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    Rien de tel qu'une après-midi pluvieuse d'automne pour rester à la maison, et en profiter pour faire du rangement. C'était franchement nécessaire. Je me demande bien ce que peut contenir ce vieux carton dormant au fond du placard mural. J'arrache les bandes adhésives et déballe les premiers éléments. Des cahiers et des livres datant de l'école primaire, aux pages jaunies par les années, parfumées de cette odeur acide facilement identifiable, celle du vieux papier. Un tintement étouffé résonne du fond du carton quand je le soulève. J'enlève la pile de documents. Le dernier objet se présente comme une boîte de bonbons métallique. Que peut-elle cacher ? Voyons voir... Des petits rectangles verts... Ah oui ! Des bons points !

    J'en gagnais beaucoup, à l'époque, de ces bons points distribués en guise de récompense. Je me souviens qu'en CE1, à chaque interrogation écrite, les élèves qui obtenaient 10/10 gagnaient un bon point. Idem pour ceux et celles qui apprenaient correctement leur poésie, leur leçon de la veille, qui faisaient leurs devoirs, qui écrivaient proprement dans le cahier... Même les comportements pouvaient faire l'objet de récompenses ou de punitions. Les écoliers trop dissipés perdaient un bon point, tandis que les plus sages en gagnaient un.

    La boîte en contient des dizaines, de ces petits bouts de papier. Je faisais partie de ceux qui en possédaient le plus. Quoique non ! Je me souviens de ce garçon, il s'appelait Colin. Il n'avait pas d'amis dans la classe, n'ouvrait jamais la bouche hormis pour répondre à une question de la maîtresse. Son haut niveau de discipline lui valait des compliments de la part de l'instit', ainsi que, bien sûr, des bons points et des images. Il était de surcroît cité comme exemple dès qu'un élève se dissipait. J'entends encore la voix de la maîtresse : arrêtez de bavarder et prenez exemple sur Colin, si vous étiez tous comme lui la classe se porterait très bien !. Pour en revenir à mon cas, mes parents me motivaient dans cette quête de bons points, surtout mon père en fait. Plus j'en recevais, plus ils m'accordaient de gratifications. Le vendredi après l'école, Papa m'achetait un éclair à la boulangerie si j'en gagnais au moins deux dans la semaine.

    C'était le bon temps. Ça me fait drôle d'y repenser à quelques semaines de mes seize ans. L'enfance... Je me rappelle certaines choses... Je m'impatientais d'intégrer l'adolescence, excité à l'idée de faire comme les grands. En ignorant bien sûr que plus tard, aujourd'hui, conscient que l'enfance se tient derrière moi, je paierais cher pour revivre une journée dans ce paradis perdu, le temps où Ophélie rayonnait de joie, où ma famille semblait parfaite... Une période d'innocence. Nous étions petits, insouciants... On avait le monde sous nos yeux, la vie devant nous, mais on en ignorait toutes les subtilités, ne voyant que des formes, des silhouettes, de la même manière que face à un paysage, dans la nuit, nous devinons les plaines, les arbres, les lacs, les chemins, mais n'en distinguons que des formes abstraites, des masses obscures et incolores...

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