Le Spationef Coincé (19)

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Ça m’aura pris quelques heures pour me retrouver dans cette ville énorme. Non pas que l’itinéraire fut compliqué ; ici toutes les rues sont des lignes droites, strictement parallèles les unes aux autres mais plutôt parce qu’elles sont interminables, leurs avenues !

Alors…Manhattan, East River, ensuite Murray Hill…les quartiers sont gigantesques mais l’air marin arrive jusqu’à moi. Je ne dois plus être très loin… Je dépasse une gare énorme…allons, où suis-je ? 3ème avenue ! Je me rapproche, donc. Sans savoir où je me rends, je constate que les lieux sont bourgeois, avec des maisons superbes. Il y a de grosses voitures avec chauffeur un peu partout. J’ai même vu un cortège de voitures officielles, aux ailes desquelles flottaient de petits drapeaux d’un pays inconnu. Des flopées de flics en motos encadrent tous ces gens et me dévisagent plusieurs fois d’un œil suspicieux. Il est vrai qu’avec mon costume en carton, je fais un peu fureur dans le coin. Je baisse la tête et je poursuis mon chemin. Encore quelques instants à me perdre dans ce dédale d’avenues immenses puis, enfin, j’arrive sur la 1ére Avenue. L’Hudson est là, sombre et encombré de toutes sortes de bateaux. L’embouchure du célèbre fleuve charrie à sa surface tout ce que les hommes ont inventé en guise de bateaux. Pour un peu, un porte-avions amarré à un quai ne me surprendrait pas plus que ça.

J’ai viré à droite, direction l’Océan, la Statue de la Liberté mais…tout faux. C’était pas par là. Bon… je soupire et je repars en sens opposé. Je marche, je marche… Mal aux pieds dans mes chaussures aux semelles percées. Le soleil tape fort et je sue comme un petit cochon sur un grill. Mes vêtements sentent mauvais. A ce train-là, je vais attirer toutes les mouches de la ville !

Mais où vais-je donc ? Je ne le sais pas, je n’ai qu’une adresse en tête et j’ai un mal de chien à m’orienter. Ça me rappelle mes jeunes années, celles où mes professeurs perdaient leur patience et des heures entières à me rechercher dans les bois, après que tous les autres élèves avaient fini leur course d’orientation depuis longtemps. Je n’ai toujours pas fait le moindre progrès depuis, donc.

J’arrive bientôt sur une immense esplanade, bordée de dizaines et de dizaines de mâts immenses sommés de tous les drapeaux du monde. Pas dur à reconnaître, pour une fois. Je suis au pied du bâtiment des Nations Unies. Je comprends mieux pourquoi tout ce cirque avec les policiers, les cortèges, les voitures de luxe… Le siège des Nations Unies ; la gloire !

-    On s’endort pas, ok ? me fait soudain la voix d’Agent, d’un ton un peu impatienté.

-    Si vous étiez si pressé, vous auriez pu m’indiquer le chemin à suivre, hein ? fais-je d’un ton sarcastique. Z’avez pas encore inventé le GPS dans vos bureaux Hi-Tech ?

-    J’ignorais que tu es si nul pour te rendre quelque part…rétorque Agent avec humeur.

-    Bah, maintenant, vous le savez. Je vous conseille de ne pas l’oublier à l’avenir.

-    Ok !

Re-clic. Il a coupé sans rien ajouter. Il commence à me courir un peu, ce type. C’est vrai, quoi ; il appelle pour me houspiller puis il repart sans un au-revoir ou un truc de ce genre. Pas cool, quand même. Mais c’est n’est quand même pas très grave. Je me sens l’humeur d’un touriste en balade. J’aime me sentir perdu dans ces lieux inconnus. Moi qui n’avais jamais quitté ma belle ville de San-Francisco, j’avoue que me viennent des envies de me promener, juste pour le plaisir de m’égarer. Pour bien énerver Agent, je m’arrête de longs moments à considérer l’ONU. Je ne regarde rien en particulier mais je sais que l’autre doit commencer à bouillir…
Après tout, un peu à moi de manipuler tous ces affreux. Je suis sur ma planète, non ?
L’heure tourne et je meurs de faim. Toujours rien dans le ventre depuis je ne sais plus quand et maintenant ça devient douloureux. J’ai croisé des multitudes de petits vendeurs de sandwichs, de hot-dogs et de trucs salés-sucrés mais je n’ai pas un sou en poche, à mon grand désespoir. Tant pis. Je reprends ma route, quelque chose me dit que je suis presque arrivé. Encore quelques rues. Maintenant, je suis dans le quartier des hôtels de luxe, de ceux qui réservent des suites princières à tous les dirigeants du monde qui vivent aux crochets de ceux qui ne pourront jamais s’offrir une nuit dans ces palaces…

-    Tu bifurqueras pour prendre la 59ème rue, et tu t'arrêteras à l’angle de Lexington Avenue, compris ?

-    Ouais… fais-je d’un ton fatigué.

-    Tu entreras dans l’hôtel qui fait l’angle. Présente-toià la réception, une chambre est réservée à votre nom.

-    A mon nom ?

-    Enfin, celui qu’on t'a attribué…Monsieur Charles Dickens. C'est AgentRêveEncore qui a trouvé ça. Sympa, non ?

-    Vous vous foutez de moi ?

-    Pas plus que tu fous de nous avec ton Chuck Yeager, me répond Agent sans frémir.

-    Pardon…fais-je en souriant.

J’avais oublié cette petite facétie… mais pas eux. En attendant, je me dis qu’avec mon accoutrement misérable, je n’ai aucune chance de passer le seuil de l’hôtel. Le quartier est huppé, pour ne pas dire luxueux. J'espère que les autres ont penséé à ce genre de détails.

-    Dites-donc, Agent…pourquoi je suis dans ce costume pourri ? Vous auriez pu faire un effort, non ?

-    C’était le seul moyen pour nous de te faire traverser le secteur sans te faire remarquer.

-    Sans me faire remarquer ? Mais vous êtes vraiment à côté de la plaque, les mecs ! Je suis le seul clochard à des kilomètres à la ronde, ici. Les flics vont finir par me jeter dans le fleuve tant je fais tâche dans le décor !

-    Je ne pensais pas à eux, en fait. Je me méfie bien plus d'Obi Wan et de sa clique. Ta mission est commencée, je te le rappelle et nous n’avions pas d’autre moyen de te rendre furtif.

-    Furtif….fais-je, pensif. Eh bé…au niveau technologique, vous avez encore de sacrées lacunes, si vous voulez mon avis.

-    On ne veut pas de ton avis…

-    Bah quand même, je vous dis que vous êtes des nuls !

Il n’a pas apprécié… moi, ça me rend le sourire. Je ne sais pas pourquoi…comme ça. Me voilà arrivé. L’hôtel à l’angle de la rue, m’a-t-il dit… Je cherche mais je ne vois qu’un palace. C’est pas possible que ce soit ça !

-    Heu… Agent ?

-    Oui, Charles, j’écoute.

-    Z’êtes sûrs que c’est dans le truc cinq étoiles que vous avez réservé ma chambre ?

-    Absolument. C’était la meilleure place disponible pour ce que tu vas devoir faire.

-    Mais…ils ne vont jamais me laisser rentrer !

-    Et pourquoi donc ?

-    Mais… je suis habillé comme un clodo !

-    C’est quoi un clodo ?

-    Ben…comment te dire ? C’est ceux qui n’ont pas le droit de rentrer dans ces lieux-là ! C’est réservé à l’élite, ces coins-là, et j’en  suis pas !

-    Ah…fais Agent, soudain soucieux. On n’avait pas pensé à ça…

-    Z’avez pas l’air d’avoir pensé à grand-chose…fais-je sans réfléchir.

-    Bon, débrouille-toi. Il faut que tu rentres quand même.

-    Mais…

Re-clic !
Mais il commence vraiment à me courir celui-là !!!
Je tente de le rappeler plusieurs fois en pensant très fort à des choses très déplaisantes mais il s’obstine à ne pas me répondre. Télépathe de mes fesses, va !
Pas le choix ; je dois trouver le moyen de rentrer là-dedans.



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