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   — On a trop déliré avec Johanna à la pause de midi, t'aurais vu comme on l'a fait criser la femme de ménage, tu sais la vieille folle aux cheveux rouges dégueulasses...

   — Ah oui je vois...

   — T'aurais été là t'aurais été morte de rire... On a vidé le rouleau de PQ dans les toilettes, puis en tirant la chasse on a tout bouché, l'eau est remontée jusqu'au rebord et est restée figée ! La vieille est passée juste après, elle nous gueulait dessus comme d'hab, on comprenait rien à ce qu'elle baragouinait la pauvre !

   Chacun s'amuse comme il peut... Ça fait une demi-heure que j'endure ces crétineries. Même Ophélie se force à rire. C'est d'ailleurs pour elle que je traîne ici, on est censés passer du temps ensemble quand ses copines partiront.

   — On est peut-être un peu trop méchants avec elle mais elle cherche aussi... On dirait une grosse cassos avec ses cheveux rouges pas lavés depuis des siècles...

   — Elle doit pas avoir les moyens de se payer du shampooing, le peu qu'elle gagne doit passer dans les clopes et la bibine...

   Elles gloussent, c'est insupportable. Même moi qui suis pacifique, j'aurais plaisir à les gifler. Mais ce n'est pas mon genre, surtout sur des filles. J'ai besoin d'un prétexte pour m'échapper sans passer pour le rabat-joie de service. Dans peu de temps je vais encore passer pour le type qui ne dit rien. Il me reste un peu d'argent de poche, dix francs, je vais m'acheter un croissant à la boulangerie.

   Personne ne m'a vu partir. Je remarque à nouveau ce sans-abri qui salue chaque passant en demandant une petite pièce, il fait souvent la manche dans le coin. Je le vois d'aussi près pour la première fois, je découvre son tatouage au milieu du front. Il me regarde aussi, en silence. J'ai comme l'impression de l'intriguer, d'éveiller ses soupçons, car à présent il ne me regarde plus mais me dévisage. Je me demande bien ce qu'il peut me vouloir.

   Je quitte la boulangerie et le mendiant me fixe une nouvelle fois de ses yeux vitreux. J'évite son regard un instant avant de vérifier s'il m'observe toujours. Il braque encore ses yeux sur moi, comme s'il voulait me déstabiliser.

   — Bonjour Florent.

   Hein ? Où est-ce qu'il a appris mon prénom ? Là il commence à m'effrayer le bonhomme.

   — Co... Comment vous savez... ?

   J'en balbutie. Il semble tout à coup préoccupé, comme s'il regrettait d'avoir attiré mon attention.

   — T'occupe pas de ça... Va plutôt rejoindre ta copine.

   Ophélie me fait signe de venir. Je regarde le sans-abri avec suspicion et pars la rejoindre sans dire un mot, la tête pleine de questions...

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