Un étrange adversaire

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Galata venait d’arriver devant deux immenses battants de fer qui clôturaient un immense rempart en béton armé. Seul le haut des arbres à l’intérieur était visible. Deux miradors étaient construits un peu plus en avant avec des Rangers à l’intérieur. Quand ils la virent arriver, ils firent signe à ceux qui étaient au-dessus des portes pour les ouvrir à son passage. Dans un grincement semblable à un grondement d’orage, les deux battants s’écartèrent l’un de l’autre.

— Merci ! cria Galata en passant entre les miradors en faisant signe aux Rangers.

Elle se dépêcha d’entrer. Elle se sentit minuscule face à l’énorme porte de fer, haute d’au moins vingt mètres. Une fois passée, les battants se refermèrent dans un bruit qui résonna dans la vallée qui faisait face à elle.

Un chemin descendait en pente douce, s’enfonçant dans la jungle où résonnaient divers cris d’animaux qu’elle ne connaissait pas.

— Ok…, murmura-t-elle. Pas de panique, je n’ai qu’à mettre en application mon entrainement…

En vérité, cet entrainement ne l’avait pas vraiment préparé à un stage de survie. Même avec maître Rayzen rien n’avait consisté à être laissé dans un environnement inconnu.

Se rappelant les objectifs à atteindre, elle sortit son GPS et se mit en route pour trouver une de ces fameuses balises. Aucune d’elles n’étaient présentes dans les environs, il fallait se déplacer pour les chercher. Un bouton sur le côté permettait de dézoomer sur la carte afin d’étendre ses recherches et trouver celle qui se trouvait le plus proche de sa position.

Il lui fallait aller vers le nord-est, en coupant à travers la forêt en lui faisant quitter le sentier.

— Puisqu’il faut y aller…

Elle examina les alentours, vérifiant s’il n’y avait pas d’animaux à proximité. Puis, prise d’une soudaine excitation, elle appuya sur le bouton rouge de son pack dorsal.

Son armure se déploya alors sur son corps, à commencer par les parties fixes qui se déplièrent le long de son dos, son torse, ses jambes et ses bras. Puis, comme un fluide possédant sa propre intelligence, le reste de l’armure l’enveloppa en suivant la structure précédemment déployée. Une fois terminé, l’ensemble vint se coller contre sa peau pour s’ajuster à son corps. Un message apparu sur la visière de son casque lui demandant si elle désirait enregistrer cette configuration.

— Heu… oui, répondit-elle, n’ayant pas de clavier pour écrire sa réponse.

Cela suffit à valider la demande. L’armure lui demanda ensuite de préciser son nom.

— Galata.

Le dernier message indiqua que cette armure était désormais enregistrée sous son nom et la forme de son corps.

Galata n’en revenait pas. Elle avait enfin sa propre armure. Elle admira ses bras métallisés, tâtonna son corps recouvert de cette matière à la fois solide et souple comme son plastron d’entrainement en MetaPlast. Ce qui la gênait un peu, c’était que la combinaison épousait parfaitement ses courbes, elle aurait donné n’importe quoi pour avoir un miroir et vérifier que ce n’était pas trop moulant.

Mais équipée ainsi, elle se sentait rassurée. Son potentiel luminique était comme entré en ébullition après le déploiement. D’après ce que maître Rayzen lui avait expliqué, l’armure était alimentée par la lumière interne du Ranger, assurant une certaine constance du pouvoir. En contrepartie, cela consommait les lumens du Ranger sans aller l’épuiser jusqu’à la mort. Un dispositif de sécurité était installé pour que l’armure se désactive avant de vider son porteur de toute sa lumière interne.

Sur la visière du casque, Galata voyait les indications s’afficher sur les côtés, de cette manière elle pouvait contrôler la situation. Ayant son plein d’énergie, elle garda l’armure déployée et s’enfonça dans la jungle touffue.

Mélissandra était à la recherche de Karine après que les Rangers aient confirmé la présence de Galata dans la zone d’exercice, mais sans elle, ce qui était anormal. Karine avait beau être souvent excentrique, elle était sérieuse dans son travail et n’aurait pas laissé la jeune scoute sans protection, même à proximité des portes. Et même si elle n’avait rien trouvé de suspect dans la zone du crash, elle était persuadée que quelqu’un avait tiré un obus sur le drone pour qu’il s’écrase. Avant de partir, elle avait prévenu le Ranger Trekker de la situation. Restait maintenant à trouver cette chipie de Karine en espérant qu’il ne lui était rien arrivé.

Elle était proche des portes de fer. Les Rangers sur les miradors avaient bien précisé qu’ils n’avaient rien vu de particulier donc, Karine ne devait pas être visible depuis leur position.

Mélissandra s’arrêta au sommet d’un arbre avec la souplesse et l’élégance d’un chat. De là, elle observa le chemin qu’elles avaient dû prendre toutes les deux. A part la grande corniche rocheuse, le sentier n’était pas visible. Elle décida de redescendre et de prendre leur chemin à l’envers. Elle finirait bien par trouver.

Elle reçut un appel sur son bracelet électronique. C’était le centre d’opération.

— Mélissandra ! Nous avons reçu un appel de Karine. Elle a neutralisé un suspect au point K6 B8 et demande du renfort. Mais nous n’avons plus de nouvelle depuis.

— Très bien, je suis à proximité !

Maintenant, elle savait où chercher. Ce n’est qu’au pied de la falaise qu’elle vit une petite masse inerte sur le sol. Elle reconnue son adjointe par ses cheveux rose bonbon et se précipita vers elle. Son pouls était un peu irrégulier et sa respiration faible.

— Karine ! Réveille-toi, allez !

Elle la secoua, mais elle ne réagit pas. Elle lui donna une claque sur la joue. Karine gémit légèrement et entrouvrit les yeux.

— Karine ! Est-ce que ça va ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

— Je… je…

Elle l’aida à se mettre assise.

— Qu’est-ce qui m’est arrivé ? demanda Karine, en se frotta les yeux.

— J’aimerais le savoir… Je t’ai trouvé ici, inconsciente. Et où est ton suspect ?

— Mon… ? OH ! L’ORDURE !

Elle se releva d’un bond comme une furie, cherchant celui qu’elle avait arrêté.

— Il n’est plus là ! Qui l’a emmené ? Où il est ?

— Calme-toi ! lui dit Mélissandra. Il a dû te prendre par surprise.

— Je l’avais mis K.O ! Il était par terre !

— Ecoute, calme-toi et explique-moi tout.

Karine relata son combat contre le mystérieux suiveur. Mélissandra sembla, par la suite, perplexe.

— Un type d’une telle force, capable de te battre… il n’y a que les Space Rangers qui sont à même de nous défaire dans un combat.

— Il était aussi fort qu’un Ranger mais il y avait quelque chose de différent.

— C’est-à-dire ?

— Eh ben… les Rangers ont de la lumière en eux, tout le monde le sait. Mais ce gars, c’était… un peu comme si c’était l’inverse, aucune lumière en lui mais de la noirceur… une profonde obscurité dans son âme. Je l’ai senti dans ses gestes, ses mouvements de combat et sa manière très agressive de se battre.

— Je vois… Il est temps d’alerter Trekker sur la situation. Il va falloir se mettre en état d’alerte maximum, ce type est trop dangereux pour le laisser courir comme ça.

— Et le stage des scouts ?

— Je ne sais pas encore mais je pense qu’il faudra l’annuler.

Toujours équipée de son armure, Galata venait de parcourir plusieurs kilomètres à travers le terrain décousu entre mangrove, marais et végétation dense. Ce n’est que lorsqu’elle s’arrêta pour visualiser sa position qu’elle ressentit une forte chaleur sous sa combinaison protectrice. Elle était en nage et se senti soudainement mal à l’aise. Elle appuya sur le bouton sur son torse et l’armure se replia en quelques secondes. L’air libre fut comme une bouffée d’air frais malgré la chaleur et l’humidité environnantes.

— Ils auraient pu mettre la clim à l’intérieur, soupira-t-elle.

Elle se sentait désormais vulnérable sans sa protection. De plus, elle lui procurait une force et une agilité accrues qui lui ont permis de traverser des obstacles avec plus de facilité que sans, mais choisir entre ça et un sauna portatif…

Ce doit être à cause du fait qu’elle utilise ma lumière pour fonctionner, pensa-t-elle. Je sens encore cette chaleur en moi

Elle se posa sur un gros rocher plat qui sortait du sol et en profita pour évaluer la situation.

Cela faisait plus d’une heure qu’elle était entrée dans la zone, avec bien deux heures de retard sur les autres. Ce n’était pas une course, évidemment, mais elle voulait être dans les premiers à revenir avec sa balise. Celle-ci se trouvait d’ailleurs à quelques mètres d’elle mais difficile de la voir avec toutes ces fougères et racines aussi hautes qu’elle. Le GPS n’était pas plus précis, le point indiquant la balise prenait une certaine surface sur l’écran. Cela se transformait en une chasse au trésor.

Après avoir bu un peu du contenu de sa gourde elle se mit à la recherche de son second objectif, écartant les hautes herbes, regardant sous les racines et même dans les arbres. Rien. Serait-elle sous terre ?

Ce serait bien malin de faire un coup pareil. Non, elle devait forcément être visible. A moins qu’un animal ne l’ait pris et enterré…

Elle décida de prendre de la hauteur pour mieux observer. La balise était peut-être plus facilement visible qu’elle ne pensait. C’est alors qu’elle entendit quelque chose approcher dans les fourrés. Se rappelant des créatures qui hantaient cette végétation, elle pria que ce ne soit pas un prédateur.

Une petite tête blonde dépassa des fougères. Galata reconnu Glen, un garçon scout au visage fin et le corps maigrichon. Il y a quelques jours, elle l’avait affronté dans un combat d’entrainement et n’avait guère apprécié le combat avec lui. Il avait une manière sournoise de se battre, cherchant des opportunités pour gagner même si cela n’était pas honorable. Elle avait même été étonné qu’il ne perde pas sa lumière.

D’après ce qu’elle voyait, il était à la recherche de la même balise qu’elle et venait d’ailleurs de ramasser un petit objet métallique qui émettait un clignotement rouge.

La balise !

— Ah non ! s’écria-t-elle.

Elle sauta par terre à côté de Glen. Celui-ci, surprit, fit un bond de côté, croyant être attaqué.

— C’est toi Galata ? Tu m’as fait peur, ça ne va pas ?

— Ça fait un quart d’heure que je cherche cette fichu balise et toi, tu la chopes au premier coup d’œil ! Rends-moi ça !

— Pas question ! répliqua-t-il. Tu n’avais qu’à la trouver avant ! C’est pas mon problème si tu n’as pas été capable de la voir.

Galata bouillonnait de rage. Voir son objectif prit de court de cette manière…

— Premier arrivé, premier servit ! répliqua-t-elle.

— Tu ne t’es pas servi la première, que je sache !

— Grrrrrrr !

Un autre bruissement de feuillage se fit entendre.

Encore un qui veut sa part du gâteau ? pensa-t-elle, amère.

Les fougères devant eux bougeait sur le passage de quelqu’un mais de si petite taille que les deux scouts ne voyaient pas sa tête.

— Heu… Je ne crois pas que ça soit un être humain, souffla Glen, soudainement peu rassuré.

Au travers des tiges végétales, Galata aperçut deux yeux jaunes qui la fixait sournoisement. Ce n’était, effectivement, pas un être humain, mais un animal de la réserve. Et pas n’importe lequel. Galata reconnu le pelage noir autour des yeux du prédateur : un jaggopard des arbres.

Karine lui avait dit de se méfier de celui-là, même s’il ne s’attaquait généralement pas aux humains, il était aussi de nature imprévisible.

— Je… je crois qu’il faut filer…, souffla-t-elle.

— Bonne idée…

Avant qu’ils ne puissent bouger un cil, l’animal bondit en avant, dans un saut majestueux. Par réflexe, les deux adolescents se recroquevillèrent sur eux-mêmes, terrorisés.

Cependant, le félin avait choisi une autre proie qui s’était trouvée juste derrière eux, bien plus dodue et appétissante que deux ados maigrelets.

Toujours apeurés, Galata et Glen regardaient le jaggopard planter ses canines pointues dans la jugulaire de sa victime, une sorte de croisement entre un bébé hippopotame et un lézard. Le féroce félin s’était agrippé sur sa peau avec ses griffes, ses crocs tenant toujours fermement la gorge de cet autre étrange animal, poussant son feulement agressif. Il ne le lâchera pas tant qu’il ne sera pas mort.

Prit d’une certaine nausée, Galata fit un pas en arrière, suivit de Glen, puis ils partirent en courant en mettant le plus de distance possible avec la scène du carnage.

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