Le Spationef Coincé (46)

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Oui, les extra-terrestres sont là !

Et le pire est à craindre puisque Agents et Jedis sont côte à côte, presque bras-dessus, bras dessous…
L’air ironique, Obi Wan grimpe les dernières marches qui mènent au seuil de l’ONU, enfin, ce qu’il en reste. Malgré son sourire, il n’est plus très vaillant. Il traîne la patte, à bien y regarder. C’est sûrement pour cela qu’Agent le soutient discrètement. Planqué à l’abri des regards, je n’en crois pas mes yeux à moi ! Les ennemis sont devenus des potes !
C'est quand même fort de café et... non...ça ne marche pas.
Ça vire au bordel total, toute cette histoire...


***

 

Bon, j’interromps ici le cours de ce récit pour m’entretenir un instant avec vous, amis Lecteurs. Une discussion franche et sans détour, vous êtes d’accord ?
Franchement...c’est n’importe quoi, non ?
Non, pas la peine de me raconter que c’est potable, que ça tient encore un peu la route, qu’on pourrait toujours faire l’impasse sur tel ou tel détail, etc. Non, non, non et non ! J’ai dit « une discussion franche et sans détour », d’accord ?
Je suis comme vous, vous savez. Je le vois bien que ces derniers chapitres sont nuls à cacater derrière un mur. C’est normal, vous me direz : dès qu’on s’écarte du texte initial pour glisser, par-ci, par-là, des points de vue un peu trop personnels, alors le récit perd de son charme. Il perd en vérité, quoiqu’il ne soit jamais plus vrai qu’à ces instants-là. Entre paradoxes et oxymores, il faut peut-être s’asseoir un instant et convenir qu’on assiste peut-être aux derniers instants d’inspiration d’un texte qui, au départ, n’avait nulle ambition de friser les deux cents et quelques pages… Parce que c’est vrai que, là, la situation est devenue tellement merdique que je ne sais plus par quoi continuer. Certes, les choses sont encore loin d’être terminées puisque de nouveaux intervenants devraient bientôt entrer dans la danse mais, sincèrement, ça ne vous gave pas un peu de voir tous ces débiles en train de se fédérer pour la ruine de notre petite planète ? Notre planète ! Cette ridicule bille bleue perdue dans un univers de noirceur et d’énigmes dont nous ne connaîtrons jamais les solutions avant longtemps !
Perso, je commence à les dégueuler à la petite cuiller tous ces ahuris de l’espace ! Non mais regardez-moi cette caricature de Kenobi : vieux, pourri jusqu’à la moelle, fielleux au possible, souriant mais fourbe. Paisible d’aspect mais en désordre total à l’intérieur. En plus il picole de la bière, ce con ! Non, mais vous imaginez un Jedi bourré, genre trois grammes et des dans les veines ? Ah, il serait beau le chevalier de la Raie Publique avec son laser ! Ferait sûrement plus de dégâts dans ses propres troupes !
Et puis, l’autre, là : l’Agent. Pas piqué des vers non plus, celui-là ! Belle gueule, beau costard, belles lunettes de soleil mais pas un cachou d’intelligence dans le ciboulot ! Toujours des plans à la mords-moi-le-chose, en plus ! Et qui ne fonctionnent jamais !

Et le héros…non mais vous avez vu le « héros » ??? N'a même pas de nom, pour commencer ! L'histoire du Héros Inconnu !  Un zéro, oui !
D’habitude, un héros, ça sent le Mir laine, parfum lavande ou senteur océane, épicéa ou framboise, si on fait dans le bisounours. Un regard d’aigle, une voix de stentor, un esprit à faire mourir de jalousie les plus fournis en QI. Et une dentition blanche comme l’innocence d’un nouveau-né ; une haleine qui sent bon le pôle Nord ; un sourire à fendre les aciers les plus solides ; une silhouette à faire tomber de leur tour d’ivoire les femmes les plus belles du monde, des carrés de chocolat en fonte dans le bide.

Moi, j'ai pas bol, vraiment ! Mon héros se traîne une silhouette de cachalot. C’est pas des carrés de chocolat qu’il a dans le ventre, mais une montagne de cacahuètes, enrobées de sel et confites dans quelques litrons d’huile ! Et pas d’olive, l’huile, parce qu’en plus il m’a confié qu’il n’aimait que les arachides ! Un tas de saindoux, obscur informaticien qui prétend foutre la pâtée à tous les autres alors qu’il a seulement réussi à bricoler une cabine téléphonique pour proposer des méga-soldes à ses contemporains ! Non mais je vous jure, ça ressemble à rien de rien ! Et pas l’ombre d’une pensée profonde. Le gouffre de Padirac, le héros. Et sans le gondolier au fond pour nous faire l’article !

Et le Jojo…mais quand je pense à celui-là, j’ai l’impression de l’avoir extrait d’un asile de demeurés ! Il a l’air de quoi avec son appareil photo, hein ? Vous pouvez me dire un peu ?
Et Adolphe ? Voilà peut-être le seul qui ait encore un peu de jugeote ! Mais pas sûr…faudrait voir la suite avant de se prononcer, à mon avis.
Et c’est pareil pour tout le reste ; ces politicards à la manque, non mais ils ne ressemblent à rien ! En plus,ils ont des noms pas possibles, même que j’ai du mal à m’en souvenir, au point que j’ai du en faire la liste ! Un comble pour des célébrités, non ?

Alors, j’en fais quoi, moi, de toutes ces trompe-la-mort ?

M’enfin, je sais pas, moi ; protestez, merde ! Dites que c’est nul, que ça mène à rien, qu’on sent les coups venir à des kilomètres, qu’on commence à sérieusement se faire suer avec tous ces abrutis, qui armés de laser, qui équipés dont on ne sait toujours pas de quoi mais suffisant pour tenir la dragée haute à tout une bande de dégénérés de l’espace, venus on ne sait pas vraiment quand, dont on sait à peine comment, et tout le reste !

Allez, bordel ! Relevez le nez de cet écran et manifestez, c’est la saison en plus ! Faites grève, quoi !

Je sais bien que je dois revenir sur mes deux derniers chapitres qui envoient tous les antagonistes dans une impasse de merde !
Retour deux chapitres plus haut, non mais vous imaginez le bordel que ça représente ? Vous y croyez à ça ? Un narrateur qui se paie le culot de vous refaire l’histoire en direct ?
Non, mais tout se perd de nos jours ! Moi, de mon temps, personne n’aurait jamais laissé faire une chose pareille sans voir son auteur roué de coups. Inondé de pots de chambre, le mec ! En-saladé de frais, juste avant de recevoir la suite du cabas de la ménagère outragée.
Voire pire : sa petite culotte !

Mais bon…les temps changent, paraît-il.

Et comme nous sommes au beau milieu d’une histoire loufoque, d’abord, totalement improbable, ensuite, je ne vois pas pourquoi l’auteur, moi en l’occurrence, ne se permettrait pas un petit sacrilège de temps en temps. Histoire de secouer un peu les conventions poussiéreuses du genre, vous voyez ?

Non ? Vraiment pas ? Mais quel conformisme, à la fin !
Moi, je suis là à me torturer les méninges, au moins ce qu’il en reste, pour vous narrer des trucs pas racontables et, alors que je vous propose une petite digression un peu rigolote, voilà que vous m’envoyez aux pelotes. Tout ça parce que « ça se fait pas ? »

Je ne suis pas loin de jeter l’éponge, la bassine et son contenu par la fenêtre, je vous préviens ! Et, même, la plume qui me coupe les doigts depuis des années, hein !

Alors, quoi ? Faites un bon geste : organisez une manifestation contre tout ce barnum et rejoignez-nous sur les marches de l’ONU pour faire front. Ensemble ! Tenez, créons notre propre ONU : Organisation Nationale des Ulcérés !  Non, ça ne vous tente pas, non plus ?

Bon. Tant pis, alors ?

Faut vraiment que je continue de vous conter par le détail les suites de la première guerre intergalactique ? Vous voulez encore savoir comment on va tenter de vaincre le Destin ? Et si on se mélangeait les pinceaux, hein ? Et si, contre toute logique, on venait à perdre la partie ? Que se passerait-il si tous ces affreux spécimens venus d’outre-je-sais-pas-où raflaient la mise ? Et s’ils faisaient péter la Terre pour y gagner l’énergie indispensable au démarrage de leurs moteurs qui ne fonctionnent toujours pas avec des fusibles ? Vous vous dites que je ne pourrais pas vous raconter la fin, la toute fin, puisque tous les protagonistes de cette tartufferie partiraient en confettis en même temps que le reste. Donc, que les extra-terrestres ne peuvent donc pas gagner, que c’est mathématique, logique, inscrit dans les fils téléphoniques des Parques !

Alors, vous voyez bien : cette histoire sans cul ni tête doit cesser dès maintenant !

Mais bon, je râle, je râle, mais je crois que je n’ai pas trop le choix. Je dois continuer, persister et signer. Impérieux devoir auquel je ne peux me soustraire.

Ben oui, il se trouve que, derrière Obi Wan Kenobi et Agent, montent aussi des personnages que personne n’aurait pensé faire partie du jeu. C’est vrai qu’on n’aurait jamais pu imaginer que le cours de l’histoire des Hommes continuerait son chemin pathétique dans ces circonstances.


***


En effet, pendant que Christine Lagourde, qui a remplacé au pied levé la chancelière allemande, trop lourde pour tenir la distance, continue de courser le malheureux Secrétaire des Nations Unies, Claudius Selganius, qui n’a réussit à conserver que ses porte-chaussettes, son caleçon à motifs écossais et sa cravate qui cavale au vent, le fleuve tempétueux de la lutte pour le Pouvoir continue de déferler sur les avanies dévastatrices d’un monde en perdition.
Assemblés derrières les extra-terrestres, le front ceint, pour la plupart, d’un bandeau à la Rambo (qui hurle un peu plus loin, je reconnais sa voix rauque et stupide), des cartouchières en travers sur la poitrine et des mitrailleuses lourdes dans les bras, les nouveaux membres du Conseil Mondial des Ministres Eligibles aux Prochaines Elections montent les marches, l’air martial et vainqueur.

Il ne manquait plus que ceux-là pour embrouiller encore un peu plus la situation !

Quand je vous dis qu’il est grand temps d’en finir avec ce terrible épisode terrestre…

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