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Extraction de données, Paris



— Candice ? demanda Mathias. Vous-êtes là ?

 Aucune autre réponse que des interférences. Il regarda son module de communication, le fit tourner dans tous les sens entre ses mains, puis, agacé, il maugréa, tapa dessus. C’était bien le moment, dans quelques heures, ici, il n’y aurait plus rien !

— Candice, c’est Mathias, répondez s’il vous plaît ! Bon Bouddha ! Je vais devoir y aller, Candice ! Mais dites quelque chose bon sang ! Ça pète en bas ! Tout pète ! Vous m’entendez ? C’est la fin ! Mais bon Bouddha, pourquoi ne répondez-vous pas ?

 Mathias râla, leva les yeux au ciel, fixa le transpondeur qui n’avait de cesse de cracher des grésillements. Il se reprit. Finalement, il se demanda si elle ne s’était pas fait prendre. On devait avoir découvert ce qu’elle préparait, ce qui équivalait à la peine de mort. Trahison. Merde, son plan tombait à l’eau et, d’ici une minute, on viendrait le chercher, et comme on avait plus le temps de rien, encore moins de juger quelqu’un, on le tuerait sans autre forme de procès. Voilà, c’en était fini.

 Sur son visage, un rictus. Il devait être contrarié. Il posa l’émetteur sur le bureau, se leva, maugréa, résolu à rejoindre l’équipe présidentielle pour l’évacuation. Il comptait sur la résistance de Candice avant qu’elle ne donne son nom. Mathias préférait encore mourir sur la lune que dans ce grand brasier qui s’annonçait ici-bas. Qu’elle gagne du temps, ce serait un beau sacrifice.

 Il marcha, pas rapides, se figea au seuil de la porte, tourna la tête vers le module. Ça le fit frissonner.

Monsieur ? Monsieur ? Vous êtes là ? Monsieur ?

 Merde, c’était elle, sur la ligne sécurisée. Il s’était fait des idées, tout allait si vite.

 Mathias courut jusqu’à son bureau, le contourna, repoussa le siège contre le mur derrière lui, attrapa l’émetteur avant de répondre dans un cri :

— Bon Bouddha ! Candice ! Que s’est-il passé ? J’étais certain qu’on vous avait arrêtée ! Merde, je vous croyais déjà morte !

Monsieur, c’est inimaginable ! La Terre, elle expire ! Les observateurs le voient de la base, elle gondole, elle craque, des aurores boréales naissent, dansent, meurent tout autour d’elle ! Si vous pouviez voir ça, d’ici, de la lune. C’est magnifique, c’est terrifiant, c’est…

— C’est la fin de toute de vie sur Terre ! Candice, réveillez-vous ! Atterrissez ! Bon, tenez-vous prête. Un peu plus et nous laissions des milliards d’humains périr…

 Candice l’entendit souffler.

 Il approcha son fauteuil, se cala dedans, devant à son unité holographique. Il alluma son ordinateur quantique, prépara le téléchargement.

— Candice, rassurez-moi, l’arche est-elle prête ?

Oui monsieur. Je n’attendais que votre signal pour le transfert. Désolé pour le retard, j’ai quelques soucis ici.

— Bien, j’ai eu peur que l’on vous ait découverte. J’ai craint pour vous. Veuillez m’excuser, mais nous n’avons plus de temps, alors, insérez la clé.

Attendre la réponse de Candice, c’était un instant d’éternité. Enfin, il l’entendit :

C’est fait.

 Mathias, du fond de son siège, il pouvait respirer. Il se remit droit dans le dossier, donna ses instructions :

— Bien, Candice, quand je vous le dirai, vous tournerez la clé dans le sens horaire. Prête ?

Prête.

 Ils avaient répété l’opération, il n’y avait plus qu’à réitérer des gestes sûrs. Tous deux tremblaient tout de même. On n’est jamais réellement prêt pour le réel, la mise en pratique. Quand l’heure sonnait enfin, rien n’avait la même saveur, tout paraissait plus compliqué.

— Bien. Trois, deux, un, maintenant !

 Ils tournèrent leur clé, parfaitement synchrone. Fini de respirer. On attend la réponse. On scrute son hologramme. Puis l’interface de téléchargement apparut, devant leurs yeux bien ronds, ce fut du soulagement qui apparaissait devant eux. La joie, elle infusa instantanément, partout en eux. On y était, leur projet secret débutait enfin, nul retour possible. Pour eux, le sort en était jeté, et avec, celui de l’humanité. Il n’y avait plus qu’à espérer que ces accrocs à la réalité simulée soient connectés. Dans le cas contraire, c’en était la fin.

 Candice étouffa un Ouais ! de victoire. Les choses sérieuses commençaient. Bizarrement, la sérénité vint l’envahir. Dire qu’elle avait cru qu’à partir de cette étape, elle ne serait que fébrilité, incertitude, incapable d’aller au bout. C’était tout le contraire. À présent, elle n’était que détermination. Avec Mathias.

— Candice, aucune erreur n’est permise. Nous allons entrer nos codes, comme nous l’avons répété. Sans précipitation, sans hésitation, sereinement. Bien, tenez-vous prête, à mon signal. D’accord ?

Oui.

— Bien, à la fin de mon décompte, je lirais la séquence. Comme à l’entraînement. Bon, c’est parti. Trois, deux, un…

 Et Mathias énonça une suite de chiffres et de lettres qu’il entra dans son unité quantique, en même temps que Candice. Enfin, il l’espérait :

1 – 2 – 1 – 1 – 1 – 2 – P – I – 1 – 3

 Il resta suspendu au son du dernier chiffre prononcé, en apnée, jusqu’au silence total. Il ressentait même l’appréhension de Candice à des milliers de kilomètres de là. Elle devait être figée, là-haut, sur la lune. En apesanteur. Mathias, il crut s’évanouir.

 Subitement, ils virent l’hologramme afficher de nouvelles informations. Ils y étaient. L’accès aux terminaux leur était autorisé. Ils tenaient entre leurs mains la sauvegarde de l’espèce humaine.

 Il y avait de quoi jubiler, sauter en l’air, danser, se congratuler, même à distance, laisser exploser sa joie. Mathias, il ne fit rien de tout ça, il était d’un naturel coincé. Il l’était plus encore dans ces circonstances. Toujours est-il que Candice eût souhaité fêter les événements ainsi. L’hologramme affichait désormais deux mots :

Oui – Non

 Et une question :

Voulez-vous encoder et transférer l’intégralité des données quantiques du Système Augmenté vers l’arche ?

— Bien, Candice, je lance le téléchargement.

 Il désigna le Oui sur son hologramme. Le téléchargement débuta. Son IA l’informa du temps d’attente :

Temps estimé jusqu’au transfert total des données : soixante-huit minutes et vingt-trois secondes.

 Bigre, l’esprit humain était-il si vaste ? Long, mais l’Arche avait de quoi tous les accueillir. Il fallait faire avec, faire preuve de patience. Le plus dur était fait.

Soixante-huit minutes. Monsieur, pensez-vous qu’on ait assez de temps avant la destruction de la France ?

— Je n’en sais rien, Candice, je n’en sais rien. Mais c’est l’humanité que nous sauvons, pas uniquement les Français. Je dois filer désormais, la navette part dans quelques minutes. La Terre gronde et vibre, je l’entends et la ressens à présent, jusque sous mes pieds, dans tout mon corps. C’est terrible cette force. On l’avait tous oubliée.

Je vous accueillerai sur la base lunaire, puis nous prendrons le contrôle de l’Arche, nous partirons ensemble.

— Bien, tenez-vous prête. J’arrive, Candice.

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