DESHUMANISATION

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Bonjour ! Voici le dernier chapitre de "Les Clans"... (Je vous en reparle à la fin) Bonne lecture !!


« Je ne pensais pas te revoir en si bonne compagnie, Princesse, me dit-il le sourire aux lèvres. »

Je ne sais quoi rétorquer tellement sa présence m'est soudaine et irréelle. Je le croyais mort, enterré et aux Enfers depuis longtemps... mais non, il est encore en vie, là devant moi, me narguant. Tomas rompt mon silence :

« Que faites-vous ici, père ?

_ C'est ma visite annuelle, répond-il sournoisement. L'aurais-tu oubliée ?

_ Je n'oublie pas facilement ces choses-là, rétorque Tomas. Je repose donc ma question : que me vaut cette visite ?!

_ Je devais régler quelques petites choses ici... dit-il, détournant son regard vers le plafond. »

Tomas regarde alors vivement autour de lui et avant que son père ne reprenne la parole, il hurle presque :

« Où est-il ?! N'essayez pas de feindre l'ignorance. OU EST-IL ?! »

Maître Crowl soupire, reporte son attention sur son fils, puis claque des doigts.

Une porte s'ouvre sur notre gauche. Deux personnes pénètrent dans la pièce, traînant à leur suite un corps immobile. Ils jettent celui-ci sans ménagements au sol, puis viennent se placer auprès de l'homme.

« Général ! s'exclame Tomas, se dirigeant vivement vers le corps.

_ Je ne l'approcherai pas si j'étais toi... dis-je en le retenant. »

Mon épaule me fait souffrir, mais je ne relâche pas ma prise pour autant. Je le retiens tant bien que mal. Il me regarde alors, son regard devenant haineux :

« Lâche-moi s'il-te-plaît...

_ Non, dis-je fermement. Ce corps transpire le poison : il va bientôt mourir et il serait préférable que tu ne meurs pas empoisonné en même temps.

_ ...il est vivant, je dois l'aider, réplique-il me fixant dans les yeux.

_ C'est difficile à admettre, mais pour une fois, écoute-la, dit alors Maître Crowl. Cette fille est une sorcière mais ces paroles ont du sens.

_ Comment ?! m'exclamé-je. Moi !? Une sorcière ?! Et vous, comment devrais-je vous nommer alors !?

_ Moi ?! dit-il, souriant. Tu devrais me considérez comme un sage et me nommez comme tel.

_ Ahah !! riais-je. Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu de telles inepties. Vous ne m'aviez pas manqué, Maître.

_ Ne sois pas si sévère avec ton vieux Maître, Princesse, continua-il. Mes inepties, comme tu les appelle, ont évoluées depuis que nous ne nous sommes vus. De plus, sache que cela n'est pas réciproque : tu m'as manqué, enfin, c'est surtout ton respect qui m'a manqué. »

Il m'énerve... je me retiens sincèrement de le frapper... Je lui réponds par un doigt d'honneur :

« Allez-vous faire foutre s'il-vous-plaît. »

Il me rit au nez, se prépare à me répondre et est coupé par Tomas :

« Comment pouvez-vous échangé de telles paroles alors qu'un homme agonise à vos pieds ?! Essayons au moins de l'aider !!

_ Je ne peux pas t'être utile, soupiré-je, tu m'en vois désolée : je ne suis pas une sorcière, je ne sais pas préparer des antidotes d'un coup de baguette.

_ Qui a parlé d'antidote ? questionna Maître Crowl, d'une mine faussement intriguée. Un antidote pour ce poison ? Oh ! Je ne crois pas qu'il en existe un, vous savez ? Hum... Cela me rappelle une histoire : l'empoisonnement mystérieux d'un roi. Aucun antidote, ce fût le verdict des docteurs. Du coup, le pauvre a agonisé des jours durant, mourant en emportant avec lui une grande partie de son entourage empoisonné par sa présence. Ça ne te rappelle rien, Princesse ?

_ Ne salissez pas la mémoire de mon père. Assassin, répliqué-je.

_ Moi ? dit-il d'un air choqué. Pourquoi aurais-je assassiné mon roi, ton père ? Tu sais, sous le règne de tes parents, j'avais tout ce que je souhaitais, alors pourquoi les aurais-je tués ? Ton accusation m'indigne, Princesse. »

Il me regarde longuement, un sourire narquois aux lèvres, avant de reprendre :

« Ah ! Cela me reviens maintenant, il est vrai que mon roi, qui se montrait si bienveillant à mon égard, m'a soudainement chassé de son palais sous prétexte que je n'étais plus d'aucune utilité, l'éducation de ses enfants étant selon lui terminée. Je me suis donc retrouvé à la rue forcé de m'occuper d'une femme malade et un jeune enfant dont je n'étais pas le père.

_ Maman ne t'as jamais trompé avec personne ! intervient Tomas. Je suis ton véritable fils !! Malheureusement pour moi...

_ J'aurais aimé qu'elle soit aussi fidèle que tu le dis, fils, répliqua-il. Mais mettons cela de côté veux-tu ? Revenons à notre histoire. A la rue, une seule idée me trottait en tête : tuer celui qui m'avait jeté sans ménagements ni remerciements de son palais après des années à son service. Ton enflure de père. Mais il aurait été trop simple de le tuer à l'arme blanche, ç'aurais été une mort trop douce pour cet homme. Non, je préférais savoir qu'il souffrirait longtemps avant de mourir. J'ai donc envoyé la femme qui m'avait fait un bâtard voir le roi. Je l'ai envoyé, après avoir veillé à bien l'empoisonner. Arrivée près de cet homme, son corps émanant le poison, elle s'est jetée à son cou, quelques secondes seulement, mais ce fût le temps nécessaire pour le contaminer. Elle m'a permis d'assouvir mon envie de meurtre. Elle a envoyé au tombeau cet homme que je haïssais ainsi que la majorité de sa famille, pour laquelle j'éprouvais la même haine. »

En disant ces mots, il émane de bonheur, fier de son stratagème meurtrier. Il reprend :

« Ma vengeance aurait été totale si toi aussi tu étais morte, mais bon... je n'ai pas éprouvé tant de remords à te savoir en vie : tu étais la seule engeance du roi que je respectais, étant la seule à me respecter.

_ Mais cette absence de remords ne vous a pas freiné pour une seconde tentative, dis-je. Vous avez raté, une fois de plus, qui plus est. Par deux fois, j'ai réussi à vous échapper, grâce à une personne qui nous est commune. La seule personne que vous n'avez pu vous résoudre à tuer. Vous le traiter de bâtard, mais je le nomme ange gardien, votre fils unique. »

Dis-je, terminant ma phrase les yeux dans les yeux de Tomas.

« Tomas Hill. »

Un bruit retentit. Un coup de feu. Tout se passe au ralenti. Tomas s'écroule, une balle dans le genou. Je me précipite vivement au sol, faisant écran de mon corps contre d'éventuelles autres balles. Le temps reprend en accéléré, suivant les battements très, trop rapides de mon cœur.

Je me tourne vers mon ancien Maître. Il tient dans sa main gauche un pistolet fumant. Je ne réfléchis pas, je me jette sur lui, lui assène un violent coup de pied dans la main puis un bel uppercut dans son visage. Il lâche son arme et tombe au sol, se tenant sa bouche en sang.

Les deux hommes qui entouraient Maître Crowl se jettent alors sur moi. Ils sont tellement lourds que je ne peux me dégager de sous eux. Je suis bloquée.

« Raté, Princesse, dit-il, crachant du sang. Merci de me rendre cette tâche aussi simple : car comme on dit, jamais deux sans trois. Et la troisième fois est toujours la bonne. »

Un second coup de feu retentit. Mon ancien maître s'effondre au sol, son torse troué déversant le sang de son corps sur le sol blanc. Le coup de feu vient de derrière moi. Tomas... près du cadavre du Général, avec l'arme du Général.

Il vient de signer sa mort en me sauvant la vie.

Deux autres coups partent, touchant leurs cibles à la tête. Deux poids morts m'écrasent. Je m'en dégage aussi bien que je peux. Sur mes pieds, je me précipite vers lui. Il ne me laisse pas approcher. Il court vers la chambre où j'étais hospitalisée. Je le suis tant bien que mal. Mon côté gauche me fait souffrir pendant toute la durée de ma course... J'arrive enfin.

Il cherche tel un fauve dans les tiroirs un remède inexistant. Le voir comme cela me blesse. J'essaie de m'approcher de lui, mais il me ferme la porte au nez, m'empêchant d'entrer. Je l'entends tomber au sol. J'enfonce la porte enfonçant un peu plus mon épaule défoncée. Il est là, étendu sur le sol froid, tremblant de tout son corps.

« SORS !! me hurle-t-il. L'antidote devrait être effectif dans quelques minutes. Tiens ! Injecte-toi cela. »

Je sors, ramassant au passage ce qu'il m'a lancé : une seringue. Je sais déjà que je ne pourrais pas m'ingérer la substance : je ne sens déjà plus mes doigts. J'essaie de les ranimer. Je me sens de moins en moins bien et je n'y arrive pas, mes doigts puis mes mains sont comme morts.

La porte s'ouvre. Il sort. Il prend vigoureusement la seringue de mes doigts inanimés et me l'enfonce violemment dans le bras. Je ne réagis même pas. Je ne sens plus mon bras.

« Çà va aller, me rassure-t-il. Tu n'es pas encore trop touchée. Dans quelques minutes tu retrouveras l'usage total de ton corps. »

Il s'assoie à mes côtés. Nous attendons. Ça y est. C'est terminé. Fini. C'est le calme après la tempête.

« Je me demande si j'ai vraiment le droit de vivre après tout ça, dis-je alors.

_ Dans quel sens ? demande-t-il. Tu n'as pas fait ce qu'il fallait ? Tu n'es pas devenue celle que tu voulais ? L'humain n'est jamais abouti tu sais ? A moins que tu ne préfères juste abandonner maintenant, comme une lâche...

_ Non, rétorqué-je doucement. Je me demande juste si j'ai le droit de vivre après avoir infligé tant de mal autour de moi. A toi en premier : tu as tué ton père, risqué ta vie plus d'une fois pour ma protection... Alors je répète ma question : ai-je le droit de vivre après tout cela ?

_ Cela dépend de la définition que tu as du verbe vivre, me dit-il. Vivre comme être simplement vivante, dénuée de tout ? Vivre comme profiter de la vie, entourée ? Ou bien comme la supporter, seule ? Ou même comme vivre sans te poser cette question ?

_ Je...je ne sais pas, répondis-je, perdue. Je ne sais plus.

_ Si tu veux une réponse claire de ma part : si tu ne veux pas vivre pour toi, tu peux vivre pour les autres. Tu peux vivre pour moi. »

Il me regarde tendrement. Me prends la main et entrelace nos doigts. Je pose ma tête sur son épaule. Je m'intègre et me confonds en lui. Mon corps n'est plus rien. Ma pensée n'est plus mienne. Je ne vis plus pour moi. Je vis pour lui. Je...le « je » a disparu.

FIN


Bonjour !! Nous voici déjà à la fin de cette courte histoire... j'espère que vous l'aurez aimé !! 

* Je travaille actuellement sur un épilogue relatant une courte partie de l'enfance de l'héroïne... je le publierai très prochainement ! *

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