CHAPITRE 5 : Quand les Coeurs et le Monde s'Ouvrent.

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C’est après cet entraînement intense que nos deux jumeaux allaient enfin pouvoir se reposer autour d’un bon repas.
Une fois Fripon et Riwalo lavés et changés, ils se rendirent ensemble au salon pour y savourer leur déjeuner. Mais en franchissant la porte, ils ne virent que leur mère, assise en bout de table.

Riwalo : – s’installant à la table rectangulaire près de sa mère – Pardonnez mon indiscrétion mère, mais où est père ?

Fripon : – s’installant en face de son frère – C’est vrai, il était avec nous il y a dix minutes à l’entraînement.

Aliénore : Votre père ne se joindra pas à nous ce midi. Il vient de recevoir une convocation au palais et a dû se mettre en route sur-le-champ.

Les deux jumeaux n’insistèrent pas et commencèrent leur repas.
Cependant, une évidence venait de frapper Riwalo.
Pourquoi diable Vahélor serait-il convoqué d’urgence au palais en temps de paix ?

Riwalo : Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mère, mais qu’est-ce qui justifierait une convocation urgente au palais royal ? J’ai aussi remarqué que la sécurité du domaine avait quasiment doublé ces derniers jours.

Aliénore : Malgré ton jeune âge, tu restes fidèle à toi-même, mon grand. Toujours aussi perspicace. Tu sais que c’est effrayant de voir un enfant de cinq ans réussir à avoir un raisonnement aussi avancé ?

Riwalo : Merci beaucoup, mère, je suis flatté.
(Elle cherche à me manipuler… Elle me graisse la patte pour que je passe à autre chose, lui permettant d’éviter le sujet sans ignorer totalement ce que j’ai dit.)
Cependant, j’insiste. Que se passe-t-il ?

Aliénore : – se mordant la lèvre inférieure –
(Ça n’a pas marché… Même les nobles de la cour royale se font avoir… Comment un simple enfant de cinq ans peut-il lire en moi comme ça ?)
Des conflits politiques sans intérêt pour des enfants. Profitez plutôt de votre repas.

Riwalo : – fronçant les sourcils en regardant son assiette –
(Encore une fois, elle esquive le sujet en utilisant des prétextes. Cependant, elle marque un point… En théorie, à mon âge, la politique est inintéressante. Je n’ai aucun argument pour insister. À moins que…)

Fripon : – en train de manger sans faire de bruit –
(Pourquoi j’ai l’impression d’assister à un combat mental moi… En tout cas, j’espère que mère est endurante, parce que Riwalo gagne toujours à ce petit jeu…)

Tout le monde continua de manger.
Aliénore respirait, persuadée d’avoir éloigné le sujet.

Mais en plein milieu du repas, une respiration saccadée se fit entendre.

C’était Riwalo.
Il pleurait, tentant de ne pas faire de bruit pour ne pas attirer l’attention.

Fripon : Ça va, Riwa ? Tu pleures…

Riwalo : – sanglotant et tremblant – Oui… ça va… C’est juste que je suis inquiet pour père… J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose…

Aliénore se leva aussitôt et prit Riwalo dans ses bras pour le réconforter.

Aliénore : – essayant de rassurer son fils – Mais non, mon grand, tout ira bien… Ce n’est qu’un petit conflit avec l’Empire, rien de grave. Ton père va très bien, je te le promets.

Riwalo : Avec l’Empire ? Mais si ce n’était pas grave, pourquoi tant de mesures… ?

Aliénore : Les diplomates de l’Empire ont tenu des propos très menaçants lors des dernières réunions. Votre père a préféré renforcer la sécurité du domaine par précaution, pour vous protéger. Mais ne vous inquiétez pas, il est justement là-bas pour discuter. Tout va s’arranger.

Après que Riwalo eut séché ses larmes, le repas reprit tant bien que mal.
Cependant, pour Riwalo, chaque bouchée avait désormais un goût amer.

Et pour cause.

En se renseignant sur la géographie du monde, il était tombé sur un ouvrage important.
Il y a fort longtemps, avant même la grande guerre ayant opposé les elfes et les humains aux démons, les terres de l’Ouest étaient gouvernées par un immense empire : celui des Hommes.

Mais peu de temps après la guerre, cet empire éclata en deux pour des raisons religieuses.

Les régions de l’Ouest furent alors divisées.
D’un côté, un État non religieux : le Royaume de Sardon, patrie de nos deux protagonistes.
De l’autre, le Saint Empire de Pyranxine, vestige du premier empire.

Riwalo : – finissant son repas – (La situation est critique. Si jamais cela dégénère et que nous entrons en guerre, nous nous ferons balayer sans même pouvoir riposter. L’Empire est quatre fois plus vaste que notre royaume et possède une armée six fois supérieure à la nôtre, sans compter leurs avancements technologiques…)

Fripon : (Et voilà, ça sent la quête de MMORPG “Vaincre le méchant Empire”. Plus cliché que ça, tu meurs. Enfin bon, je suis un gosse maintenant, donc tranquille, je risque rien.)

Après ce repas mouvementé, les deux jumeaux se retrouvèrent seuls dans leur chambre.
Un moment que Fripon adorait, car il pouvait jouer avec les nerfs de Riwalo sans conséquence.

Fripon : Et bah alors, Riwa ? On pleure comme un bébé pour son papa d’am…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un coussin le frappa de plein fouet en pleine tête.

Riwalo : Arrête de dire des conneries. Tu me connais assez pour savoir que ce n’est pas mon genre de chialer pour les gens.

Fripon : Ouais, je sais. T’as fait exprès de pleurer pour faire baisser la garde de maman et qu’elle te dise ce que tu voulais savoir.

Riwalo : Bravo, Sherlock. Tu vois, même toi tu arrives à aligner tes neurones

Un silence s’installa dans la pièce.
Étonnamment, ce fut Riwalo qui le brisa en parlant en français et non la langue du royaume de Sardon.

Riwalo : Frifri… Avec tout ça, on n’a même pas pris le temps de réfléchir à notre situation… Tu me connais, je n’ai jamais été très proche de ma famille, et tu es mon seul ami. Alors me retrouver ici avec toi… ça m’arrange presque. Mais toi, c’est différent. Tu étais proche de ta famille. Tu avais des amis.
Ça ne te fait rien de te dire que tu ne les reverras plus jamais ? Que vingt et un ans de ta vie ont été réduits à néant ?

Fripon : Mais Riwalo, tu dis n’importe quoi. Dans l’autre monde, je suis mort. Je n’ai rien perdu. C’est eux qui m’ont perdu.
Et puis maintenant, je suis avec toi, dans un monde où nous sommes frères.
(Même si, dans l’ancien, on l’était déjà presque.)

Riwalo : Décidément, tu ne changeras jamais… Toujours à profiter sans regarder en arrière.

Fripon : Peut-être ! Mais que regarder en arrière ? Nous sommes morts, Riwa.
Alors autant regarder devant, pas derrière.

Riwalo : Tu marques un point…Si on m’avait dit un jour que ce serait toi qui tiendrais un discours rationnel et que ce serait moi dans le faux, je n’y aurais pas cru.

Riwalo laissa échapper un soupir nostalgique. Mais les deux enfants ignoraient que Gertrude la domestique de Fripon écoutait à la porte.

Les rayons du soleil traversaient les vitres, révélant le luxe de la pièce : ornements, tapisseries, meubles finement travaillés. Tout leur semblait irréel.

Deux amis ordinaires, vivant autrefois dans un appartement bon marché, se retrouvaient désormais plongés dans la noblesse et l’opulence.

Quelques portes plus loin, dans le couloir, se trouvait la chambre parentale.
Encore plus luxueuse que celle des enfants.

Aliénore se repoudrait devant sa coiffeuse lorsqu’Hanna frappa à la porte.

Aliénore : Vous pouvez entrer, Hanna.

Hanna : Vous m’avez fait demander, madame ? – se tenant droite, les mains dans le dos, telle une militaire –

Aliénore : Oui. Toi qui es la domestique de mon petit Riwalo, j’aimerais que tu me parles de lui. Contrairement à son frère, il est bien plus mature et réfléchi.
Je sais qu’il existe des prodiges, des génies… mais je n’ai pas l’impression qu’il entre vraiment dans ce cadre.

Hanna : C’est… compliqué à dire.
Maître Riwalo est sans aucun doute très intelligent. Il passe la quasi-totalité de son temps libre dans la bibliothèque à se renseigner sur tous les sujets possibles. Parfois, c’est même difficile de l’en faire sortir, comme ce matin. Mais il n’y a pas que ça…

Aliénore : – se tournant vers elle – Que veux-tu dire ?

Hanna : Une fois, je l’ai surpris en train de se parler à lui-même dans une langue totalement incompréhensible.
Il prend aussi des notes en utilisant des caractères tout aussi étranges, qui semblent appartenir à cette même langue. Pourtant, en dehors de cela, il ne montre rien d’anormal.
Pas de capacités physiques démesurées, pas de manifestation précoce de mana, ni de facilité intellectuelle flagrante.
Il a simplement compris notre système d’écriture et de comptage un peu plus vite que son frère. Mais rien d’anormal.

Aliénore : – pensive – Donc, selon toi, en dehors de cette langue étrange, cela relèverait plus de la coïncidence ?

Hanna : Oui, madame. Même si je peux me tromper.

Aliénore : Bien… Je vois.
Je vais essayer de passer davantage de temps avec lui.
Tu peux disposer, Hanna, je te remercie.
Et prends rendez-vous à la guilde. Demande-leur d’envoyer un mage pour faire passer un test d’aptitude magique aux enfants.

Hanna : Si tôt ? Ils ne sont pas encore un peu jeunes pour cela ?

Aliénore : En temps normal, oui.
Mais si ce n’est pas qu’une coïncidence, ils devraient être capables de passer ce test sans trop de difficulté.

Hanna : Très bien, madame. Je m’en occupe immédiatement.

La domestique s’inclina et voulut quitter la pièce sauf que…

Gertrude pénétra la pièce en courant !!

Gertrude : - entrant en trombe dans la pièce - Madame, madame ! Les enfants, je les ai entendus discuter dans une langue bizarre !

Aliénore se figea.

Hanna surprise se redressa

Aliénore : Une langue bizarre dis-tu Gertrude ?

Gertrude : Oui madame ! Je passais devant leurs chambre et… ce n’étais ni la langue du Royaume, ni la langue elfiques, ni aucune que je connaisse ! Ils parlaient fluidement, comme s'ils se comprenaient parfaitement.

Un court silence s’installa.

Aliénore porta la main devant sa bouche, le regard perdu dans le vide.

Aliénore : Oh…(Ce n’est donc pas une coïncidence !)

Elle releva les yeux vers Hanna.

Aliénore : Hanna, accélère la demande auprès de la guilde !

Hanna : Oui, m’dame ! - quitte la pièce précipitamment -

Le carillon sonna alors quinze heures.
Le soleil entamait lentement sa descente, et le domaine baignait dans le calme.
Seuls le vent dans les feuillages et le chant des oiseaux troublaient le silence.

Fripon, déterminé à ne plus subir de telles raclées contre son père, décida de s’endurcir physiquement et enchaîna des séries d’exercices.
De son côté, Riwalo retourna à la bibliothèque, soulevant à nouveau la poussière des ouvrages, s’imprégnant de l’odeur des vieux livres… et des connaissances qu’ils renfermaient.

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