Le Spationef Coincé (37)

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Bon, ça jette un froid, faut reconnaître. En plus, le Jedi les domine du regard et du haut de son balcon. Les autres en restent les bras ballants. Bon, ça fait beaucoup de choses en même temps, faut bien reconnaître aussi. Mais bon, hein ? Tant qu’à se mettre des gnons, autant le faire une bonne fois.

A mon avis, c’est bien ce que pensent Agent et Kenobi.

-    Te voilà enfin, pauvre fou ! profère Agent en se dirigeant lentement vers le mur au pied du balcon.

Vont-ils rejouer Cyrano, avec Kenobi dans le rôle de la merveilleuse Roxane pendant que le beau costume trois pièces se muera en Christian transi ? Il ne manquerait plus que ça après avoir mis l’ONU à feu et à sang !

-    N’est-ce pas là que tu voulais me voir, petit gredin de bas-étage ? rétorque le vieux barbu.

-    Pas la peine de jouer les grand-pères fouettards avec moi. Puisque tu as le courage de m’affronter, descends donc me voir…

Le ton doucereux d’Agent ne me dit rien qui vaille. A mon avis… ça va péter sous peu ! Ils ont l’intention d’en venir aux mains, ces deux-là. Et moi, je me dis que ce n’est pas bon pour la planète. Qu’il suffise de voir les dégâts alentours pour s’en convaincre ! Que se produirait-il si les chefs des deux factions sortaient la grosse artillerie pour se convaincre du bien-fondé de leurs convictions ? Je n’ai pas à me le demander bien longtemps. Obi Wan descend de sa balustrade en béton, par les airs, s’il vous plaît, et se pose en douceur parmi les extra-terrestres qui ne bougent pas d’un cil.
Un cercle se forme naturellement autour d’eux. Les visiteurs de l’Espace savent que le moment fatidique est arrivé…
Les deux ne se quittent pas des yeux. Je les sens prêts à dégainer leur pétoire au premier geste suspect. Ils avancent doucement, comme dans les duels de westerns spaghettis, et j’imagine les gros plans qu’un Sergio Léone aurait fait pour mieux faire grimper la tension.

Pour ce qui me concerne, je commence vraiment à me faire du souci… Ils tournent en rond dans le cercle, ce qui est normal me direz-vous, mais ils sont tendus comme les bretelles d’un soutien-gorge d’une qui aurait un peu sous-estimé la taille de sa laiterie portable. Des félins sur le point de se jeter sur leur victime ! Le Jedi porte doucement la main à sa hanche, repoussant les restes à moitié calcinés de sa longue cape pour se saisir en douceur de son sabre… Agent, lui, porte la main à son cœur, pardon, à son holster et empoigne lentement une arme dont je ne peux donner le moindre détail puisque je ne la vois pas encore !
Misère de misère, ça va péter, que je vous dis…

-    Mon jeune ami, je crois que nous en sommes enfin aux derniers jours de ce long séjour sur cette planète ridicule, commence Obi Wan d’un ton patelin. Que dirais-tu de régler notre petit différent, toi et moi ? Laissons donc nos compagnons se reposer un peu, qu’en dis-tu ?

-    Tu sais bien, vieux tromblon, que cela ne réglerait pas notre « problème », comme tu dis.

Kenobi le regarde bien droit dans les yeux pendant un instant. Il ne répond rien parce que c’est vrai que leur problème resterait entier.

-    C’est vrai qu’il n’y a que cinquante places disponibles, dit-il enfin.

-    Et pas une de plus ! confirme Agent.

-    Bon…puisqu’il faut bien trouver une solution, soupire le Jedi.

Et c’est parti sans prévenir !
Il se rue sur Agent avec une vélocité qu’on aurait pu croire impossible pour un être à l’aspect aussi vénérable. Dans le même mouvement, alors qu’il pirouette dans les airs, le son caractéristique de son sabre-laser se fait soudain entendre. Cette fois-ci, son néon de la mort est rouge vif, couleur du sang. Les intentions sont donc clairement indiquées : ça va saigner, comme je le redoutais !
Mais Agent n’est pas seulement bien habillé dans son beau costume tout noir : c’est aussi un sportif de haut niveau, doublé d’un redoutable soldat rompu à tous les arts de la guerre. Le voilà qui esquive d’un geste souple le sabre qui fend l’air vers lui ! Il a déjà en main une sorte de… concombre ! Ou un truc de ce genre.

Souple et arrondi, l’objet me stupéfie tant il me paraît incongru dans ce combat titanesque. Faut dire, qu’en plus, ce n’est pas la saison. D’où provient ce curieux machin ? Et que prétendra-t-il en faire, face au redoutable laser de son ennemi ?

A ce propos, savez-vous que le concombre est d’origine indienne ? Que sa production remonte à plus de trois mille ans ? Que cette légumineuse herbacée est de la même famille que les melons et autres calebasses africaines ? Et que.. pardon ? On s’en fout ? Ah…bon, ok. Moi, je disais ça, c’était pour faire baisser un peu la tension mais, si vous préférez retourner dans la fournaise, soit ! M’enfin, que je vous dise encore, juste avant d’y retourner donc, que ce truc est né aux pieds des monts de l’Himalaya, pas mal, hein ? Oui, oui…j’y retourne pour vous raconter la suite !

Donc, Agent sort son concombre et menace Kenobi avec. Que compte-t-il en faire, je le redemande ? La réponse ne tarde pas : il  l’agite de bas en haut, vigoureusement et à vive allure et l’arme infernale projette un long faisceau légumineux, pardon, lu-mi-neux en direction de son agresseur ! Ça produit aussi une grosse détonation qui assomme une bonne partie des soldats qui les cernent. Certains en tombent dans les pommes, s’affaissent lourdement au sol. Les autres, terrifiés du résultat  reculent dans le plus grand désordre.

-    Camarades : choisissez votre victime et faites bonne chère ! rugit Kenobi pendant qu’il se lance dans une nouvelle passe pour atteindre Agent.

A cet instant, j'en bave de rage : ma stratégie de déconnexion n'a pas fonctionné bien longtemps ! Le pauvre Jojo s'est démené pour des clous, à moins que Marcel n'ait déjà réparé les bricolages de mon pote. Ce qui fait que la foule armée se déchaîne à nouveau : les armes surgissent en un éclair et tout le monde se jette sur tout le monde. Même Koenig ne fait plus le chien mais se transforme illico en loup, affamé de chair fraîche ! Affamé n’est pas un vain mot puisqu’il se jette sur tous les mollets qui passent à sa portée, arrachant de menus morceaux de viande à ses ennemis.
Jusqu’au moment où, tombant sur un morceau plus résistant que les autres, il regarde, déconfit, son dentier partir pour de nouvelles aventures sans lui !

-    Aaaah, mais ze zuis pas d’accord ! postillonne-t-il, privé de ses dents. Vous zallez revenir tout de zuite, z’est compris ?

Mais celui qui garde ce vestige inattendu de la Base Alpha n’a pas entendu. Pauvre Koenig : une fois encore, le voilà confronté à l’adversité d’un sort qui ne le ménage pas ! Mais ce serait mal connaître le valeureux Commandant que de croire qu’il baissera ainsi les bras. Non, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il fera partie des « sans dents » ! Plutôt devenir socialiste ! Ainsi, n’écoutant plus les discours venus de Hollande, l’autre pays moisi du fromage, il se lance à la poursuite de ses dents en or, plonge dans la foule des combattants qu’il bouscule de la tête et des épaules, méprisant les quelques blessures qu’il reçoit au passage. Bientôt, il disparaît de ma vue et je ne l’entends plus que de temps en temps, vociférant de sa voix qui zozote qu’il doit ab-so-lu-ment récupérer son bien, mal remboursé par la Sécurité Sociale Spatiale.

Mais revenons à nos deux antagonistes qui continuent de se faire mal. Agent, maintenant couvert de sueur, de poussière et aussi de plusieurs blessures sans gravité mais du plus bel effet sur son visage d’ange, continue de baratter son concombre pour atteindre le Jedi qui, lui, virevolte sans effort entre les attaques, même les plus perfides. Il est encore assez agile pour venir soutenir quelques uns de ses compagnons en difficulté, quand il les voit. Son sabre fait merveille, si l’on peu dire, et découpe, fend, transperce quiconque s’approche trop près de lui ! La rue retentit des clameurs des combattants qui redoublent d’effort pour s’imposer, chacun dans leur camp mais rien n’y fait. Piétinant les cadavres de leurs amis comme de leurs ennemis, ils détruisent tout sur leur passage, comme je le redoutais il y a peu. Les murs, en plus d’être couverts des tags sanglants laissés par la lutte, agrémentés de quelques morceaux de viande rouge, sont maintenant éventrés pour la plupart. A ce train-là, les fondations des gratte-ciel ne tiendront plus très longtemps. Déjà, un premier immeuble menace de s’effondrer. Heureusement, c’est le moment que Batman choisit pour intervenir !

Accompagné de son apprenti, il s’évertue à évacuer tous les malheureux terriens surpris, qui dans une baignoire maintenant exposée à  l’air libre puisque les murs sont détruits, qui s’apprêtaient à passer à table en famille, qui rentraient de leur petite promenade avec leur enfants ! La cohue infernale de la guerre monte en puissance, ne semblant offrit aucun répit à quiconque.

Jalmince à n’en plus pouvoir de voir la chauve-souris agir de la sorte, voilà Superman qui plonge enfin des nuages pour prêter main forte à son tour. Et, pour commencer, il se sert de son souffle de kryptonien pour faire un peu le ménage : un énorme nuage de poussière, de débris divers se forme et qu’il transforme en tornade qu’il dirige ensuite au-dessus du fleuve, à quelques avenues de là. Maintenant qu’il sait pouvoir agir sans ternir son costume, il se jette dans la mêlée, ramasse les corps des blessés sans tenir compte du camp auquel ils appartiennent et les dispose en rang dans une rue adjacente. Ensuite, il convoque les secours. Un mec bien, hein ? Sur le coup, je me dis qu’il vise le Nobel de la Paix, rien de moins.

Mais il est dit que la Terre résistera et qu’elle fera appel à tous les moyens dont elle dispose pour mettre un terme à cette guerre dantesque !

Sans prévenir, et sans que personne n’ait pu prévoir leur arrivée, une horde de Terriens magiques arrive : Hulk, vert de colère, bien sûr, mais aussi Spiderman qui râle comme un vieux pépère de constater que les murs auxquels il s’accroche habituellement sont détruits. Et puis, un quatuor fait de trois hommes, dont un élastique, une torche et un truc en briques orange plus une femme glaçante d’aspect font irruption à leur tour, tous vêtus de stupides costumes bleu marine, moulant, comme toujours. Mais arrive aussi un gros barbare hirsute, blond et barbu, armé d’une masse !

Celui-ci, visiblement heureux de voir qu’on se chicorne dans le coin, ne cherche pas à comprendre et se jette dans le tumulte, assénant coups sur coups en ricanant comme un tordu !

Moi, de plus en plus recroquevillé de terreur dans mon petit coin, je commence à me dire que la bataille se rapproche trop vite de moi et de ma petite cabine téléphonique !

Mais que fait Adolphe ?  

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