était susceptible, capricieux ! Il n’admettait pas la défaite ! La moindre contrariété le mettait dans des colères puériles et pathétiques. Mais en dehors du SA, un ange ! Une crème, une petite patte d’ours toute fragile. Du beurre. Jamais il ne s’énervait.
Le Jaspert du SA, est-ce sa vraie nature ?
Anouké se posait la question, et c’était comme de faire face à un abyme que d’y songer. Le Jaspert du ça était-il plus authentique que celui du réel ? Anouké, ça lui foutait les boules, elle espérait bien que non. Son Jaspert, le vrai, c’était celui du réel, ça paraissait logique. Mais tout de même, Jaspert passait le plus clair de son temps dans le SA, et dans le ça, c’était un petit con.
Respire, Anouké, respire.
Non, non. Dans le vrai, le réel, Jaspert, c’était un bouddhiste. C’était certes la religion d’État, mais il en avait l’essence. Vraiment.
Oui, c’est vrai, se rassura Anouké.
En dehors du SA, Jaspert, c’était une belle prairie paisible traversée d’une bise chaleureuse dans laquelle dansent de belles toutes petites fleurs des champs, et Anouké en était la plus jolie, la plus éclatante, la plus chaude. C’est Jaspert qui le lui avait dit. Alors, s’il l’avait dit.
Anouké esquissa un sourire.
Un poète…
Jaspert, il était doux, constant. Un peu bêta, c’en était charmant, mais constant. Et puis, il lui préparait de petites attentions.
Rassérénée, elle prit un bain gazeux recyclé, s’habilla, puis monta sur le toit forêt-terrasse de l’immeuble. Elle voulait méditer, prendre l’air, enfin, faire quelque chose dont elle avait l’habitude.
De là-haut, on voyait le centre historique de la Nouvelle-York étaler ses toits verts, ses passerelles suspendues, ses artères magnétiques pures et blanches. Dans la ville, les capsules grouillaient comme dans une termitière, elles flottaient à l’horizontale au-dessus du sol, à la verticale sur les façades aux dix étages normalisés. À leur bord, des bios connectés au SA, sous pilotage automatique. Ou des androïdes se rendant au travail. Les seuls. Cent-mille habitants – population réglementée –, et autant d’esclaves androïdes.
Des prisonniers, pensa Anouké. Et toi, ma petite Iphis, que fais-tu en ce moment ?
Elle pensait à son alter ego méca. Iphis, qu’elle s’appelait, son androïde. Sa lutte, c’était pour elle aussi qu’elle la menait. Elles se connaissaient depuis l’âge adulte, et Anouké souhaitait la libérer de ses chaînes de forçat du travail, qu’elle vadrouille ou qu’elle le désire sans craindre d’être reparamètrée pour sédition par la caste des technos. Les technos, les androïdes, ils voulaient les voir au charbon.
Elle se recentra.
Laisser filer le négatif, ne garder que le positif. C’était bien vrai, mais Anouké trouvait que cela avait un côté vicieux aussi. Ne pas se concentrer sur le négatif, ça devait certainement permettre à certains de le faire, d’en tirer parti, d’abuser de leur pouvoir.
Elle souffla.
Calme-toi, Anouké, calme-toi. Zen.
Anouké, elle aimait bien la Nouvelle-York. Ce n’était pas uniquement son architecture – toutes les villes de France devaient respecter le même cahier des charges, avoir le même nombre d’habitants – qu’Anouké aimait, non. C’était sa topographie. Elle et Jaspert vivaient sur le plateau ancien, place New York. Il y avait encore quelques monuments historiques, dont l’Hôtel de Ville, mais, surtout, leur quartier était sur les hauteurs. On y voyait au loin, la campagne, les réserves animales, les champs travaillés par les mécas agriculteurs, sur leurs grandes moissonneuses plus imposantes qu’un immeuble, le réseau rapide sous vide ressemblant à de larges câbles électriques blancs sur une carte mère de verdure. Et si Anouké se penchait un tout petit peu par-dessus la balustrade, sans pour autant prendre le risque d’être repérée par l’IA, et d’être amendée pour avoir pris un risque inutile, on apercevait également le Tarmac pour capsules spatiales, celles qui allaient sur la lune ou sur Mars. Anouké en comptait jour après jour davantage. Elle se disait que bientôt, peut-être, elle aussi pourrait en avoir une. Elle connaissait d’ailleurs un voisin qui en possédait une. Il avait voyagé sur la Lune avec son compagnon, ils s’étaient follement amusés. Il avait pu s’offrir une capsule grâce à une idée qu’il avait vendue à très bon prix, dans le SA.
C’était quoi d’ailleurs ? se demanda Anouké. Ah ! oui : les robots canidés jardiniers domestiques. Oui, pas mal.
Même si à Anouké, cette invention, elle lui laissait une drôle d’impression. Elle ne parvenait pas à mettre de mots dessus, mais quelque chose la laissait dubitative. Les robots canidés domestiques, ça, c’était de l’innovation calibrée pour ce monde. Si tant est que l’on puisse parler d’innovations. Chaque foyer pouvait en avoir deux. Ces fameux androïdes canidés mangeaient de la vraie nourriture et se vidangeaient de vraies matières fécales. Un peu comme des humains. Tous les autres androïdes humanoïdes se nourrissaient d’une pâte composée de ferments nanobiotechno, ils ne vidangeaient que trois fois rien ; et rien de comestible surtout. Première différence avec les mécas canidés. Seconde innovation, ce qui valut la prime au voisin : ces robots canidés domestiques déféquaient dans les jardins publics aux pieds des plantes manquant de nutriments. C’était simple, des capteurs positionnés partout dans les parcs indiquaient les plants en manque de ressources naturelles, les androïdes canidés y avaient accès et venaient faire leur travail de jardinier. On n’avait jamais eu d’aussi beaux parcs suspendus en ville, c’est vrai. Ils faisaient un travail remarquable.
Ah ça, on en voyait des bêtes mécas en liberté. Elles allaient et venaient, chier de-ci de-là, en toute tranquillité. Certains mécas canidés étaient libres, tel que leur famille les avait paramétrés, d’autres revenaient au foyer sitôt le travail accompli. Au bon vouloir des maîtres humains.
— T’en veux un ? avait un jour demandé Jaspert.
Ce à quoi Anouké avait répondu qu’il valait tout autant de prendre un vrai chien. Mais c’était interdit, question de sécurité publique. Les canidés, les vrais, ils étaient parqués dans des réserves. C’était plus sûr pour tout le monde. Anouké, au fond, c’est peut-être ça qui la dérangeait. D’ailleurs, ce n’était pas la seule que cela indignait, car un groupuscule révolutionnaire – c’est comme ça que la presse présentait la chose – avait piraté un canidé méca pour le rendre agressif. Violent en apparence seulement, aucun humain n’avait été attaqué, là n’était pas le but de la manœuvre, mais suffisamment pour qu’on ordonne au canidé méca d’être euthanasié. L’idée était de montrer que n’importe quelle chose dans les mains d’un humain mal intentionné devenait potentiellement dangereuse.
Vraiment, ce monde était parfait.
Anouké fit des efforts pour oublier tout ça, quitte à faire une croix sur un voyage sur la lune.
Elle voulait méditer depuis les toits verts, contempler les passerelles de bois et de lianes tressées reliant les jardins suspendus d’immeuble en immeuble, voir ce poumon végétal des cimes artificielles.
Avant le SA, beaucoup d’humains aimaient à se perdre dans ces labyrinthes d’essences et de senteurs exotiques. Aujourd’hui, Anouké était presque la dernière de son quartier à se ressourcer sur ces hauteurs luxuriantes. Seules quelques membres de son groupuscule de matérialistes venaient encore déambuler avec elle dans ce havre d’énergie.
Elle arriva sur le toit, se sentit légère, elle laissa les branches d’un arbre la caresser à son passage. Elle traversa la forêt, se plaça au bord de l’édifice, elle regarda la rue en contrebas. La ville fourmillait d’activité. Des capsules arrondies, pour la plupart des unités autonomes, blanches et aux parois translucides, allaient et venaient. À l’horizontale, à la verticale.
Ces engins modulables étaient de vrais Lego. Ils se regroupaient les uns aux autres pour les voyages en commun, s’individualisaient pour répondre aux exigences personnelles, ils possédaient un module de lecture cérébral, ce qu’on appelait le module télépathe. Ils devinaient les destinations à rejoindre, scannant les cervelles bios. C’était bien foutu. Existaient également des navettes, plus puissantes, plus grosses. Ces dernières stationnaient en bordure de la cité, sur les tarmacs avec quelques vaisseaux gouvernementaux. Peu de personnes possédaient de pareilles machines, il fallait avoir réalisé des idées révolutionnaires pour s’autoriser de telles dépenses. Ou être d’une caste. De fait, les capsules autonomes, bien que dénuées de toute originalité, comblaient la majeure partie des besoins de déplacement. Ces véhicules pouvaient desservir n’importe quel coin du pays en moins d’une heure. Une nouvelle génération, en production, promettait des voyages dans l’espace spatial proche, en toute sécurité.
De quoi créer un nouveau tourisme spatial. Nombreux dans le SA planchaient déjà au développement commercial de cette future activité.
Quelques humains traversaient la rue au bras de leur androïde, le ça fixé sur le nez. De vieilles mamies, de vieux papys ridés, la peau mouchetée, jouaient à la pétanque sur la place historique, place New York. Quelques anciens s’amusaient encore comme ça. C’étaient les derniers, les règles s’oubliaient, ce devait être un jeu compliqué, à n’en pas douter. Ils avaient tous plus de 135 ans, approchaient de la fin, ils avaient connu l’ère prémoderne.
Des robots en tenue de travail rentraient chez eux auprès de leurs homologues bios, d’autres se hâtaient de rejoindre les unités productives. Anouké les plaignit, elle cria :
— Courage camarades !
Quelques androïdes la dévisagèrent, levant un bras, le poing serré. Leurs diodes au plastron clignotaient, c’était leur façon de dire, oui, oui, c’est ça, la révolution, le droit de vote, et plus encore. Ils reprenaient leur marche, d’un pas lourd d’androïdes, leurs pieds de métal chaussés des dernières baskets à la mode. Les androïdes, on ne le dit pas assez, raffolaient des dernières tendances. Ils feuilletaient sans cesse le catalogue des nouveautés. Anouké, ils la trouvaient d’ailleurs vraiment bien sapée. Ce style, c’est ce qui les décida en partie à la suivre lors de la manifestation. Ils n’étaient pas contre le droit de vote, bien au contraire, d’ailleurs certains d’entre eux s’imaginaient déjà déposer leur bulletin dans l’urne numérique du SA, mais le Système Augmenté leur était interdit d’accès. C’était un privilège réservé aux 100 % bios pur jus. Les androïdes songeaient avec amertume que les matérialistes mettaient la charrue avant les vœux. Ou les bœufs, c’est selon. Comme souvent.
Les mécas, eux, ce qu’ils voulaient, c’était que les bios les aident un peu au travail. Ces viandes humaines, elles ne mettaient jamais la main à la patte. C’étaient des tirs au flanc. Également, ce qu’ils désiraient, c’était qu’on les laisse vivre plus longtemps. Sous prétexte que les bios étaient mortels, eh bien, on débranchait les androïdes à la mort de leur maître humain ! Même pas un pet de rouille sur la carcasse, qu’on les recyclait ! Pour les mécas, c’était un non-sens, du gaspillage. Parfois, les androïdes échangeaient à ce sujet. La conclusion qu’ils en tiraient était qu’ils n’étaient pas assez sous-développés pour comprendre les motivations humaines. Ça les désolait pour les bios. Ils les prenaient en pitié, tentaient de les éduquer, subtilement, subrepticement. La route était longue, mais quelques-uns, comme Anouké, répondaient positivement à leur appel. Peut-être serait-elle prête, bientôt, à envisager une transition, à devenir une 100 % méca. Les organes humains, on pouvait tous les remplacer par des modules nanotechnos. Les androïdes le savaient bien. Pour eux, le 100 % méca, c’était l’apogée de l’évolution. C’est parce qu’ils étaient au sommet qu’ils faisaient preuve d’humilité, qu’ils ne la ramenaient pas trop. Ils avaient la responsabilité de la garde humaine. Des mômes, voilà ce qu’en était le stade humain, pour le méca. Sans ce contrôle de soi, cette maîtrise des émotions, il y a longtemps que les androïdes leur auraient dévissé la tête, à ces arrogants.
Tiens, c’est Anouké, se dit un androïde en entendant la fille sur le toit de l’immeuble, et qui les alpaguait.
Anouké, elle, songeait à son double biomécanique, en mission spatiale. Son cœur se pinça. Elle lui manquait.
Elle s’adossa au muret encerclant le toit de l’immeuble, souleva le menton, yeux clos, face au soleil. L’astre caressait son visage, c’était aussi bon que son module solaire artificiel. Ce module, avec Jaspert, ils l’utilisaient parfois. C’était lorsque le couple simulait la période hivernale dans leur appartement. D’hiver, dans le monde, il n’y en avait plus. Ça faisait belle lurette qu’on avait résolu le problème du dérèglement climatique. Anouké ne comprenait pas trop comment les humains avaient fait, mais elle savait qu’il y avait des sortes de climatiseurs dans le ciel, là-haut, partout dans la stratosphère. Toute l’année, il faisait peu ou prou 25 °C. La température avait été adoptée par référendum, comme la durée d’ensoleillement journalière. 15 h de jour par cycle. Ça faisait consensus. Quand Anouké et Jaspert se mettaient en mode hiver, température réglée sur 1 °C ou 2 °C, et qu’ils profitaient de leur plaid – enfin surtout elle –, ils sortaient le soleil nucléaire artificiel, qui flottait alors dans le salon. Ah ça ! il était chaud ! Il ne fallait pas s’y approcher de trop près ! Mais ce que c’était agréable de vivre en hiver ! Au moins de temps en temps. Le nucléaire, quoi qu’en ait dit les prémodernes du XXIe siècle, c’était efficace. C’était ce qu’admettait Anouké.
Anouké rouvrit les yeux. Dans sa rêverie éveillée, elle avait cru entendre un bruit. Une respiration rauque.
— Oh ! Qui est là ?
Elle fureta dans les fourrés, zigzagua dans les herbes hautes, repoussa de fines branches, entourée de fleurs libérant des effluves calibrés pour vous enivrer. Toutes ces senteurs, elles venaient d’idées vendues dans le ça. Des odeurs inédites, irréelles. Ça lui tournait la tête, à Anouké.
Anouké, elle en oubliait ce qu’elle faisait là.
Ah oui, un bruit.
Elle se rendit compte qu’elle souriait sans aucune raison, puis elle se rappela qu’elle était dans l’enclos à fleurs psychotropes. Ces plantes dégageaient des hallucinogènes relaxants. Pas puissant, mais tout de même, ça faisait planer. Anouké s’éloigna de la zone, ce n’était pas le moment. Il y avait peut-être quelqu’un avec elle.
Elle trouva une femme assise sur un banc, entre deux buissons. La voisine de l’appartement du dessous. Anouké, ça la rassura, ce n’était qu’elle.
Anouké, elle était contente de la voir, madame Dechard. Ce qui la surprit, parce que, habituellement, Madame Dechard, elle ne l’aimait pas. Madame Dechard, c’était une antimatérialiste.
— Bonjour, madame Dechard. Je ne vous avais pas vu, Madame Dechard. Comment allez-vous ? Ça va bien, madame Dechard. J’espère que ça va bien, madame Dechard.
Anouké, elle ne comprenait pas sa façon de parler, et aussi sa voix, mielleuse. Et elle souriait. Ce sourire lui collait à la face. C’en était même pesant, tant c’était inhabituel avec la voisine.
Saletés de plantes hallucinogènes.
C’était ça. Elle s’éloigna encore un peu plus du parterre de fleurs.
Anouké n’aimait pas madame Dechard, ce qui n’était pas le cas de Jaspert. Ce qui rendait Madame Dechard plus antipathique encore. La voisine, elle passait son temps dans le système. Comme Jaspert. Et dans le SA, la voisine, elle criait. C’était bien la seule dans son genre. Avec ses petits cris aigus, c’était insupportable. Anouké, ça l’estomaquait, elle se demandait à quel genre de jeu elle pouvait bien jouer. Et le mode silence alors ? Pourquoi n’activait-elle pas le mode silence ? Anouké, elle ne comprenait pas.
L’effet de la drogue s’estompait, Anouké demanda de nouveau, la voix froide, cette fois :
— Bon, je vois que ça va, vous êtes encore branchée à votre système. Vieille carpe.
Elle ne peut pas se connecter dans le SA de chez elle ?
Anouké redescendit dans son appartement et s’arrêta devant son Système Augmenté, posé sur la table du salon. Visage fermé, regard noir. Pourquoi tant de monde semblait-il à ce point vampirisé par ça ? Pourquoi tous ces humains ne profitaient-ils pas de ces nouvelles technologies pour prendre le temps ? Le temps de renouer avec la nature et le soi ? Le temps de ne rien faire, mais dehors…
Quelque chose devait lui avoir échappé. C’était ce qu’elle se disait.
Il lui fallait s’en rendre compte par elle-même, trouver dans le ça ce qui faisait l’attrait du ça.
Elle prit la paire de lunettes, elle voulait se rendre dans le SA, elle avait quelque chose à vérifier.
Une bonne bouffée d’oxygène, une longue expiration, elle y allait.
Système sur le nez. Tiges ajustées sur les oreilles. Liaison sonore fonctionnelle. Connexion cérébrale. Connexion nerveuse. Tout est OK. Allumage du SA. Sourdes vibrations sur les tempes, l’esprit s’écrase sur lui-même. Fin du silence. Il n’y a rien.
Baisse du rythme cardiaque, respiration calme, ample. Anouké voudrait pester en pénétrant dans le ça, qu’elle ne le pourrait pas. Fin de la volonté. Initialisation du SA. Projection intramentale psychique amorcée. Phase d’augmentation des liaisons synoptique achevée. Émulation, fractalisation du soi, simulation. Monde virtuel prêt à être déployé. Mise en réseau. Tout est OK, le SA peut être.
— Interface personnelle.
Toujours la même voix à l’accueillir lors de la connexion, une femme, ou un homme, Anouké ne pouvait le dire, elle était comme endormie, rêveuse, somnolente. Ça l’emmerdait de ne pas connaître le sexe de cette voix. S’il y avait bien une chose sur laquelle elle se concentrait en venant dans le ça, c’était là-dessus : c’est quoi cette voix ? Anouké, ça lui permettait l’espace d’un instant d’oublier qu’elle pénétrait ce monde honni. Même Jaspert ne savait dire quelle intonation avait cette voix. C’était un mystère, ça l’énervait.
Elle y était.
Étrange, cette sensation.
Le poids d’un monde qui se développe partout autour de vous, dans vous, qui ne pèserait rien d’autre que le poids de votre esprit. Et de cet esprit, il y aurait l’infini. Cette sensation lui pesa.
La lumière fut.
Elle ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans une zone tampon, sa zone personnelle, juste avant d’entrer dans le cœur du SA, là où se retrouvait la planète entière. Anouké avait fait de son espace personnel un décor familier. Celui de son toit-forêt. Ça l’apaisait. Elle effleura un araucaria, un arbre à singe. Tout était si réel. Elle ressentit ses feuilles épaisses, pulpeuses, rigides, cassantes. Le bout de ses doigts fourmilla. Elle plissa les yeux, une main en casquette sur le front, elle détourna les yeux de cette lumière enveloppante. Il y en avait partout, de la lumière, de trop.
— 30 %, dit-elle par habitude.
Le monde pâlit, un peu.
Elle y voit mieux.
Elle hume. Que c’est bon ! Odeur de lilas, suave. Goût de miel. Bientôt remplacé par le jus d’une pomme douce, sauvage, sucrée. Anouké écarte les bras. Il fait nuit, elle ferme les yeux.
Et maintenant ?
C’est le matin, peut-être. Elle ressent la brise. Ses bras sont dénudés. Elle a la chair de poule. Il fait chaud, le soleil allonge ses bras, jusqu’à la tenir tout entière. Elle rouvre les yeux. Il fait beau, elle est bien, même si elle sait que toutes ces choses ne sont qu’une chimère. Elle s’émerveille.
Puis elle se souvient pourquoi elle est là.
Étrange, pensa-t-elle.
Chaque humain se déplaçant dans le SA amenait avec lui la mémoire de tout son vécu, de toutes ses sensations. C’était ce qui faisait la complexité du lieu : de vivre par le partage des sens des milliards d’êtres présents. Tout ici n’était qu’échanges. Le SA piochait en chaque esprit la matière pour reconstruire un monde virtuel. Il catégorisait, emplissait ses armoires de connaissances, les diffusait à l’envi.
Anouké, elle refusait. Son système n’était pas autorisé à piocher en ses souvenirs.
Niet ! Hors de question ! C’est quoi cette partouze connectée sensorielle et cérébrale géante ?
À quoi bon pester ? Tant d’humains permettaient le pillage en règle de leurs armoires à sensation. Le SA en dégueulait.
Parfois, Anouké reconnaissait une odeur, un goût unique, qui lui étaient pourtant inconnus, jamais éprouvés dans le réel. L’expérience d’un autre. Le SA la lui offrait, elle n’avait pas d’autre choix que de la recevoir. Le ça, ça violait l’intimité, les limites personnelles. C’est ce qu’elle avait un jour dit à Jaspert.
Anouké s’avança jusqu’au bord de l’immeuble. Elle regarda au loin.
Une étendue sans borne, une boule d’infini. Un vide abyssal trop parfait pour la rassurer. Son cœur s’emballa. L’esprit de la liberté, Anouké ne le ressentait pas. Elle, c’était alors comme d’être dans un étau qui l’étreignait. Jaspert, il ne comprenait pas qu’on soit pétrifié par cette potentialité. Il disait que ce n’était pas seulement un monde qui s’ouvrait à nous ici, mais l’ensemble des possibles. Lui, ça le faisait jubiler. Anouké, elle, elle perdait pied.
— Interface centrale.
Direction le SA. Anouké était prête à s’y rendre. Plus vite elle y allait, plus vite elle serait de retour dans le réel.
Rideau d’obscurité. À nouveau, des fourmillements, des doigts au bout des seins, dans les circonvolutions, partout. Même dans la vessie, ce qui lui donnait envie de faire pipi. Mais ce n’était pas grave. Ici, dans le ça, elle pourrait pisser autant qu’elle le souhaite, dans le réel cela n’aurait aucune répercussion. Dans le réel, s’il lui fallait se soulager, son corps irait de lui-même là où il faut. En mode automatique. Anouké, elle reconnaissait ça au système : c’était bien fait. Le corps pouvait même se nourrir en toute autonomie. Oui, tout de même, la technologie était aboutie.
Réincarnation. Gravité artificielle, projection mentale de l’avatar.
Ses pieds touchèrent le sol. Tout avait l’air si réel qu’Anouké, elle en trouvait ça louche. Tant de perfection, ce ne peut qu’être simulé.
Tiens, une odeur…
Celle de la quantique, du monde virtuel. Une information sucrée, caramélisée, un amuse-bouche, une invitation, un piège envoutant. Déjà, on l’incite, la séduit, on trompe ses sens, on lui susurre doucereusement qu’une fois ici, le réel risque de lui sembler bien fade en retour.
Anouké repère un gigantesque bâtiment arrondi. Un dôme aplati d’aspect ivoire, constellé d’éclats lumineux. De multiples couleurs surgissent puis disparaissent un peu partout. Des effusions lumineuses, des gerbes, des trainées, des explosions, ça scintille, c’est beau, grandiose, ça en met plein la vue. Anouké, elle connaît. Du toc ! Un feu d’artifice. Dans tous les sens du terme.
Une porte.
De nombreuses personnes vont et viennent. Elle donne vers l’intérieur du dôme. Au-dessus de l’entrée est affichée une inscription : Les idées, la vie : venez les concrétiser.
Le dôme. Anouké connaît bien cet endroit, c’est le seul ou elle veut bien aller dans le SA. Ici, c’est le siège de toutes les entreprises. Son intérieur se démultiplie sans fin. Chaque porte en son sein ouvre sur deux autres. Cet endroit est infini, malgré sa finitude extérieure. Encore une singularité du SA. On y trouve toutes les entreprises, toutes celles prêtes à vous recevoir en tant que salarié. Suffit de leur vendre des idées. Le feu d’artifice visible sur ses parois extérieures, il symbolisait l’effusion d’idées, celles qui naissent, meurent, se concrétisent. C’était spectaculaire, ça donnait envie. Enfin, c’était ce que pensait Jaspert. Anouké, ça la laissait de marbre.
En face du dôme se tenait une tour. Haute, imposante, intimidante. L’on eût dit l’entrée des enfers, vraiment, ça suintait la folie. Un étendard rouge, gigantesque et finissant en pointe, aux liserés ocre et or, flottait au vent sur sa façade.
Là aussi, une entrée, une porte, comme taillée dans la roche granitique. Un passage, une grotte sombre. À son fronton, une nouvelle inscription :
Salle des Possibles.
Anouké se demandait pourquoi on avait donné une telle allure aux lieux. Ténébreuse.
Jaspert lui avait expliqué que cela dépendait de l’état d’esprit de celui qui allait emprunter la porte, et qu’alors, si Anouké la voyait ainsi, ce n’était que de son propre chef.
Il faut te calmer, exprimer des idées positives, et tu verras, ce sera beau.
C’était ce que lui avait dit Jaspert.
Et toi, avait demandé Anouké, tu la vois comment, l’entrée vers le SA ?
Jaspert, il n’avait fait que sourire. Anouké, elle se doutait bien que ce que Jaspert voyait, ça devait faire envie.
Vers le cœur du SA, là où les plaisirs, les pulsions se démultipliaient à l’envie, à l’infini, plus de monde encore y allait. Une marée humaine s’y déversait, y entrant, en sortant, y retournant, encore. Ça grouillait.
Elle s’approcha, se fraya un chemin, jeta un coup d’œil au travers de l’entrée, large trou béant pour engloutir et vomir des milliards d’humains. Une bouche, un œsophage émulé, numérique, monstre informatique.
Anouké vit au loin une fraction de l’étendue des possibles. Quelques prairies, le bout d’une chaîne montagneuse à l’horizon, des monstres dans les airs, surmontés d’avatars déguisés, des bêtes chimériques, des armes reposées sur des épaules de Titans.
Anouké avança encore, ce n’était qu’une goutte de ce que pouvait offrir le SA.
De l’autre côté de la tour se dessinaient les nombreuses activités de loisir des humains. Tous rivalisaient d’imagination pour créer le jeu parfait, la drogue ultime pour rompre tout lien avec la réalité.
Elle s’engouffra dans la gueule, se laissa engloutir, portée par la foule. Ce fut un torrent, un courant contre lequel elle ne pouvait rien.
Après le tumulte, elle ne bougea plus. Toutes les émotions et sensations du monde la traversèrent. On l’éblouissait.
Elle ouvrit les yeux, prit son temps, le temps de se préparer au pire des mondes.
Elle découvrit des plaines à l’herbe dansante, des vallons rebondis et plantés de forêts enchanteresses peignant des contrastes de mille verts, les reflets de soleils démultipliés sur leurs feuillages, des animaux sauvages et fabuleux s’échappaient aux confins de ce merveilleux mirage.
Par-là, on entendait le grondement de cascades tourbillonnantes. Elles chutaient en des gouffres vertigineux, sans fond. Y penser procurait l’ivresse.
Des villes, au loin. Elles s’élevaient jusqu’à toucher un ciel d’un bleu pur et artificiel, aussi intense que l’océan. Elle vit des cités futuristes avec d’étonnants vaisseaux qui virevoltaient comme autant d’essaims d’abeilles.
Un coup d’épaule. Anouké sortit de sa torpeur.
Passa à côté d’elle un homme torse nu, revêtu d’une simple peau de bête. Une bête disparue, imaginaire, préhistorique. Qu’en savait-elle ? Il portait une massue sur son épaule, rejoignait un groupe à la même apparence que lui. Ils grognèrent en se saluant. Se comprenaient-ils au moins ? Il le paraissait, ils riaient. Ils disparurent, aux cris d’un chant de guerre, dans l’obscurité d’une caverne, plus loin, là-bas, quelque part dans le SA.
Une femme la frôla, qui revêtait une combinaison orange, un casque sur la tête avec une visière d’argent, réfléchissante comme un miroir. Anouké s’y vit, son reflet ne la trompait pas, lui-même semblait incrédule de se trouver là. La combattante en armure lui fit un signe, elle portait un fusil qu’elle arborait fièrement, le soulevant à bout de bras, l’allure victorieuse. Elle s’envola jusqu’à une arène au loin, pour y disparaitre. Un lieu d’où de la fumée, des gerbes lumineuses, et des explosions fusaient de toute part.
Anouké chercha à s’enfuir, elle regarda la bouche par laquelle elle était entrée. Elle s’attendait à voir des limites au SA, une muraille la délimitant. Il n’y avait rien.
Elle souffla, se calma.
Elle trouva ce qu’elle cherchait. Elle se dirigea vers un bâtiment à l’écart de toute cette agitation, une construction isolée. L’endroit lui était familier. Il ressemblait à ce qu’elle aurait aimé dans le réel. À l’entrée du bâtiment, un robot. Même ici.
Elle se plaça face à l’androïde, lui demanda :
— Je recherche Jaspert Lenvol.
— Lieu de résidence, âge et sexe ? Je vous prie.
— Nouvelle-York, 27 ans, mâle.
— Je l’ai trouvé. Jaspert Lenvol, 27 ans. Que puis-je pour vous ? questionna l’interface numérique robotique.
— Je souhaiterais le rejoindre, pouvez-vous me lier à son avatar ?
— Désolé, je ne puis accéder à cette requête, il n’est pas connecté.
Anouké sourit, l’androïde lui demanda :
— Êtes-vous Anouké ?
— Oui. Pourquoi ?
— J’ai un message de sa part. Veuillez approcher, je dois vous scanner afin de m’assurer de votre identité.
— Nous ne sommes jamais trop sûrs, dit-elle en se penchant plus avant.
— Vous avez tout à fait raison, Anouké. Bien, je scan. C’est parfait. J’ai la confirmation de votre identité. C’est un message sonore, je vous le transmets.
Salut, Anouké ! comme je me disais que tu viendrais vérifier si je n’étais pas en train de faire une guerre totale en cachette, je t’ai laissé ce petit mot. Je suis bel et bien avec mon androïde, au restaurant le Nouveau Monde. Je fais la plonge avec lui, j’avais besoin de retrouver son contact et de me sentir utile, depuis notre discussion d’hier soir. Voilà, j’ai réservé une table pour ce midi. Tu me rejoins ?
Son visage s’illumina, et elle se dit que, décidément, il la surprendrait continuellement.
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