Le Spationef Coincé (42)

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Combien sont-ils à se battre ? Et avec quoi ? Impossible de le dire mais il est clair que les fanfaronnades ne sont plus de mise. Maintenant, c’est du sérieux : les sabres tranchent les corps ennemis comme autant de tranches de jambon pendant que les autres répliquent avec des moyens tout aussi terribles. Je pensais qu’il n’y avait qu’une poignée d’ahuris plus ou moins barrés mais, en fait, chaque camp disposent d’armées entières de types acharnés à vaincre leurs adversaires. Maintenant, il est évident qu'ils remontent tous vers les humains... Qui prétend les retarder, entre les Agents et les fous de Kénobi ?

Je redoute d’avoir négligé la puissance des antagonistes qui cernent le bâtiment officiel de plus en plus près. Pourquoi s’acharner encore sur les terriens qui ne peuvent rien contre leur puissance ? Leur faut-il convertir les derniers résistants pour, ensuite, réduire la planète en cendres ? A quoi bon, bon sang !
A moins qu’un des partis en guerre n’ait décidé de protéger les dirigeants pendant que l’autre s’obstinerait à tout ruiner pour se rendre les choses plus simples ? La violence des combats me terrorise et je commence à douter de nos chances de survie. Je suis incapable de répondre à toutes ces questions qui me viennent soudain, pourtant je tente de me convaincre que nous pouvons encore gagner la partie. Adolphe, lui,  ne se pose pas de questions existentielles et continue de me guider. Furtif et rusé, il m’oblige à me faufiler aussi, comme le ferait un rat pourchassé par une meute de chats affamés.

Pour un type habitué à passer le plus clair de son temps dans les déserts et les jungles, il a développé un sacré sens de l’orientation. Sans se tromper, il progresse vite, stoppe sa marche de temps en temps, juste pour s’assurer qu’un bruit suspect ne précède pas une mauvaise rencontre, se baisse, se cache derrière une voiture, monte quelques marches sur un perron pour regarder plus loin. Un vrai lion.

Nous arrivons vite à proximité des combats. L’air est chargé du bruit des luttes, charrie les cris de douleurs et les injures en vagues continues. Adolphe m’indique un petit promontoire d’où observer sans être vu. Juché sur ma mini colline, ce que je vois me consterne. Tous les abords du quartier sont en ruines. Les voitures de luxe finissent de brûler, carbonisées et fumantes, pendant que les deux camps s’opposent et redoublent de violence. Quelques rares personnes se cachent comme elles peuvent pour échapper à la mort mais, pour la plupart, la fin arrive au détour d’une explosion trop proche, qui les volatilise en une gerbe de feu, de bidoche et de sang. 

Le massacre s’étend, opiniâtre et sanglant. Une violente douleur m’étreint le cœur quand je vois un couple de jeunes gens qui tentent désespérément de se frayer un chemin entre les décombres quand, repérés par un Agent rendu fou de rage par la folie guerrière tire sur eux. L’homme est fauché en pleine course, alors qu’il protégeait sa compagne. Touché en plein cœur, il s’effondre, la main tendue dans un dernier geste en direction de celle qui ne tarde pas à le suivre dans la mort, touchée à son tour par une rafale.

Je nourrissais encore quelques espoirs sur la bonne volonté des Agents mais, à présent, il n’y a plus le moindre doute… Ceux-là aussi sont une engeance qui doit disparaître. Jusqu’à son dernier représentant, et sans le moindre état d’âme. Du coin de l’œil, j’aperçois Adolphe qui sert les poings de rage, le souffle secoué par la haine de ce qu’il vient de voir. Ce sont des animaux, des bêtes féroces, douées de la parole et de dons qui nous échappent mais, finalement, ils ne diffèrent de nous que par les moyens de tuer. Mon sang d’américain ne fait qu’un tour : je vais leur faire la peau !

Plus loin , j’aperçois Jojo qui arrive. Comment a-t-il fait pour arriver si vite ? Je ne suis pas loin de penser que Marcel lui a filé un petit coup de main...

Paumé, comme d’habitude, il erre sur les boulevards, inconscient des risques qu’il prend. Hirsute et couvert de poussière grise, il avance lentement, cherchant visiblement à se repérer dans cet enfer. C’est vrai qu’il découvre la côte Est, le malheureux, et pas dans ses meilleurs jours… Je fais signe à Adolphe d’aller le chercher et de le prendre sous sa protection. D’un bond, celui-ci se précipite et me laisse sur mon perchoir.

Un long soupir puis, fermement décidé à entrer enfin dans la bataille, je dirige mon regard vers le champ de bataille. Pour constater plusieurs choses. D’abord, nos militaires semblent s’être réveillés. Enfin ! Ils arrivent, nos gentils militaires, gueules largement ouvertes pour montrer leurs crocs et remettre tous ces aliens à leur place ! Je vois plusieurs groupes de soldats prendre position en divers points. Ça me donne un coup de sang qui ranime mes forces et mon envie de combattre malgré ma terreur. Si j’ignore tout des moyens dont nous, humains, disposons pour lutter contre nos ennemis, je sais que nous allons tout faire pour les réduire au silence. S’il existe un Dieu quelque part, je prie avec ferveur pour qu’il ne nous oublie pas, qu’il ne nous abandonne pas.

Mais il n’y a pas que nos militaires qui montrent le bout de leur nez…

Contre toute attente, et au risque de disparaître rapidement, je distingue nos hommes politiques qui se regroupent aussi, à peine dissimulés par quelques ruines. Ils sont en plein conciliabule et certains parlent même plus fort que d’autres, joignant le geste à la parole pour donner plus de poids à leurs arguments.
Mais que peuvent-ils bien se dire ? Comment peuvent-ils encore perdre du temps à parler alors que tout indique que le temps des discours est révolu ? Il n’est plus temps de parler mais d’agir !
Pris d’une rage nouvelle, je quitte ma cachette et décide de rejoindre tous ces incapables en costumes pour leur dire tout ce que je sais. Les trouver là, tous réunis, est une chance unique pour leur faire quelques révélations dont j’espère qu’ils sauront en faire bon usage. Je regrette de ne pas avoir saisi ma chance lors de mon discours raté. Avec quelques minutes d'avance sur Obi Wan Kenobi, j'aurais peut-être pu éviter tous ces morts inutiles... Très vite, je me dis que tous ces dirigeants, arrogants et sûrs de leur supériorité m'auraient probablement traité de fou, voire qu'ils m'auraient fait évacuer manu militari sans m'écouter, avant de reprendre le cours de leur train-train de luxe. Ils sont aussi bêtes et dangereux que les autres...
Pourtant, à défaut d’être assez malins pour sauver le monde, au moins disposent-ils des moyens pour organiser une résistance à l’échelle du monde !
Alors, c'est décidé : je me dirige vers eux avec prudence. Adolphe et Jojo me suivent à quelque distance, visiblement animés par la même colère que moi. Enfin, Jojo en colère…jamais encore vu à ce jour. Peu importe. L’essentiel est de rester groupés et de marcher ensemble vers la victoire.

La première étape consiste maintenant à forcer les humains à s’unir pour la lutte.
Au boulot !




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