Souillée

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La musique battait son plein. L'ambiance bleutée et violette donnait l'impression à Alice de se trouver dans un sous-marin en effusion. Deux verres de scotch, la poudre blanche s'étala sur la table et s'infiltra dans sa narine. Enivrement. Tout se flouta et un rire franchit ses lèvres. Oubli. D'elle-même, de la vie, de son existence de merde. Les mains de Sasha se posèrent sur les courbes de ses hanches. Un autre verre. Il la tira par la main, la mena dans un lieu plus sombre. La fumée flottante du tabac la grisa. Leur langue se rencontrèrent, explorèrent chaque partie de leur âme fragmentée. C'était étrange. Ses cheveux n'avaient pas la même douceur. Son odeur n'était pas la même. Enivrement. Peu importait.

La main virile de Sasha s'infiltra entre sa jupe et sa peau. Alice le laissa faire. Elle le laissait toujours faire. Un doigt s'infiltra sous sa culotte en dentelle et ses sourcils se froncèrent. Sasha le faisait toujours dans leur chambre. Sa vue avait beau divaguer un peu partout sans voir quelque chose de net, elle savait qu'ils se trouvaient dans un couloir sombre.

Le corps de Sasha se colla contre le sien et la bloqua contre le mur. Piégée. Condamnée. Elle planta son regard dans celui du garçon.

Merde.

Ce n'était pas Sasha.

-Putain t'es qui toi ? Souffla-t-elle, la panique remontant en elle comme la lave d'un volcan prêt à exploser.

-T'as pas besoin de savoir qui je suis, répondit-il froidement.

L'instinct de survie reprit le dessus et elle tenta de le repousser. Mais ses muscles n'était que compote et les battements de son sang inondèrent ses tympans. Et merde et merde et merde.

-Dégage.

Mais il ne la laissa plus faire aucun geste. Incapable de se dégager des griffes du garçon, celui-ci en profita et lui écarta de force les cuisses. Putain de merde. Tout s'écroulait, la peur la dessaoulait lentement mais sûrement. Un cauchemar, un cauchemar, un cauchemar qui prenait place dans la réalité. Mais sa vie n'était-elle pas un cauchemar incessant ?

Son monde entier avait basculé. Un cri se bloqua dans sa gorge. Il s'introduisit en elle si douloureusement que son cœur vola en éclat. Le son explosa dans ses oreilles et le « hiiiiii » aigu envahit son esprit. Incapable de penser, incapable d'agir. Prisonnière de sa propre existence. Condamnée à la douleur, tuée petit à petit dans ce couloir sombre isolé de toute humanité. Personne ne vint la sauver. Personne ne venait jamais la sauver.

C'était fou comme une illusion pouvait totalement s'écrouler, si rapidement. Comme tous les actes faits ces derniers temps vous frappaient la figure à coups de masses, encore et encore jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de vous. C'est alors que vous vous réveillez, vos yeux s'ouvrent et vous pensez « mais qu'est-ce que je fais là ? », « pourquoi moi ? », « pourquoi maintenant ? », « qu'est-ce que j'ai fait ? » jusqu'à en arriver à la conclusion du fameux : « qui suis-je ? ». C'est le moment où tout s'écroule toujours et où le protagoniste se rend enfin compte de sa connerie. Ouais, Alice se trouvait au moment où une main lui serait tendue, où le chemin de la rédemption se révèlerait enfin à elle. Sauf que Alice n'était sûre que d'une chose : les choses comme ça, les héros, les gentils, le pardon, l'amour, tout ça n'étaient que des conneries. Les livres où ces histoires étaient narrées étaient une connerie.

La vie entière était une connerie.

Et ça faisait mal de s'en rendre compte.

Le garçon la laissa là, étendue au sol dans le couloir sombre, sa jupe à moitié remontée au dessus de ses cuisses. Avec lui, il entraîna son âme, son innocence, sa naïveté. Il la déchira à l'enfance, à tout ce qu'elle avait connu de beau. D'elle, il ne restait que sa carapace charnelle, si fragmentée, si sale, si noircie. Alice se noya dans ses propres larmes. Un cri déchirant brisa le silence, mais le monde se détourna. Le monde n'aimait pas voir ces genres de choses. Le monde aimait les beaux mensonges, les jolies histoires.

Sauf que son histoire à elle, elle était si pleine de réalités que le monde décida de la délaisser.

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